Les produits bio ont progressé moins vite que les conventionnels durant l’année 2020. Pour attirer de nouveaux consommateurs, les marques mettent l’accent sur le made in France et d’autres origines en y couplant parfois le commerce équitable.
Par Jean-Bernard Gallois
Les points forts
► Marché
Une croissance atténuée
► Tendance
Vers le bio+
► Packaging
Vers le biodégradable
La pandémie actuelle a rebattu les cartes. Après plusieurs années où la croissance des produits bio était de +20 % en valeur dans les GSA, elle s’est ralentie en 2020 pour s’établir à +13,2 % en valeur (source IRI) avec un essoufflement dans la seconde partie de l’année. Ce n’est plus le bio qui entraîne la croissance dans les magasins. À l’inverse, les achats de produits conventionnels ont explosé pendant et après les confinements pour rééquilibrer les rapports de force. “Au total, les PGC ont connu une hausse de +7 % sur l’année 2020”, indique Nadège Peteuil, analyste chez IRI et spécialiste du bio. Les produits bio représentent 5,1 % des PGC l’an dernier, en progression de 0,3 point. “Dans le contexte de crise, le bio n’a pas été la valeur refuge et les consommateurs ont reporté d’autres dépenses difficiles à effectuer – comme les sorties – sur l’alimentaire en se faisant plaisir”, poursuit l’analyste.
Parmi les catégories de produits ayant bénéficié de cette période singulière et de la fermeture des cafés-hôtels-restaurants figure… le café. “Carte Noire a largement profité des transferts du CHR avec une croissance de +7,8 % en volume à P2 2021 (chiffres Nielsen), en tant que marque refuge et marque préférée des Français, souligne Alice Finaz de Villaine, directrice marketing business de Carte noire. Nous nous sommes aperçus que les consommateurs sont en recherche d’innocuité, de réassurance et de durabilité”.
Sur le total de la catégorie café, le bio représente un marché de 178 millions d’euros (chiffres Nielsen), en progression de 27,6 % sur la période. Sa consommation n’est plus marginale du tout et plus d’un cinquième des foyers français achètent du café bio au moins une fois par an. Le marché est tiré par le segment des grains, et l’innovation.
Café, en forte progression
Carte noire affiche une hausse de +42,7 % en volume, avec une PDM de 13,2 % en volume (en croissance de 1,4 point). “Nous sommes la seule marque présente sur la totalité des segments sur le marché bio”, précise-t-elle. La marque étend sa gamme grains avec le lancement de Sélection bio Pérou en paquet de 500 g qui vient d’arriver en rayon. En 2021, elle arrive avec une première gamme de café prêt à boire, “composé d’un café pur arabica et lait de vache ou lait végétal, en deux formats et trois recettes, indique Alice Finaz de Villaine. Celles-ci couvrent le cappuccino et le moccachino avec une troisième référence cappuccino au lait d’amandes. Ces trois recettes sont disponibles en format 250 ml pour un usage
individuel et un format 750 ml pour être partagé au petit-déjeuner”.
De son côté, Lavazza, (marque du groupe Lavazza, avec Carte noire), arrive en bio sur le segment des grains en 500 g avec deux références, Voix de la Terre For Planet (café arabica d’Afrique, d’Amérique centrale et du Sud) et Voix de la Terre For Amazonia (café arabica du Pérou), à travers lesquelles la fondation Lavazza s’engage pour appréhender les effets du changement climatique et pour la protection du patrimoine environnemental de la forêt amazonienne.
Même engagement pour Malongo. “Historiquement, nous développons de nouvelles filières pour le bio et l’équitable, car le premier sans le second nous semble être synonyme d’appauvrissement des producteurs”, souligne Jean-Pierre Blanc, directeur général de Malongo. En 2020, la marque a sorti El Triunfo, en 500 g sur une plantation mexicaine dans une forêt protégée puis une boîte terroir Éthiopie bio équitable. Le moka d’Éthiopie a été lancé en doses par 100 pour répondre aux besoins de vente à distance durant le confinement ainsi qu’un Déca Aqua bio en 100 doses toujours et un Honduras-Guatemala en 16 doses. Malongo lance Laos bio équitable ce trimestre dans la gamme des 500 g, ainsi que dans une boîte terroir de 250 g. “Nous sommes en croissance de +16 % en 2020 sur le bio avec 5 000 tonnes de café vert produit en bio et équitable et nous faisons vivre 10 000 familles, en Asie, en Birmanie, au Congo, en Amérique centrale et au Mexique”, poursuit Jean-Pierre Blanc. La marque dispose de l’ensemble des produits adaptés aux trois moments de consommation de
café durant la journée : pour le matin, le Purs Matins bio équitable, La Tierra bio et équitable à midi et vers 16h, le café décaféiné à l’eau sans solvant bio et équitable Déca aqua.
Le café bio représente 56 % des ventes de Méo (en croissance de +26,2 % en 2020 contre une performance totale de la marque à +18,5 % valeur, soit quatre fois le marché). Deuxième marque en PDM valeur sur le bio avec 14,2 %, Méo a préféré reporter ses lancements nouveautés 2020 du fait de la Covid-19, ainsi que le lancement d’une nouvelle plate-forme de marque. “Nous avons changé de logo et de signature afin d’affiner notre préférence marque de “Torréfacteur de saveurs” à “Créateur de café” avec un packaging en papier kraft pour la gamme conventionnelle et un fond blanc et vert pour les références bio”, souligne Pascal Leleu, directeur commercial de la marque. Méo a lancé, en novembre dernier, une boîte métal 250 g de moulu bio sans solvant, avec décaféination naturelle au CO2, ainsi que deux capsules compatibles Nespresso bio Max Havelaar, en offre Intense et Equilibré. La marque a aussi élargi son offre sur le 500 g, en lançant, à côté de l’original bio, une référence en moulu intense et grain intense. Enfin, elle a également sorti des dosettes souples décaféinées biologiques par 36 du type Senséo sans solvant. Et une troisième référence en capsule compatible Nespresso par 10, en doux. “Notre raison d’être est de rendre durable et engagé le plaisir de consommer le café”, ajoute Pascal Leleu.
Le boom des aides à la pâtisserie
À côté des cafés, les aides à la pâtisserie ont, bien sûr, été l’une des catégories gagnantes durant la pandémie. “La catégorie a explosé sous l’effet des deux repas pris à la maison et, par ailleurs, la pâtisserie, qui est un choix, constitue une activité très agréable à faire avec les enfants, elle crée du lien, même par écrans interposés”, Sophie Rivière Terrin, directrice marketing Europe, catégorie desserts chez Vahiné. La marque du groupe McCormick a connu une croissance de +28 % sur une année en valeur et en unités et compte désormais 25 références sur le bio.
La catégorie des aides au dessert a connu une croissance exceptionnelle de +23.2 % en unité et +18.3 % en valeur sur une année, grâce à la performance de l’épicerie sucrée affichant une évolution de 30.9 % en unité et +27.8 % en valeur, elle-même soutenue par les beaux résultats du marché de l’épicerie bio (+33.8 % en unité, +28.1 % en valeur). En 2020, Vahiné
a lancé une gousse vanille Grand Cru d’Exception Bourbon (couronnée meilleure innovation de l’année) et a lancé en mai trois nouvelles références sur le marché de l’épicerie BIO. Il s’agira de pépites Chunks (chocolat noir pour cookies), et de deux vanilles : un extrait de vanille, trois fois et demi plus concentré qu’un arôme, lancé directement en bio, et un arôme de vanille bio en format 50 ml.”
“Notre priorité est de développer la présence en magasin sur ces références bio existantes sachant que le bio représente 8,5 % des ventes en valeur sur les aides à la pâtisserie”, souligne Sophie Rivière Terrin. La responsable décrit comme enjeux des prochaines années la fidélisation des nouveaux consommateurs arrivés en 2020 qui ont permis d’augmenter la pénétration de Vahiné (qui a gagné sept points l’an dernier).
Au-delà du Bio, Vahiné s’engage également notamment au travers des labels “Transparence Cacao” et “Rainforest Alliance” pour produire des produits de qualité issus de filières responsables. Autre pilier qui représente la moitié des investissements média de la marque : le local et le durable, des tendances fortes à mettre en avant sur les communautés à partir du digital.
Sucre : canne ou betterave ?
Toujours au rayon sucré, le segment total du sucre bio en hyper-supermarchés et proximité a gagné +31 % en ventes valeur à P2 2021. Les deux lancements de Saint Louis en 2020 ont été le sucre de betterave bio dans un pack en carton recyclable “qui connaît des rotations très satisfaisantes”, explique Camille Bouclier, responsable marketing de la marque. Autre
sortie avec Confisuc Bio, marque leader des sucres gélifiants (42 % de PDM valeur) qui possède des avantages de simplicité et de rapidité. “Un lancement très encourageant avec de bonnes rotations sur la saison”, ajoute Camille Bouclier. Numéro 2 sur le marché du sucre biologique, “nous avons progressé en parts de marché sur ce segment et fournissons une offre cohérente en emballage papier ou carton, en supprimant tous les éléments en plastique qui peuvent l’être”, ajoute-t-elle.
Saint Louis a lancé en mai 2021 des petits morceaux blonds “pure canne bio” de forme hexagonale de 3,5 g, certifiés fairtrade avec Max Havelaar. “Cette offre pourra séduire, en particulier, les consommateurs de café, déjà attirés par les produits issus du commerce équitable, pour se différencier de ce qui existe sur le marché”, souligne Camille Bouclier. Saint Louis commercialise depuis deux ans l’intégralité de sa gamme “pure canne” en sucre de canne non raffiné.
Viande : montée progressive
Côté viande, le bio s’installe doucement. Élivia a sorti, sous sa marque “Sourires de campagne”, début avril, un steak haché façon bouchère de 2X100 g et 100 % race à viande, de forme ronde pour tous les types de buns. “Il contient 12 % de matière grasse afin de se faire plaisir, avec la qualité de la viande élevée 100 % française et sans pesticide”, indique Caroline Bernier, responsable marketing chez Élivia. La seconde référence est un carpaccio de bœuf en race bovine, avec marinade olive, citron et basilic de format 180 g. Sourires de campagne possède une gamme assez large. “Nous avons connu une progression de +33 % en ventes sur ses volumes depuis deux ans alors que le marché total des offres responsables – y compris bio – a augmenté de +12 % et que les viandes conventionnelles ont connu une hausse de +6 % sur la dernière
année”, ajoute Caroline Bernier. Elle rappelle que plus d’un quart des consommateurs français ont déjà acheté de la viande bio et compte sur le label sélection bio pour séduire plus de clients. Ce label, destiné aux produits bio en GMS, récompense les produits dégustés par les consommateurs (minimum 100) et permet l’apposition d’un sticker sur les packagings. La marque a obtenu 17,78 sur 20 pour ses chipolatas.
De son côté, la société Bioporc a relooké les packagings de sa gamme distribuée en circuits spécialisés depuis le 1er janvier dernier, en la signant “La marque de nos éleveurs” ainsi que le label Agri-éthique France. La filiale de la coopérative Cavac a également ajouté un logo indiquant Fabriqué en Vendée, “car tous nos éleveurs sont à moins de 150 kilomètres du site de transformation”, explique Christine Derepas, responsable marketing et développement chez Bioporc. Pour les GMS, la marque “Bonjour Campagne” a lancé un boudin noir antillais et une gamme conservation sans nitrite, le 1er avril dernier, avec un jambon découenné dégraissé deux tranches de 80 g, un rôti deux tranches de 80 g et une saucisse de Strasbourg en format 200 g. “Nous renforçons fortement notre positionnement avec notre marque consacrée aux GMS, ‘Le bio des éleveurs’ qui met en avant une meilleure rémunération de ceux-ci et le fait que nos produits sont issus d’une filière de porcs biologique locale”, ajoute-t-elle.
Un air d’ici
Tendance vrac
Parmi les tendances phares de cette année 2020, le vrac s’implante sous toutes ses formes dans tous les formats de magasins. La société Un air d’ici, qui a commencé avec les graines salées apéritives puis les graines culinaires, a basculé dans le bio depuis une douzaine d’années avec sa marque Juste Bio. Précurseur dans le vrac bio voici cinq ans, elle propose un concept de service complet. “Nous mettons un meuble à disposition avec les trémies et notre propre personnel – une centaine de personnes – les remplit en temps et en heure et assure la traçabilité des produits”, indique Franck Bonfils, fondateur de l’entreprise. Présent dans 6 000 points de vente avec une prédominance des enseignes indépendantes, Juste Bio préconise une implantation type de 23 trémies. “Nous disposons de 140 références au total, mais ¾ des ventes se font en fruits secs, en particulier avec les amandes qui représentent 20 % des ventes”, souligne Franck Bonfils. Deux catégories de produits ont particulièrement fait preuve de dynamisme ces derniers mois : les snackings et les apéritifs avec le développement de produits aromatisés, sur les noix de cajou ou les noisettes, par exemple et les mix de produits (figues et pommes séchées). La seconde catégorie de produits en progression ? Les aides culinaires pour salades. Enfin, nouveauté dans l’air du temps du côté des produits emballés, Juste bio a créé une gamme d’origine France, Cocorico, qu’elle a inauguré avec les noix, des graines de courges et de tournesol. Pour les amandes, elle attendra encore un peu que la filière bio se structure davantage.
Juliette Favre,
Insight manager
chez IRI
en partenariat avec
Des rayons moins visibles
Durant la première année de la crise, entre avril 2020 et mars 2021, le chiffre d’affaires des PGC alimentaires bio (épicerie, frais LS et liquides) en GSA s’élève à 5,6 milliards d’euros en croissance de +6,2 %. Cette dynamique du label AB
est bien inférieure à celle des années précédentes (année 2019 : +18,5 %) et proche de celle de l’ensemble des PGC alimentaires (+5,2 %). Ainsi, le poids du bio au sein des PGC alimentaires est, sur les 12 derniers mois, de 5,6 %, quasi stable vs l’année précédente (+0,1 point). Ce ralentissement des produits certifiés, déjà en marche avant la crise, est notable depuis la fin du 1er confinement.
Crèmerie et rayon frais en baisse
La contraction de la croissance est particulièrement inquiétante pour les rayons crèmerie et frais non laitier, poids lourds du bio en GSA. À eux deux, ces rayons représentent plus de 40 % des ventes AB. Le développement des ventes de bio de la crèmerie, notamment de l’ultra frais, et du frais non laitier est inférieur à celui des ventes de produits conventionnels et le poids du bio se rétracte légèrement (-0,2 point). La perte de visibilité des références certifiées pénalise ces deux rayons. En effet, l’extension de leurs assortiments, qui a soutenu la croissance du bio depuis plusieurs années, est au plus bas et la part du bio dans leur offre ne progresse plus sans que le soutien promotionnel prenne le relais. Or, les Français restent inquiets, fréquentent moins souvent les points de vente et passent moins de temps en rayon. La visibilité des références est donc un levier décisif.
Réduction des assortiments
La situation du Frais LS bio est à prendre en compte pour l’ensemble du marché labellisé qui a construit sa croissance sur une extension de son offre. Cependant, dans un contexte de réduction des assortiments, notamment dans les enseignes d’hypermarchés, les performances des références sont critiques pour justifier les places en rayon et pour l’instant, à peine plus de 10 % des segments des PGC alimentaires bio ont des rotations valeur comparables à celles des autres PGC alimentaires.