
Face aux plateformes de e-commerce internationales, les organisations représentant le commerce en France tirent la sonnette d’alarme et appelle le gouvernement à agir sans délai en faveur d’un commerce équitable.
Lors d’un point presse organisé le 18 mars Le Conseil du commerce de France (CdCF) a réuni autour de son président, Yves Audo, les représentants de différentes fédérations professionnelles : Marc Lolivier, délégué général de la Fédération e-commerce et vente à distance (Fevad), Pascal Malhomme, président de la Fédération française de l’équipement du foyer (FFEF) et Yohann Petiot, directeur général de l’Alliance du commerce. « Il devient urgent de prendre la mesure du danger qui nous guette. La Chine est déjà l’usine du monde, nous ne souhaitons pas qu’elle devienne le magasin du monde », a prévenu Yves Audo.
Shein et Temu dans le viseur
Les intervenants ont notamment rappelé que Shein et Temu figurent parmi les 10 sites e-commerce les plus visités en France avec, respectivement, 3,6 millions et 2,9 millions de visiteurs uniques par jour. Ils comptent 5 millions de clients pour Shein et 6,7 millions pour Temu, dépassant Rakuten, Veepee ou Zalando. Apparue en France seulement en avril 2023, Temu a multiplié ses ventes par 6 entre mai et octobre 2023, atteignant 11% de parts de marché sur les ventes de produits en ligne en seulement 6 mois. De son côté, Shein est le 3e site e-commerce de mode en nombre de clients avec une pénétration de 16,8% et le premier site e-commerce de mode féminine avec 22,9%. Amazon, Shein et Temu représentent ainsi, à eux trois, un chiffre d’affaires de 2,2 milliards d’euros, soit 6% du marché de la mode en ligne en France et 25% en volume. Le chiffre d’affaires de ces 3 enseignes a progressé de 18% sur un an, contre 1% sur l’ensemble du marché. Concrètement, ce sont 4,6 milliards le colis d’un montant inférieur à 150€ (autour de 22€) qui ont été importés en Europe en 2024, dont 91% de ces colis en provenance de la Chine. Ce chiffre est presque 2 fois supérieur à celui enregistré en 2023 (2,4 milliards) et 4 fois plus élevé qu’en 2022 (1,2 milliard). Soit plus de 12 millions de colis par jour (source Commission européenne).
Des risques pour les entreprises françaises
Selon le Conseil du commerce de France, « ces acteurs, filiales de géants mondiaux du e-commerce, bénéficient à la fois d’une situation de distorsion de concurrence et du soutien du gouvernement chinois ». Une situation qui fait peser une menace sur les entreprises française sur 5 axes selon le CDCF. D’abord parce qu’elles « prennent tous les jours des parts de marché considérables, tant sur le magasin physique que sur le e-commerce, grâce à des moyens financiers importants et à des avantages douaniers et postaux injustifiés ». Le CDCF pointe, notamment, les exonérations de droits de douane et des tarifs postaux préférentiels. Ensuite, le CDCF estime qu’une part importante de leurs produits ne respectent pas les réglementations existantes en matière de sécurité des produits et relèvent de la contrefaçon. D’autre part, « leurs pratiques commerciales sont en partie contraires aux règles de protection et d’information des consommateurs ou au recours à des procédés manipulatoires ou trompeurs », alerte le CdCF à qui il « paraît juste de pouvoir estimer que si les 3 plateformes chinoises, Temu, Shein et AliBaba, cumulent, à elles seules, plus de 5 milliards d’euros de ventes en France, cela correspond au chiffre d’affaires cumulés de 22 000 commerces de proximité. En termes d’emploi, le risque porte sur près de 20 000 emplois salariés et, à terme, 50 000 emplois ». Enfin, le CDCF estime que l’afflux de ces colis n’est pas prêt de se tarir avec l’arrivée de TikTok Shop (social commerce ou social shopping) dans 15 jours en France, en Allemagne, en Italie pour acheter directement des produits.
Le CDCF prône une réponse européenne
Selon le CDCF, il est urgent d’agir à différents niveaux « car aucune mesure n’a véritablement été prise à ce jour pour protéger nos entreprises et leurs salariés et leur permettre de commercer dans un environnement équitable en surveillant et sanctionnant, le cas échéant, les entreprises qui ne se conforment pas aux réglementations en vigueur ». Différents axes d’action ont été identifiés, en matière de développement durable ( « Les modèles de Shein et Temu reposant sur des pratiques logistiques très polluantes »), de sécurité et de conformité des produits, de protection des données personnelles, de propriété intellectuelle, de distorsion de concurrence et de conditions de travail.
Les intervenants de la conférence de presse demandent au gouvernement d’agir au niveau européen pour pousser les présidences polonaise et danoise à inscrire à l’ODJ du Conseil et du Parlement européen, la révision du code douanier et obtenir une application anticipée (avant 2028) de la réforme de celui-ci avec, notamment, la suppression de l’exonération de droits de douane pour les colis inférieurs à 150€. Ils demandent au gouvernement d’appliquer les règles existantes pour protéger les entreprises et garantir les droits des consommateurs face à la puissance des plateformes e-commerce asiatiques. « Nous demandons le renforcement par les autorités nationales (DGCCRF) des contrôles du respect des législations en vigueur par ces plateformes. Et nous demandons que les sanctions soient appliquées de façon aussi exemplaire et avec la même diligence aux plateformes e-commerce qu’à nos entreprises », concluent-ils.
C.B.