
Le tribunal judiciaire de Paris a été officiellement saisi le vendredi 7 novembre par le ministère de l’intérieur. Il examinera la demande de suspension de Shein le 26 novembre. En attendant, de nombreuses marques quittent le BHV, tandis que Frédéric Merlin, le patron de la SGM, souligne que la capsule Shein a reçu 50 000 visiteurs en 5 jours.
Après avoir engagé une procédure de suspension de Shein « le temps nécessaire pour que la plateforme démontre aux pouvoirs publics que l’ensemble de ses contenus soient enfin en conformité avec nos lois règlements », le gouvernement avait promis un point d’étape 48h plus tard.
Dans la soirée du 7 novembre, le gouvernement s’est ainsi félicité d’avoir obtenu la suppression par Shein « de tous les produits illicites vendus sur sa plateforme. C’est une victoire fondamentale pour la protection des consommateurs et de l’ordre public ». Pour autant, la procédure de suspension a été déférée à la justice sur la base des premières constatations menées par les services de l’Etat qui indique poursuivre son action en engageant, dans les prochains jours, de nouvelles procédures à l’encontre d’autres plateformes. Le Premier ministre a, également, demandé qu’un nouveau point de situation soit fait la semaine prochaine.
Les procédures judiciaires toujours en cours
Le communiqué indique que les mesures prises par Shein ne remettent en aucun cas les procédures judiciaires engagées contre elle. Le tribunal judiciaire de Paris a été officiellement saisi le vendredi 7 novembre par le ministère de l’Intérieur. Grâce au signalement de la DGCCRF, quant à la vente de poupées à caractère pédopornographique, 4 enquêtes confiées par le parquet de Paris à l’Office mineurs (Ofmin) sont en cours. Le contrôle des produits saisis en douane lors de l’opération d’envergure le 6 novembre à l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle se poursuit et tous les cas de fraude détectées conduiront à des sanctions.
D’autre part, une demande d’enquête a été envoyée par la France à la Commission européenne qui a reconnu la gravité de la situation.
50 000 visiteurs en 5 jours selon Frédéric Merlin
De son côté, Frédéric Merlin, le controversé patron de la Société des Grands Magasins (SGM) a lui aussi remis son rapport d’étape. Dans un post publié le 9 novembre sur son compte Instagram, le propriétaire du BHV assure que la capsule Shein du BHV Marais a reçu plus de 50 000 visiteurs, avec un panier moyen de 45€, 15% des clients ayant poursuivi leurs achats dans d’autres rayons. « Aujourd’hui, Shein a un visage. Ce ne sont plus des chiffres mais des gens, des clients réels et bienveillants. Et c’est sans doute ce qui rend la critique plus difficile. S’en prendre à Shein, c’est s’en prendre à ces visages-là. Certains politiques en prendront-ils conscience ? », déroule Frédéric Merlin qui entend élargir la capsule Shein avec une offre homme plus complète, un espace enfant, une gamme de robes plus large et des basiques plus accessibles pour répondre à tous les styles de vie.
Les marques quittent le BHV
Paraboot, le Slip Français, Armor Lux, agnes b., Lejaby, APC, Maison Pechavy (bougeoirs), Culture Vintage (seconde main), Rivedroite Paris, Saint-Michel Parfums, Polymair, Skin & Out, Caroll et Morgan (Beaumanoir), les chaussures Odaje, les produits de beauté Aime, Hame, Talm, Le Labo, Francis Kurdjian, Mariages Frères… La liste des marques qui quittent le BHV s’allonge, que ce soit à cause de l’arrivée de Shein ou de retards de paiements fournisseurs qui s’accumulent depuis le rachat du BHV (Marais et Parly 2) aux Galeries Lafayette, en novembre 2023, par la SGM. Frédéric Merlin a avoué, le 5 novembre, sur BFM TV, devoir entre 10 à 15 jours de chiffres d’affaires à ses fournisseurs, soit entre 5 et 12 M€. L’homme d’affaires a justifié, comme à l’accoutumée, ces délais en évoquant un logiciel de facturation qui devait être mis à niveau. C’est, selon lui, chose faite depuis quelques jours.
Le Slip Français, lui, a claqué la porte du BHV début octobre. « Nous travaillons depuis 10 ans avec le BHV, ce point de vente a fait partie de nos 10 meilleures boutiques. Mais nous courons après nos paiements depuis des mois, les engagements commerciaux ne sont pas respectés. Donc nous avons décidé d’arrêter les frais », expliquait alors Guillaume Gibault, PDG du Slip Français. Dans ce type d’enseigne, les marques gèrent leur stock et leur personnel sur place, tandis que le grand magasin reverse périodiquement le produit des ventes, moins sa commission qui diffère selon les entreprises. Pour le Slip Français, la facture s’élevait à 1 an de chiffre d’affaires impayé en septembre 2025. La marque s’est également élevée contre l’arrivée de Shein : « Voir une enseigne historique du commerce français s’associer à Shein, symbole de la fast fashion jetable, est pour nous un contresens total », a-t-il ajouté.
La Maison Lejaby a également retiré tous ses produits du BHV. Dans un post sur Linkedin, son directeur général, Xavier Martin, estimait en octobre que « le choix est clair de la part de la famille Merlin, SGM Family. Au détriment de la trésorerie de centaines de fournisseurs français qui ne sont plus payés depuis des mois et ne le seront sans doute jamais, faire le buzz à tout prix. Mais qui sont-ils pour tout simplement manquer de respect envers toutes ces enseignes qui se sont démenées pour les accompagner dans la relance de cette enseigne ? Pour tous ces employés payés par les marques en concession qui vont être licenciés ? Comment ont-ils, par ailleurs, pu croire que les Galeries Lafayette ne réagiraient pas à l’arrivée de Shein dans 5 de leurs magasins en franchise ? Ils n’ont peur de rien et sont prêts à tout. Des mercenaires. Des voyous plutôt. Les tribunaux vont être saturés d’injonction de payer dans les semaines à venir ».
De son côté, la cofondatrice de la marque française Skin & Out (soins naturels pour peau acnéique) a racheté tout son stock de produits au BHV en se faisant passer pour une cliente, « plutôt que de voir nos produits côtoyer une enseigne dont les pratiques sont à l’opposé de nos engagements ».
Au fil des couleurs, marque de papier peint présente depuis 10 ans avait, elle, fermé sa boutique au BHV en mars à cause de retard de paiement excessifs.
Et pour les fêtes de fin d’année, Disneyland Paris a renoncé à son projet pour Noël, le 23 octobre dernier, avec l’arrivée de Shein. Le parc d’attraction devait installer un magasin éphémère, organiser une parade et animer les vitrines du magasin, mais « les conditions ne sont plus réunies pour déployer sereinement les animations de Noël ».
Le BHV invite, toutefois, à une « Rêverie de Noël », dont le rendez-vous est donné le 18 novembre, date à laquelle 2 magasins ex-Galeries Lafayette en province accueilleront un corner permanent Shein, date à laquelle, aussi, les dirigeants de Shein sont convoqués par les députés devant la mission parlementaire d’information sur les contrôles des produits importés en France. Et le 26 novembre, le tribunal judiciaire de Paris examinera la demande de suspension de la plateforme Shein.
A suivre, donc…
C.B.

