Thés et infusions : Un marché en pleine mutation

Ancrée dans les habitudes des Français, la consommation de thé stagne depuis 2020. À l’inverse, celle des infusions ne cesse de progresser, portée par un public plus jeune et des recettes sans cesse renouvelées. Par Cécile Buffard Le marché français du thé et des infusions connaît une évolution contrastée, marquée par une croissance à deux vitesses. Si le thé conserve une image forte et une place importante dans les habitudes de consommation, ce sont désormais les infusions qui tirent la croissance du secteur. Depuis la crise sanitaire, les ventes de thé en grande distribution stagnent autour de 450 M€ de chiffre d’affaires annuel, tandis que celles des infusions, à 360 M€, progressent nettement, avec une hausse de 3 % en volume en 2024 par rapport à 2023. Aujourd’hui, le marché se partage entre 62 à 64 % pour le thé et 36 % pour les infusions. Les marques de distributeur (MDD) tirent leur épingle du jeu dans un contexte d’inflation. Coup de jeune sur les infusions Bénéficiant d’un report de consommation lié à la présence de théine dans le thé, qui pousse certains consommateurs à privilégier des alternatives sans excitant, les infusions doivent également leur succès à leur capacité d’innovation. Oubliée l’image vieillotte de la camomille avant le coucher, les tisanes séduisent désormais un public plus jeune grâce à des mélanges originaux, des infusions parfumées (elles représentent 40 % du marché alors qu’elles étaient quasi inexistantes il y a 20 ans) et une forte présence du bio, qui pèse aujourd’hui un tiers des ventes. « Ces nouveaux consommateurs sont en quête de naturalité, de diversité des saveurs à travers des mélanges de fleurs, fruits et épices, et d’une innovation permanente. Les réunions entre jeunes autour de tisanes témoignent de ce renouveau », observe Olivier Scala, président du Syndicat du Thé et des Plantes à Infusion (STEPI) qui regroupe 85 % des importations françaises et une vingtaine d’entreprises distributrices en France. Entre tradition et montée en gamme Si la consommation de thé reste bien ancrée dans les habitudes, l’image de la boisson du petit-déjeuner ou du « thé de cinq heures » a fait long feu. « Comme pour les infusions, la clientèle du thé s’est rajeunie, notamment grâce à l’essor du matcha, du bubble tea et des thés aromatisés », indique le président. Cependant, la croissance du marché passe désormais par le haut de gamme et la qualité : les amateurs passionnés sont prêts à payer plus cher pour des produits d’exception, mais cela ne concerne qu’une frange passionnée. Le budget annuel moyen par Français est de 26 €, mais certains thés peuvent atteindre 10 à 15 € la théière soit 20 à 40 fois plus cher qu’un prix classique. La production française, encore marginale, souffre de prix élevés et devra s’adapter pour conquérir un public plus large. « En dépit d’un capital sympathie auprès des consommateurs, l’avenir du thé français devra passer par une baisse des prix », soutient Olivier Scala. Saisonnalité et innovations Par ailleurs, le marché du thé et des infusions reste marqué par une forte saisonnalité : les ventes sont nettement supérieures de septembre à avril. Les thés et infusions de Noël, aux mélanges épicés (vanille, cardamome, clous de girofle), fruités (raisins secs, mandarine, orange, amandes etc.) et/ou gourmands (caramel, cacao), boostent le chiffre d’affaires du dernier trimestre de l’année. De fait, malgré le succès des thés glacés, le thé demeure associé aux périodes froides. Parallèlement, de nouvelles tendances émergent, telles que les céréales à infuser ou l’utilisation du matcha dans des produits inattendus comme les pizzas (!) ou les desserts, preuve que le secteur ne cesse de se réinventer. Pour continuer à croître, le secteur mise sur la pédagogie et la diversité des origines (Pérou, Colombie…). « Les importateurs, qui représentent 85 % du marché français, encouragent la distribution à valoriser la préparation et la qualité des produits », note Olivier Scala. Pour rappel, si la Chine et l’Inde sont les plus grands producteurs de thé mondiaux, le premier exportateur est le Kenya, avec 500 000 à 600 000 tonnes vendues par an.