C’était une révolution annoncée de longue date, mais, passé le temps des perfectionnements et de la pédagogie, le mouvement semble désormais irrémédiablement enclenché : la publicité locale quitte l’âge du papier et entre dans celui du numérique. Pour les enseignes nationales comme pour les commerçants franchisés ou indépendants, l’heure n’est plus aux hésitations mais à l’action.
L’essor actuel de la communication numérique locale s’explique par la conjonction de trois facteurs majeurs. En premier lieu, et comme pour bien d’autres sujets liés au numérique, il y a l’impact de la pandémie de Covid-19. Les restrictions sanitaires ont accéléré l’adoption des médias et des usages digitaux par des populations qui en étaient encore éloignées, comme les seniors, et elles ont favorisé la généralisation de parcours d’achat au moins partiellement digitaux. Désormais, les Français sont en ligne et c’est là qu’ils commencent leurs courses, donc qu’il est nécessaire de les toucher.
Le deuxième facteur décisif, c’est la hausse exorbitante du prix du papier, qui a gagné près de 40 % en un an et qui ne semble pas devoir baisser à court terme. Pour des acteurs locaux aux budgets marketing limités, cela représente un surcoût insoutenable, surtout en période de crise.
Enfin, le troisième facteur, c’est l’arrivée imminente du « Oui Pub ». Prévue par la loi Climat et résilience de 2021, l’expérimentation de ce dispositif va débuter pour 3 ans dans 15 villes représentant 8 % de la population française. Le principe : la distribution d’imprimés publicitaires non adressés ne sera possible que si la personne l’autorise explicitement à l’aide d’un sticker apposé sur sa boîte aux lettres. Les enquêtes d’opinion montrent que 56 % des Français sont favorables à ce système[1]. Aujourd’hui majoritaires, il y a fort à parier qu’avec les évolutions d’une communication plus digitale, une sensibilité écologique de plus en plus prégnante et le rejet de la pression publicitaire, les “Oui pub” seront à l’avenir très minoritaires. Dans ces conditions, les campagnes de distribution seront-elles encore rentables alors qu’elles devront être sélectives, donc plus coûteuses, et qu’elles toucheront une cible plus restreinte ?
“La communication papier traditionnelle doit donc céder la place à la communication digitale”
La communication papier traditionnelle doit donc céder la place à la communication digitale, à la condition que celle-ci soit capable de préserver et valoriser l’irremplaçable lien de proximité qui unit les magasins à leur clientèle. Ceci n’est possible qu’en mettant en place une approche offrant toute la latitude nécessaire aux acteurs locaux. Alors que les campagnes nationales, pilotées depuis le siège, sont souvent aveugles aux spécificités du terrain, une communication décentralisée permet en effet aux magasins de mettre en avant les produits et les services qui plaisent à leurs clients, d’appuyer sur l’originalité de leur positionnement par rapport à leurs proches concurrents, ou encore de jouer sur l’actualité locale.
Avec le papier, on demandait généralement aux magasins combien de prospectus ils souhaitaient imprimer et quels produits de la sélection ils souhaitaient y voir figurer. D’une certaine façon, il s’agit, sur les supports digitaux, de retrouver et d’amplifier cette personnalisation des contenus et des messages nationaux. Le central coordonne et fournit les outils ; le local adapte et diffuse au niveau de sa zone de chalandise. Aujourd’hui, ceci se fait déjà relativement bien sur les médias détenus (owned media) : sites web, pages propres sur les réseaux sociaux, e-mailing et SMS… Pour véritablement remplacer les imprimés promotionnels, il s’agit maintenant de franchir un cap et d’avoir la même démarche sur les médias payants (paid media) : référencement payant, publicités sur les réseaux sociaux, sur les sites web ou au sein des applications… Compléter de la sorte le dispositif de communication est ce qui le rendra le plus efficient pour les annonceurs en termes de message, de ciblage et de momentum.
Un défi technique et opérationnel
Cela représente incontestablement un défi technique et opérationnel car il faut parvenir à passer de quelques utilisateurs expérimentés en central à plusieurs dizaines, dans les magasins, dont le marketing n’est pas nécessairement le métier principal. Par ailleurs, mener une opération sur une zone géographique restreinte et en mesurer concrètement les résultats reste un défi. Mais les technologies sont là, matures, éprouvées, et simples à mettre en œuvre comme à utiliser. De grandes enseignes les utilisent déjà et en tirent des bénéfices convaincants, à la hauteur de leurs attentes et de leurs investissements. Ces pionniers ont permis au marché de la communication digitale locale de se structurer, de gagner en expérience et en maturité, de sorte que les acteurs sont aujourd’hui prêts à accompagner les commerçants. Pour ces derniers, il n’est plus temps d’attendre car ils ne peuvent ni se couper de leurs clients, dont les habitudes ont changé, ni laisser leurs concurrents les évincer de l’espace numérique.
Par Dan Gomplewicz, CEO et co-fondateur d’Armis
[1] Baromètre annuel Harris Interactive, 2021