Les écrans à l’intérieur et l’extérieur des magasins sont en vogue. L’objectif des fabricants de solutions et des intégrateurs est de faciliter la diffusion des messages nationaux et locaux en permettant aux points de ventes et aux responsables des rayons traditionnels d’être autonomes.
Par Jean-Bernard Gallois
Les points forts
► Homogène
Les enseignes ont lancé des appels d’offres sur des centaines d’écrans
► Généralisation
Les écrans sont aussi bien déployés dans les magasins qu’à l’extérieur
► Impactant
Les écrans de pub dans les allées augmentent les ventes de produits
Toucher le consommateur au bon endroit et au meilleur moment : le DOOH (“digital out of home”) répond parfaitement à ces exigences. Aujourd’hui, plus que jamais, le consommateur demande des messages impactant et contextualisés , à
quelques mètre des rayons. Selon le Baromètre Shopper-in-Store Média Ipsos 2020, 86 % des clients décident d’au moins une partie de leurs achats en magasin. “Avec l’impact radical de la crise sanitaire, ce qui va faire sens demain est la logique de pousser la transaction, estime Emmanuel Pottier, directeur général adjoint stratégie et transformation digitale chez Clear Channel. Nous nous rendons compte que la logique de prescription a volé en éclats ces derniers mois. de nombreuses questions surgissent : comment est-ce que j’adapte ma publicité demain ? Nous étions dans les mass-média, nous allons devenir un média tactique en fonction d’une zone géographique.
Comment met-on du contenu ? Quel contenu ? Comment pousse-t-on les gens à aller sur une market-place ou un autre canal pour acheter ? Quel est le tunnel de vente quand un consommateur croise nos panneaux dans la rue ou en centres-commerciaux ?” Toutes ces interrogations taraudent les enseignes et les poussent à l’action.
Après des années d’implantations d’écrans dans les supermarchés et hypermarchés de manière plus ou moins ordonnée, les enseignes lancent des appels d’offres massifs concernant des écrans. “L’objectif premier est de mieux communiquer en magasin, d’augmenter le trafic et d’offrir une expérience complémentaire des sites Internet”, indique Rodolphe d’Aragon, directeur marketing et développement chez DynamicScreen. Une exigence des enseignes est d’homogénéiser leur prise de parole en magasin et de laisser également s’exprimer les commerces locaux.
Simplicité d’usage
“Le premier critère demandé est la simplicité d’usage, poursuit Rodolphe d’Aragon. Ce ne sont plus les informaticiens mais les communicants qui gèrent les écrans avec cette question : l’équipe marketing va-t-elle pouvoir bénéficier d’une autonomie totale ? Notre logiciel s’adresse à des gens dont ce n’est pas le métier de produire du contenu comme les responsables de rayons traditionnels.”
DynamicScreen propose la capacité de pouvoir créer du contenu directement depuis le logiciel. “Le contenu en retail étant très vite obsolète, 10 à 15 jours en période de promotion, l’idée est de changer les prix automatiquement”, ajoute le responsable. La société qui travaille avec IrriJardin (une centaine d’écrans), Gédimat, Beauty Success et les joailleries
Mauboussin déploie des scénarios de diffusion automatiques comme leur automatisation en fonction de critères externes tels que la météo ou des objets connectés. Un algorithme est branché sur un site météo local et les boucles sont programmées en fonction du franchissement d’une température : par exemple, une bière sans alcool sera projetée s’il fait plus de 25 °C.
“Nous proposons une solution globale pour optimiser la visibilité de nos clients et le digital en fait pleinement partie”, indique Gaël Taché, responsable grands comptes chez Semios. L’enseigniste aux racines bretonnes, qui compte 150 personnes et réalise 20 millions d’euros de chiffre d’affaires, accompagne notamment le secteur de la distribution dans le cadre de projets unitaires et de déploiement de réseaux nationaux. “Nous travaillons en partenariat avec des entreprises françaises spécialisées pour proposer des solutions digitales en extérieur, en intérieur ou en vitrine”, poursuit Gaël Taché. Par exemple, le magasin Leclerc de Plougastel a intégré sur sa façade un écran de 6 m x 4 m l’an dernier afin de valoriser en temps réel ses offres promotionnelles. Autre exemple, le centre commercial Grand Quartier à Rennes dispose désormais de 180 m² d’affichage répartis sur trois écrans géants. “L’objectif est de valoriser un centre commercial innovant et de mettre en avant son offre à travers la promotion des marques et services qu’il propose”, poursuit Gaël Taché. Autre écran en vogue : le LED transparent autocollant. “Il s’agit d’un écran adhésif découpable qui s’installe sur une vitrine. Il offre de l’extérieur une excellente visibilité des contenus digitaux et permet une bonne diffusion de la lumière de l’intérieur”, indique le responsable grands comptes.
Intérieur/extérieur : le lien essentiel
Cette interaction entre le dedans et le dehors est un des grands enjeux actuels de la communication digitale. Prismaflex est un fabricant de panneaux LED de grands formats pour l’intérieur des magasins et les extérieurs. “Nous constatons une demande de la part des enseignes pour des demandes en extérieur qui vont croître dans les prochaines années”, dit Pierre-Henri Bassouls, président et fondateur du groupe. Un panier type comprend d’un à trois panneaux, du 2 m2 au
6 m2, avec un dispositif par voie d’accès, vers le parking ou un rond-point, ou un dispositif sur la façade ou un totem en entrée magasin.
Pour un tarif de 15 000 euros (panneau de 2 m2) à 23 000 euros (6 m2, une cinquantaine de modules de 40 cm x 40 cm), tarifs hors pose et installation, les écrans LED ont vu leurs prix divisés par deux en cinq ans et proposent une qualité impressionnante. L’aspect développement durable n’est pas oublié : “Nous avons fait une analyse de cycle de vie des panneaux LED et des déroulants classiques et le résultat est un bilan carbone similaire. D’un côté, le panneau LED consomme de l’électricité, mais il évite la création d’affiche et la logistique pour les changer”, souligne Pierre-Henri Bassouls. Les panneaux, qui permettent l’affichage de dix à douze messages, communiquent par modem 3G avec des solutions de player permettant d’acheminer des créations simples et automatisables dans la boucle.
Tout au long du parcours client
Créée voici quinze ans, Atawa Interactive perçoit bien l’intérêt grandissant des enseignes à s’équiper d’outils de communication digitale dans leurs magasins. “Les enseignes souhaitent intégrer des écrans tout au long du parcours
client, depuis le parking jusqu’au drive, à l’intérieur des magasins au niveau des rayons frais et à l’accueil avec des totems dans les galeries marchandes”, lance Yves Sérandour, coassocié d’Atawa Interactive. L’entreprise a installé plus de 3 000 écrans dans les principales enseignes de la distribution alimentaires. “Les rayons frais traditionnel sont une zone stratégique dans le magasin, car le client recherche des conseils pour des recettes et des offres promotionnelles avant de faire son choix, indique Yves Sérandour. Il nous semble important que le point de vente puisse avoir la main sur sa communication au niveau local. C’est pourquoi le poissonnier ou le boucher peuvent mettre en avant leurs produits”. Que ce soit avec un écran tactile ou pas, ils ont la possibilité, en quelques secondes, de mettre la photo du produit, le prix et le label et ce, depuis le rayon.
Le smartphone plébiscité avec la Covid-19
Atawa Interactive n’a pas délaissé les bornes interactives, à la mode voici quelques années, bien au contraire. “Celles-ci offrent au consommateur de faire des choix éclairés et rapides, ajoute Yves Sérandour. Notre borne Vinoreco propose au client une sélection de vins présents dans le rayon en fonction du plat choisi”. Sur ce modèle, le spécialiste de l’affichage
digital vient de lancer une borne de conseil en bière, dont l’extension du nombre de références rend le choix de plus en plus délicat pour le consommateur (voir ci-dessous).
Tant les écrans que les bornes interactives étaient assez décriés ces trois dernières années par des consultants proclamant que le smartphone deviendrait l’écran de référence pour le consommateur. “Depuis la pandémie de Covid-19, ces réflexions sont nuancées, car le consommateur a davantage besoin d’être épaulé en magasin, il apprécie les conseils et les suggestions”, souligne Yves Sérandour. Le client peut apprécier de sortir de son téléphone et découvrir des offres, en particulier dans l’alimentaire et les produits liés aux productions locales. “Nous travaillons à offrir autre chose qu’un affichage dynamique passif et voulons simplifier la démarche de scanner le produit sur son smartphone pour avoir la fiche technique”, souligne Rodophe d’Aragon de DynamicScreen.
Connexion aux IoT
Le rôle des écrans a déjà commencé à évoluer depuis le printemps dernier et devrait poursuivre sa mutation dans les prochains mois. “En tant que régie publicitaire et opérateur de centres commerciaux ou de magasins, nous nous retrouvons avec des commerces concurrencés par les market-places, commente Emmanuel Pottier de Clear Channel. Nous devons trouver notre positionnement dans la nouvelle chaine de valeur qui est en train de se créer.” Celle-ci peut
être de donner au consommateur davantage de données, auquel cas le métier de Clear Channel et de ses confrères se rapprocherait d’un Google ou d’un Microsoft. “Nous devons nous pencher sur la manière d’être de nos médias, prendre en compte les enjeux sociétaux. En clair, un panneau qui ne fait que de la publicité ne fonctionnera plus”, résume Emmanuel Pottier. Le responsable évoque pêle-mêle les engagements écologiques ou des messages citoyens, de prévention, d’entraide… “Notre filiale suédoise a créé des maraudes électroniques en touchant un écran qui indique les chambres disponibles à l’instant « t »”, ajoute-t-il.
“Un de nos développements à venir est la connexion des écrans à des objets connectés. Lorsqu’un client prend, par exemple, une chaussure sur un présentoir, cela affiche un contenu à l’écran, comme une fiche-produit, lance Rodolphe d’Aragon. Tout ce qui engendre une interaction avec le client est très recherché par les enseignes. Ce type de solutions, que nous avons déployé pour des flagships à la recherche de nouvelles expériences peut être industrialisé sur 200-300 magasins en rendant l’enseigne autonome”.
Écrans en magasin
Le groupe Krys s’équipe chez Passman
Passman, créateur de solutions connectées lancé en 1995, compte plus de 7 000 établissements clients à travers la France (dont Carglass, Keep Cool, CMG). Pour les opticiens du groupe Krys (Krys, Vision plus et Lynx optique), il propose à chaque magasin de 1 à 4 écrans pour leurs vitrines et l’intérieur (promotions et affichage de marques). “Dans les centres Carglass, les clients peuvent ainsi lire les informations qui contiennent davantage de texte durant l’attente à l’accueil, précise Juliette Châron, responsable du département grands comptes chez Passman. Chez Krys, les écrans en vitrine sont essentiels et doivent donner au client l’envie de franchir le seuil du magasin”. Travaillant avec les trois grands équipementiers (Samsung, LG et Philips), Passman propose un contrat de location pour l’écran, le player (qui diffuse le contenu) et la plateforme de contenu à partir de 40 euros par mois et par écran pour la conception, la planification des premiers contenus pour la boutique ainsi que la formation des équipes. Passman crée le contenu pour Krys ainsi que toutes les boucles de vidéos.
Régie publicitaire
Des écrans in-Store Media dans les allées transversales des hypermarchés E. Leclerc
in-Store Media a conçu, installé et co-commercialisé des écrans dans plus de 200 magasins E.Leclerc en France. “Nous plaçons trois structures recto-verso, soit six écrans de 65 pouces par hypermarché, ce qui offre un bel effet de perspective et de synchronisation des écrans dans l’allée centrale, c’est-à-dire au cœur stratégique du point de vente”, indique Hugo Domenech, directeur marketing de la société. Le media est à la fois informatif et publicitaire. La boucle de 50 secondes présente trois spots publicitaires de dix secondes chacun dédiés aux marques qui ont leurs produits disponibles en rayons, ainsi que deux spots de dix secondes chacun consacrés à l’enseigne et au magasin. “C’est une de nos forces, le magasin ne gère rien, poursuit Hugo Domenech. Chaque propriétaire de point de vente a la possibilité de communiquer en local sur ses initiatives et ses promotions et le groupement a mis en place, en centrale, une plateforme interne de création de contenus directement connectée avec la plateforme de programmation de contenus d’in-Store Media. Chaque magasin peut aussi compter sur in-Store Media pour l’accompagner dans la création du contenu vidéo”. L’installation des écrans dans l’hypermarché se fait de nuit, la maintenance et le SAV sont réalisés par in-Store Media qui supervise les écrans et gère les diffusions à distance depuis sa plateforme.
”La Borne de conseil bière“
Atawa Interactive filtre les goûts des consommateurs
La nouvelle borne de conseil en bière permet, à partir de filtres, de sélectionner la bière correspondant aux goûts du consommateur. Le premier magasin installé début octobre a été l’hypermarché E.Leclerc de Mimizan, à côté de Bordeaux, qui présente 120 références. “Deux ans de travail ont été nécessaires pour créer la borne en partant d’une feuille blanche, se rappelle Yves Sérandour, coassocié d’Atawa Interactive. Nous avons collaboré avec un biérologue, Cyril Hubert, qui nous a aidé à créer notre base de données de A à Z en qualifiant chacune des bières à partir de huit critères. Il propose une vingtaine de familles de plats pour les accompagner”. Des hypermarchés de la région nord suivront, avec des références plus nombreuses encore, car certains possèdent une douzaine d’éléments. Le déploiement de “La Borne de conseil bière” devrait s’accélérer en 2021.
Réalité virtuelle
Retail VR veut augmenter l’expérience client
En cette période de crise sanitaire et de fermeture de magasins, les enseignes cherchent à maintenir le lien avec leurs clients. La société développe une plateforme d’applications 3D de réalité virtuelle et augmentée pour le commerce. Les solutions permettent notamment la customisation de produits, la création de show-rooms virtuels en 3D connectés à la marketplace du commerçant (comme pour Nespresso) ou encore de la réalité augmentée permettant de visualiser un produit en contexte réel. “Ces boutiques immersives sont conçues pour réenchanter l’expérience d’achat et maintenir la relation client, souligne Erwan Krotoff, cofondateur et PDG de Retail VR. Les caractéristiques et les codes merchandising sont respectés pour rester en harmonie avec l’univers de chaque marque”. La réalité virtuelle est encore peu visible dans les enseignes. “La problématique principale est d’avoir des contenus 3D, un frein que l’on desserre à travers notre plateforme en passant de la 2D à la 3D”, ajoute le responsable. Les solutions conviennent aux réseaux de proximité en développement qui ont moins d’espace pour exprimer leur gamme. Elles permettent, par exemple, de projeter et de guider le consommateur sur des produits personnalisés comme le choix d’une cuisine. Le casque de réalité virtuelle demeure un des principaux irritants de la réalité virtuelle. “Son usage est plus satisfaisant que l’expérience classique et la nouvelle génération de consommateurs en est friande, ajoute Erwan Krotoff. Sur certaines marques qui ont une histoire à raconter et qui proposent de s’immerger dans leurs univers, il sera un vrai atout quand son usage sera simplifié, à un horizon de cinq ans”.