Le Monde et la cellule investigation de Radio France révèlent que plusieurs producteurs d’eau en bouteille, dont Nestlé Waters, ont utilisé des techniques de purification interdites pour les eaux minérales.
Une enquête conjointe du journal Le Monde et de la cellule investigation de Radio France, révèle l’utilisation de traitements non conformes à la réglementation par les plus grandes marques d’eau en bouteille depuis plusieurs années. Nestlé Waters (Vittel, Hépar, Perrier…) et Alma (Cristalline, Saint-Yorre, Courmayeur…) auraient ainsi eu recours à des techniques de purification interdites pour les eaux minérales puisqu’elles sont censées être pures. Selon l’enquête, « un tiers au moins des marques françaises d’eau de source et d’eau minérale auraient été, ou seraient encore, en délicatesse avec la réglementation ». Les auteurs soulignent, notamment, les révélations des agents de la Répression des Fraudes (DGCCRF) concernant les pratiques frauduleuses de l’usine Nestlé Waters des Vosges : eaux minérales coupées avec de l’eau du robinet, l’utilisation de traitement illicite pour décontaminer l’eau des sources minérales, ajout de gaz industriel, injection de sulfate de fer, désinfection à l’ozone, filtration de l’eau aux UV, aux charbons actifs…
Un tournant politique
Le Monde et la cellule investigation de Radio France racontent ce qu’ils désignent comme un « polar ». Le gouvernement, informé depuis août 2021 des pratiques illicites de Nestlé Waters – le groupe se sentant acculé a préféré reconnaître les faits – a plutôt tenté de minimiser la crise le plus discrètement possible. Le gouvernement diligente un contrôle des usines du secteur par l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), mais l’affaire n’est pas dévoilée au grand public. Au centre, des milliers d’emplois sont mis dans la balance. Nestlé négocie pour un assouplissement de la réglementation, en particulier sur la microfiltration, pour continuer l’exploitation de certains sites. Le 22 février 2023, racontent les auteurs de l’étude « au terme d’une réunion ministérielle, la décision est prise d’assouplir la réglementation par voie d’arrêtés préfectoraux. Et ce, afin d’autoriser des pratiques de microfiltration réputées jusqu’ici non conformes et de permettre ainsi la poursuite de l’exploitation de plusieurs sites ».
Enquête préliminaire et plainte
Les éléments révélés par les auteurs de l’enquête sont édifiants : « filtres dissimulés dans des armoires électriques, contrôles sanitaires sur les eaux brutes faussés par des mesures opérées après passages par des traitements à base d’UV et de charbons actifs, etc ». À la suite de la découverte de ces entorses à la réglementation sur le site de Nestlé Des Vosges, l’ARS Grand-Est a saisi le procureur de la République d’Epinal, Frédéric Nahon, qui a ouvert une enquête préliminaire pour tromperie, en novembre 2022. Et lundi 29 janvier, Nestlé Waters a reconnu, dans Les Echos, que ces traitements avaient notamment concerné les eaux minérales Perrier et Vittel et a confirmé avoir informé, en 2021, les autorités françaises d’avoir recouru à des traitements interdits d’ultraviolet et de filtres au charbon actif sur certaines de ces eaux minérales pour maintenir « leur sécurité alimentaire ». De son côté, l’asssociation foodwatch va porter plainte. « Si ces révélations sont vérifiées, des millions de consommateurs et consommatrices, qui n’ont jamais été informé.es de ces pratiques, auront été trompé.es. L’eau minérale en bouteille, cet or bleu vendu à prix d’or, s’achète en effet bien plus cher que l’eau qui coule du robinet pour ses vertus et sa qualité (…) foodwatch s’interroge : si le gouvernement a su, pourquoi n’a-t-il rien communiqué ? Pourquoi les contrôles diligentés dans cette affaire n’ont-ils pas été suivis de sanctions ? Pourquoi les consommateurs et consommatrices, qui pensaient acheter de l’eau minérale pure, n’ont pas été informé.es ? ».
C.B.