
Le partenariat annoncé entre l’enseigne de mode Pimkie et la plateforme chinoise Shein fait grincer des dents. Les acteurs de la mode et de l’habillement son vent debout, tout comme La Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD) qui publie un communiqué dénonçant “un accord prédateur” pour le secteur.
Ca ne passe pas. Le 16 septembre, Pimkie, l’enseigne française de prêt-à-porter a annoncé s’associer à Shein, le géant chinois de l’ultra fast-fashion, via une co-entreprise. Depuis, le secteur de l’habillement est vent debout. La famille Mulliez, qui avait cédé Pimkie en 2023 via sa filiale Suramac, a saisi la justice estimant que ce partenariat ne correspond plus à l’accord de vente.
Accélérer les ventes en ligne
Ce rapprochement stratégique marque le lancement de Shein Xcelerator en France, un programme conçu, selon la plateforme chinoise, pour stimuler la croissance des marques de mode françaises émergentes et établies. En quête de reconnaissance de légitimité, Shein se pose, ainsi, en sauveur de marques et tente de redorer son blason. De fait, le partenariat permettre à Pimkie d’étendre sa présence internationale et d’être disponible dans le monde entier via la marketplace, tout en bénéficiant de services DTC – directs au consommateur (services logistiques, de production à la demande, de traitement des commandes en ligne). « Ce partenariat stratégique avec Shein va permettre à Pimkie d’accélérer la croissance de ses ventes en ligne, tout en préservant notre ADN et en renforçant notre réseau physique », assure Salih Halassi, CEO de Pimkie.
« Un signal inacceptable »
Le choc est rude pour le secteur de l’habillement. L’Alliance du Commerce estime que « le choix de Pimkie d’ouvrir ses portes à Shein est un signal inacceptable. Shein incarne un modèle de contournement : des règles fiscales, sociales, douanières et de protection du consommateur. Ce n’est pas sur ce type de logique que l’on peut bâtir l’avenir du commerce textile en France et en Europe ». Il faut dire que l’annonce de ce partenariat tombe au moment même où les fédérations européennes du textile et de l’habillement se sont alliées pour demander à l’Union européenne des actions d’urgence contre la mode ultra-éphémère. Ce qui n’est certainement pas un hasard du calendrier.
De son côté, l’association familiale Mulliez (AFM), à la tête d’enseignes comme Auchan, Leroy Merlin ou encore Kiabi, a annoncé saisir la justice via sa filiale Suramac qui avait procédé à la cession de Pimkie, dénonçant « un usage des fonds mis à disposition lors de la cession manifestement contraire à leur finalité », soit environ 140 M€.
“Un virage dangereux” selon la FCD
La Fédération du Commerce et de la Distribution et ses enseignes adhérentes appellent, dans un communiqué, au sursaut collectif à la suite de l’annonce du partenariat entre Pimkie et Shein, qui constitue un virage dangereux, pour l’emploi et pour la pérennité même des magasins chers au coeur des Français.
“Pimkie, marque emblématique du paysage textile français, s’associe aujourd’hui à l’un des symboles les plus décriés de l’ultra fast-fashion mondiale. Cette décision est un signal négatif envoyé à l’ensemble du secteur, aux consommateurs et à tous ceux qui oeuvrent depuis des années pour un commerce plus éthique, responsable et durable”, affirme la fédération.
Contre-modèle de développement durable
Selon la FCD, l’ultra fast-fashion incarne “un contre-modèle de développement durable, d’ailleurs condamné par les autorités publiques, en France comme au niveau européen” , à savoir :
– Contournement des règles sociales, fiscales et douanières
– Atteintes à la protection des consommateurs et déversement massif de produits non conformes voire dangereux
– Destruction de milliers d’emplois du commerce et de l’industrie, fermetures en nombre de points de vente et disparition de marques emblématiques
– Impacts environnementaux liés aux conditions et volumes de production et au transport : émissions GES, pollution des sols et des eaux, biodiversité…
Distorsion de concurrence
Ce rapprochement vient aggraver une distorsion de concurrence insupportable, dénoncée depuis longtemps par les professionnels du secteur. Cela revient à tendre la main aux acteurs dont le modèle précarise les emplois, vide les centres-villes, et affaiblit l’industrie textile et le commerce français et européen. “Ce choix n’est pas un sauvetage, mais une capitulation. Aujourd’hui, un vaste mouvement émerge pour lutter contre les dérives de l’ultra fast fashion“, conclut la fédération.
Établir des règles du jeu équitables
La FCD encourage toutes les initiatives visant à établir des règles du jeu équitables pour tous les professionnels d’où qu’ils viennent, via une régulation européenne et nationale ambitieuse, qui protège les entreprises et les consommateurs des comportements prédateurs de certaines plateformes internationales du e-commerce.
Elle souligne l’urgence à mettre en oeuvre des mesures de contrainte en ce sens, à la hauteur des enjeux environnementaux, sociaux et économiques.
C.B. et C.Bu