Des plantes et rien que des plantes, sans jamais d’arômes ajoutés, avec un impact environnemental réduit. C’est le savoir-faire innovant des 2 Marmottes qui propose thés et infusions avec une place de choix pour le goût au naturel.
Points de Vente: Qu’est-ce que l’innovation pour vous ?
Christian Polge: Quand je réfléchis à l’innovation, j’ai deux options. Soit avec un petit i pour l’innovation produit. C’est intéressant, mais sans plus. Soit avec un grand I et là, cela devient passionnant. Cette innovation, beaucoup plus large, touche le business model, le social et le sociétal, la façon dont on travaille. C’est important d’initier une vraie réflexion sur ce sujet afin de voir comment l’on peut se différencier pour continuer à se développer.
Ensuite, la finalité de l’innovation, selon moi, c’est de créer de la valeur pour l’ensemble des parties prenantes – les consommateurs, les clients, la société – de manière à bâtir un modèle économiquement viable, mais également durable et respectueux de l’environnement.
PDV: Comment faites-vous ?
CP: Nous avons un savoir-faire assez unique sur les plantes puisque nous maîtrisons et contrôlons toute la chaîne. Nous sommes capables d’aller dénicher les meilleures plantes directement chez les producteurs. J’y vais moi-même avec notre maître de cultures. Nous connaissons les parcelles. Puis nous coupons les plantes, les tamisons et les assemblons. Mais il y a trois ans, nous avons innové en décidant que dans nos produits, il n’y aurait que des plantes et jamais d’arômes ajoutés.
PDV: Ce n’était pas le cas avant ?
CP: Quand j’ai repris l’entreprise, sur 35 références, 5 comportaient des arômes ajoutés. Notre modèle était à 90% pur, mais pas à 100%. Et cela nous paraissait essentiel. Après avoir analysé le marché, nous avons constaté que les produits bio se développaient fortement. Mais nous avons aussi observé que sur ce marché bio, les infusions pouvaient contenir des arômes ajoutés. Autrement dit, l’origine du goût ne venait pas forcément des plantes bio mais était plutôt le réceptacle pour des arômes ajoutés, mêmes naturels. Nous avons pris la décision de casser les codes et d’arrêter certaines références avec arômes ajoutés, d’en reformuler d’autres et donc d’offrir une gamme 100% plantes, sans jamais d’arômes ajoutés. Nous pensons que la valeur créée pour le consommateur est largement supérieure aux infusions avec des plantes bio et des arômes ajoutés. Le deuxième avantage, qui est important sur une catégorie comme la nôtre, c’est que cette formulation permet de conserver tous les principes actifs des plantes et donc leurs bénéfices sur la santé.
PDV:Votre business model a donc été adapté à ces nouvelles contraintes ?
CP: Oui, et c’est beaucoup plus complexe. C’est ce nouveau business model qui nous permet d’exécuter cette proposition de valeur. Cela nous enjoint à dénicher les meilleures plantes, à les assembler en petits lots de production de 400 kg, puis à les comparer en laboratoire au lot précédent afin de réétalonner le goût : parce que dans la nature, si vous prenez la même parcelle, le même agriculteur, la même graine, le goût final sera de toute façon différent. Notre métier ressemble à celui des grands producteurs de cognac ou de champagne qui s’appuient sur l’assemblage pour garantir un goût constant. Et nous sommes les seuls à le faire en France.
PDV: Et le bio ?
CP: 100% de nos thés sont bio et sans arômes ajoutés. Sur les infusions, 50% de nos achats sont bio. On ne peut pas atteindre 100%, car nous utilisons aussi des plantes issues de la cueillette sauvage, c’est-à-dire en provenance de leurs territoires naturels. Le bio n’est pas la priorité pour nous. Nous plaçons le goût en tête et le fait que celui-ci ne vienne que de la qualité des plantes.
PDV: Comment innovez-vous ?
CP: Les 3 mots que j’ai toujours à la bouche avec mes équipes lorsque l’on parle d’innovation, c’est ce que cela doit être bon, beau et sexy. Mais pour innover, il n’y a pas de règles.
Je vais vous raconter l’histoire de la naissance de l’infusion Après-Ski, une référence lancée en 2019, qui a remporté un franc succès dans tous les départements où il y avait une école de ski. Nous avions noué un partenariat avec le syndicat des moniteurs de l’école de ski français. A l’issue de celui-ci, nous faisons le bilan de la saison qui s’était brutalement arrêtée en mars 2020 avec la crise sanitaire. Nous décidons d’étendre le partenariat à la Savoie et l’Isère, en plus de la Haute-Savoie. Et je demande à mes interlocuteurs s’ils ont d’autres projets. Effectivement, ils souhaitent lancer un fonds de dotation, Enfance et Montagne, qui vise à financer les classes de neige. J’émets l’hypothèse de créer une référence dédiée avec un don de 50 centimes d’euros à la fondation pour chaque boîte vendue. Ils sont enthousiastes mais doivent valider le lendemain avec leur président. Sur le chemin du retour, j’appelle mon maître-infuseur qui est aussi mon directeur qualité. Je lui raconte le projet. Il planche sur des recettes. Le lendemain, nous avons le feu vert. Et 3 mois plus tard, le 15 décembre, la référence était vendue dans tous les magasins des 3 départements. Ici, l’innovation est née d’une rencontre avec, derrière, une capacité d’exécution ultra-rapide. Il n’y pas eu de tests consommateurs. Nous étions convaincus que nous tenions une super idée et qu’il, fallait la mettre rapidement en place. La première année, nous avons vendu 30 000 boîtes et cette saison, 65 000. Ca, c’est la magie des PME !
PDV: Un autre exemple ?
CP: Une façon d’innover rejoint la raison d’être de notre entreprise : proposer des infusions 100% plantes sans jamais d’arômes ajoutés tout en laissant le moins de traces derrière nous, comme font les marmottes en pleine nature. Nos sachets sont sans agrafe, sans colle, sans ficelle, nos boîtes ne sont plus entourées de plastique depuis plus de 10 ans. Nous avons également enlevé le plastique de nos infusettes. Il nous a fallu deux ans de travail pour trouver une solution technique qui garantisse la conservation de la qualité de nos plantes qui sont désormais enfermées dans des sur-enveloppes. Nous avons produit nos premiers prototypes il y a un mois et nous sommes, désormais en phase de test de vieillissement de 3 mois et de 6 mois afin de nous assurer que la qualité des produits ne sera pas dégradée. J’ai bon espoir que, d’ici la fin de l’année 2022, on ait pu basculer certaines de nos références sur cet emballage d’origine végétale à 100% et sans plastique. Là encore, nous sommes les seuls à proposer cela.
PDV: Constatez-vous des freins à l’innovation ?
CP: Il y en a 4 selon moi. Les plus évidents sont l’argent et le temps. Mais il y aussi la créativité et le courage. Par exemple, notre décision de basculer sur une offre 100% plantes sans jamais d’arômes ajoutés, nous a contraints à arrêter la production de 8% du chiffre d’affaires de l’entreprise. Certaines références ont été reformulées, mais avec pas mal de problèmes industriels. Par exemple, le sucre des fruits s’agglomérait avec les plantes et bloquait les machines. Nous avons mis des mois et des mois pour trouver la solution.
Quant à la crise sanitaire et ses différents confinements, je dirais que la période a constitué une période intéressante. Nous avons continué à travailler. Face aux incertitudes, j’ai dit aux équipes que dans les moments de grande tempête, certains parviennent à prendre les bons caps et le bon vent plutôt que d’être projetés sur les rochers. Donc, à nous de prendre le bon vent. Nous avons décidé de profiter de cette période pour refaire tous nos emballages avec davantage d’informations. Les nouvelles boîtes sont arrivées en magasin en septembre 2020. Nous avons aussi accéléré sur l’univers de la RHF en capitalisant nos ressources sur le digital. Notre site Internet a été mis en ligne en novembre 2020. Je ne suis pas persuadé que nous aurions autant investi d’argent sans la crise sanitaire. Mais cela a plus que doublé nos ventes avec, à la clé, une forte croissance du chiffre d’affaires en ligne.