Le Conseil d’Etat est saisi par les entreprises françaises pour faire annuler le décret interdisant l’appellation de viande végétale. Doivent-elles produire en dehors de France, demandent-elles, pour bénéficier des mêmes conditions de concurrence que les entreprises étrangères ?
Le vendredi 22 mars, les acteurs de la viande végétale française, les sociétés Umiami, Les Nouveaux Fermiers (HappyVore), 77 Foods (La Vie), NxtFood (Accro) et Nutrition & Santé ont intenté une action juridique en portant devant le Conseil d’Etat un référé-suspension contestataire du décret gouvernemental publié le 27 février dernier. Celui-ci interdit les appellations empruntées au vocabulaire de la viande, comme steak ou saucisse végétale, pour désigner les protéines végétales, mais uniquement pour les alternatives végétales à la viande produites en France. Tandis que les entreprises produisant à l’étranger pourront continuer d’utiliser un vocabulaire assimilé aux produits carnés. Le Conseil d’Etat a 3 semaines pour rendre sa décision.
De jeunes entreprises qui viennent d’investir en France
“En tant que généraliste de la viande végétale, ce décret est pénalisant et contraignant sur l’ensemble de nos gammes actuelles et futures. A noter que le Collectif dont Accro fait partie auprès d’autres acteurs du marché, prévoit de poser une demande de suspension du référé dans le mois, comme ce fut le cas pour le précédent décret”, nous disait Renaud Saïsset, DG d’Accro le 11 mars dernier. C’est désormais chose faite.
Pour Umiami, ce décret « compromet la création d’une filière française des alternatives végétales à la viande (…). Cette situation crée une inégalité de concurrence préjudiciable aux acteurs », dénonce l’entreprise dans un communiqué. Elle estime également, que « ce décret est en contradiction avec les objectifs nationaux de réindustrialisation et de transition alimentaire au service de la lutte contre le changement climatique ». La foodtech, créée en 2020, vient d’inaugurer son usine de production à grande échelle d’alternatives végétales aux filets de viande et de poisson avec, à la clé, un investissement de 38 M€, sur le site historique de Knorr à Duppigheim, en Alsace.
« Cette mesure crée une inégalité de traitement entre les entreprises françaises et étrangères, entravant ainsi la concurrence et l’innovation sur le marché des alternatives végétales », dénoncent aussi Guillaume Dubois et Cédric Meston, confondateurs d’Happyvore. En réponse à ce décret, l’entreprise de plus de 130 employés, certifiée B Corporation, investit dans une « campagne massive dénonçant le ridicule de la situation, pour informer et sensibiliser le plus grand nombre ». Car si rien n’est fait, la réglementation entrera en vigueur le 1er mai 2024. Soit… tout juste un an après que Happyvore a inauguré la première usine de viande végétale à Chevilly, dans le Loiret, « en compagnie de Bruno Le Maire, avec l’ambition de raccourcir les circuits d’approvisionnement en céréales pour privilégier l’agriculture française. Doit-elle choisir de fabriquer à l’étranger ? », interrogent les cofondateurs.
C.B.