La vente d’articles d’occasion (connu sous le terme anglo-saxon de « recommerce ») est une tradition aussi ancienne que le marché lui-même, allant de la vente aux enchères d’objets d’art anciens ou de mobilier d’époque par des maisons spécialisées, aux braderies et autres vide-greniers. L’arrivée d’Internet, et de plateformes comme eBay et Leboncoin, a permis aux revendeurs d’accéder à une clientèle potentielle beaucoup plus large et ainsi contribué à faire évoluer le regard de la société sur les biens d’occasion.
Aujourd’hui, le marché de l’occasion est en plein essor, porté par cette évolution des mentalités et les changements provoqués par la crise sanitaire mondiale, qui incitent les consommateurs à adopter des habitudes d’achat plus durables. La fermeture des commerces imposée au cours de l’année dernière a incité les consommateurs à se tourner vers internet pour vendre ou acheter des produits d’occasion.
La seconde main : un phénomène qui prend de l’ampleur
Le marché de l’occasion exerce un attrait grandissant sur les consommateurs de tous âges et de tous horizons de plus en plus sensibles aux questions écologiques. Ce facteur devient d’ailleurs un déclencheur d’achat déterminant, puisque 73 % des millenials[1] déclarent préférer acheter auprès de marques durables.
Les motivations des acheteurs sont multiples, mais l’une des plus importantes est sans doute d’ordre économique : pouvoir s’offrir des pièces chères à un prix abordable et faire de bonnes affaires.
Aussi, il y a une certaine idée de « circularité de l’objet », qui plaît notamment à la nouvelle génération, se détournant ainsi des articles neufs bon marché de moindre qualité.
Par ailleurs, de plus en plus conscients dans leur façon d’agir et de consommer, les acheteurs ne veulent plus accumuler de façon compulsive. Surtout si leur espace de vie est limité. La revente de vetements et accessoires entre particuliers offre un moyen durable de faire le ménage dans leurs placards, de réaliser leurs aspirations en matière de style de vie et de dénicher des articles souvent vintage et originaux pour « être tendance ».
Une opportunité à saisir
Selon Statista, le marché mondial des vêtements d’occasion et de revente devrait atteindre 65 milliards de dollars d’ici 2024, contre seulement 11 milliards de dollars en 2012. C’est une opportunité potentielle significative que les marques ne peuvent pas ignorer. En diversifiant leurs offres, elles pourraient exploiter une nouvelle clientèle d’acheteurs soucieux du prix et de l’environnement, tout en démontrant la force de leurs engagements en matière de durabilité.
L’année dernière, Kering, qui possède notamment Gucci, Bottega Veneta, Alexander McQueen et Balenciaga, a pris une participation de 5 % dans le site français de vente en ligne de vêtements d’occasion Vestiaire Collective. Ce dernier propose un service qui permet de trouver et d’authentifier des articles d’occasion, afin que les acheteurs potentiels puissent faire leurs achats en toute confiance. Alors que de nombreux retailers ont vu leur activité diminuer l’année dernière, Vestiaire Collective affiche une croissance de plus de 100 %.
Pour prendre part à “l’économie circulaire”, en vogue chez les consommateurs d’aujourd’hui, les marques doivent être certaines de pouvoir à la fois préserver la proposition de valeur de leurs articles haut de gamme et gérer tous les éléments logistiques impliqués.
Envisager le marché de la seconde main comme un service
Si les marques de luxe représentent une part importante des produits revendus sur le marché de l’occasion, toutes sortes de marques, de retailers et de labels sportifs se lancent dans le « recommerce » et adoptent des initiatives circulaires. Ainsi, tout récemment, le géant suédois IKEA a annoncé un nouveau service de rachat des meubles et s’est engagé à revendre, donner ou recycler ces articles.
Dans le secteur de l’habillement, Trove (une société récemment créée aux Etats-Unis) a fourni un service de “shopping circulaire” à de grandes marques comme Levi’s, Lululemon et Patagonia. Ainsi, la marque de mode éthique et responsable a utilisé Trove pour lancer sa vitrine numérique Worn Wear – à travers laquelle elle encourage les clients à rapporter leurs vêtements “encore fonctionnels” dans un magasin, ou à les renvoyer par courrier, afin de bénéficier d’un avoir sur un prochain achat en retour. De son côté, Levi’s s’appuie sur Trove pour créer Levi’s SecondHand, un programme qui vise à remettre en état et revendre les pièces, afin de prolonger leur durée de vie et lutter contre la pollution.
Le marché de l’occasion : les réalités commerciales
Alors qu’une étude récente a révélé que 56 % des personnes, toutes générations confondues, sont prêtes à payer davantage pour des produits durables, ce sont bien les jeunes consommateurs qui donnent le tempo. Selon une étude de GlobalData, les Millennials et la génération Z sont deux fois plus enclins à se tourner vers des produits de seconde main que les consommateurs plus âgés, et achètent avec enthousiasme des vêtements, des bijoux, des chaussures et des sacs à main d’occasion. Un tiers de la génération Z songeait à acheter un vêtement, une paire de chaussures ou un accessoire de mode d’occasion rien qu’en 2020. Les pièces haut de gamme, en particulier, sont à l’origine de cette croissance massive du marché, le marché du luxe d’occasion progressant quatre fois plus vite (12 %) que le marché primaire du luxe (3 %).
Maîtriser les options de traitement
L’un des plus grands défis du marché de la seconde main consiste à déterminer la meilleure façon de gérer et de traiter les retours – notamment en validant si les articles sont authentiques ou s’il s’agit de contrefaçons, si le processus de retour doit inclure le nettoyage et les réparations, et si le crédit ajouté au compte du client sera émis en fonction de l’état de l’article. C’est l’essence même de la logistique inversée.
Après quoi il faudra décider s’il est préférable d’offrir une expérience de marque totalement intégrée qui répertorie les articles usagés à côté des articles neufs, ou s’il est préférable de vendre les articles usagés sur un microsite distinct, comme a choisi de le faire la marque pour enfant Jacadi.
Pour les retailers qui choisissent de gérer les retours en interne, en externalisant uniquement les étapes telles que le nettoyage et les réparations, un système de gestion des commandes (OMS) flexible sera essentiel pour élaborer un processus qui s’adapte le mieux au modèle commercial proposé et répond aux attentes des clients.
Les plateformes modernes permettent aux marques de gérer facilement tous les éléments logistiques qui rendent la revente d’articles d’occasion possible. Comme pour tout autre processus de fulfillment, l’OMS peut être utilisé ici pour orchestrer chaque étape : le lancement d’un « retour aveugle » (« blind return »), ou encore le regroupement des articles en vue de leur expédition vers un centre de traitement. Il peut aussi être utilisé afin d’optimiser la gestion des étapes manuelles telles que les contrôles de qualité, ainsi qu’au niveau du déclenchement automatique des notifications au personnel et aux clients, et à la mise à disposition en ligne des articles une fois qu’ils sont disponibles à la revente.
Saisir l’opportunité
L’évolution des habitudes d’achat des consommateurs se traduit par une explosion du marché de la revente. Les acheteurs cherchent des articles de créateurs vintage et adoptent un comportement plus frugal, cherchant à éliminer le gaspillage et protéger la planète. Mais ce n’est pas le seul facteur en jeu.
L’importance croissante accordée à la circularité et à la durabilité au sein même de l’industrie de la mode joue également un rôle majeur dans la promotion de la revente. Selon un récent rapport de McKinsey, la revente, la réparation et la remise à neuf pourraient contribuer à réduire de 13 millions de tonnes d’ici à 2030 les émissions de CO2 du secteur de la mode.
Les marques cherchent à créer des relations dans le temps avec des clients qui se soucient de ce qu’il advient de leurs vêtements une fois qu’ils en ont profité.
La mise en place des solutions technologiques – à commencer par un OMS – va leur permettre non seulement de faciliter leurs process internes mais aussi d’améliorer l’expérience client en les aidant à échanger facilement leurs articles déjà portés, afin qu’ils puissent se tourner vers la dernière collection. Les marques pourront ainsi élaborer le processus qui convient le mieux à leur activité, tout en offrant un moyen durable aux jeunes acheteurs de s’offrir une expérience de luxe.
Par Thomas Hindré, VP Europe du Sud, Fluent Commerce
[1] https://www.forbes.com/sites/forbestechcouncil/2020/10/07/recommerce-on-the-rise-how-traditional-retailers-can-stay-competitive/?sh=200e309a7f28