Les fêtes de fin d’année, qui représentent 9.5 milliards d’euros pour les distributeurs alimentaires, approchent à grand pas mais restent incertaines dans le contexte sanitaire actuel. Les catégories festives (chocolats, alcools, foie gras, champagnes…) subissent déjà une année compliquée marquée par la mise en place d’un nouveau cadre législatif pour les promotions (mise en place de la loi Alimentation en 2019) et les différentes vagues de confinement, indique Nielsen.
Décembre reste cependant l’une des périodes majeures pour les catégories festives et plaisir. Avec 34% de leurs ventes annuelles réalisées sur cette période, les pralines et bouchées sucrées sont ainsi les catégories les plus dépendantes des fêtes de fin d’année, suivies par le foie gras (32%) et les cosmétiques (19%). La plupart des alcools connaissent également une accélération de leurs ventes sur cette période : les ventes de champagne y réalisent ainsi 22% des ventes annuelles, les brandys 19% et les liqueurs 32%.
Les distributeurs devront donc trouver le juste milieu afin d’éviter de rester cette année avec des stocks sur les bras comme ce fut le cas en 2019 avec les chocolats de Noël qui restèrent en rayon jusqu’au mois d’avril ou, à l’inverse, des ruptures en rayon engendrées par une demande accrue lors de la fin d’année.
Alors dans le contexte épidémique singulier que nous traversons, comment allons-nous transiger avec les traditions pour célébrer les fêtes de fin d’année tout en respectant les règles imposées par le gouvernement et quels seront les impacts sur notre consommation ?
Des portefeuilles plus serrés en 2020
La crise sanitaire semble déjà avoir impacté le pouvoir d’achat des foyers français : 62% des Français déclarent avoir modifié leur comportement pour économiser sur les dépenses du ménage. De plus, en juillet 2020, 22% des foyers français se déclaraient déjà touchés par une baisse de leurs revenus et étaient considérés comme « fragilisés » par la crise. Cette baisse du pouvoir d’achat a donc des conséquences sur le comportement d’achat des français qui cherchent à faire des économies et limiter leurs dépenses.
Toutefois, comme le rappelle François Dumay, Consultant Analytique chez Nielsen, “ces économies concernent la vie en dehors du domicile, avec moins de dépenses pour de nouveaux vêtements (53% déclarent en avoir réduit l’achat), les divertissements hors de la maison (50%), ou encore des vacances ou séjours courts (34%). En revanche, la grande consommation reste un poste de dépenses qui ne subit pas la crise, et l’alimentation “plaisir” semble s’imposer comme une valeur refuge dans ce contexte morose. Même des segments plaisir qui étaient relativement mal orientés ces derniers temps, comme les chips, ont renoué avec la croissance dans le contexte particulier de l’année 2020”.
Tous les segments plaisir n’ont pas pour autant profité du contexte de crise. La limitation des rassemblements a pénalisé les produits festifs, en particulier les chocolats saisonniers (-8%) et les bonbons (-1%), qui ont souffert des célébrations “confinées” de Pâques et Halloween cette année.
Des menus réduits et en plus petit comité
Depuis le 28 novembre, le confinement national a été allégé. Cependant le couvre-feu, la fermeture des commerces et la limitation des rassemblements depuis le 15 décembre (y compris pour le réveillon du nouvel an) ont bien été confirmées, seul le 24 décembre faisant exception.
“Même si les restrictions géographiques sont levées pour Noël, de nombreux consommateurs vont rester prudents, en s’abstenant de se déplacer et en limitant le nombre de convives, par conséquent, les quantités seront limitées. Les distributeurs doivent donc s’attendre à de plus petits paniers et des achats encore plus concentrés sur la semaine de Noël et du nouvel an.” précise Adelin Guillon, Consultant Analytique chez Nielsen.
L’analyse des paniers des ménages français pendant la période de Noël par rapport au reste de l’année est très claire : les rayons confiserie et boissons alcoolisées sont particulièrement importants durant cette période festive.
En conséquence et à l’image de ce qui a été observé tout au long de l’année, l’impact négatif risque d’être plus important sur ces catégories festives, dont la consommation est dépendante des rassemblements. Toutefois, un rebond peut être espéré en comparaison de la fin d’année 2019, pénalisée par les grèves et la mise en place de la Loi Alimentation (les champagnes avaient vu leur chiffre d’affaires reculer de -21% et le foie gras de -13%).
La promotion comme moyen de générer du trafic en magasin
En 2020 la période du premier confinement a marqué une véritable rupture, avec une baisse historique de la pression promotionnelle de l’ordre de 10% selon A3 Distrib, recul lié en particulier à l’arrêt de la distribution des prospectus. Mais depuis mai, le levier promotionnel a été réactivé, avec une pression qui a même progressé de 3,5% en grandes surfaces entre mai et septembre, avec pour objectif de recréer le plus de trafic possible en magasin. La pression promotionnelle devrait donc à minima se maintenir, voire même continuer à progresser sur cette fin d’année.
D’autant plus que, comme l’explique Elise Lapie, consultante analytique chez Nielsen, “au mois de décembre, la part des promotions est historiquement plus élevée que sur le reste de l’année : 25% des ventes en grandes surfaces en décembre 2019 quand le reste de l’année est en moyenne à 20%. Un poids de la promotion d’autant plus important pour les catégories saisonnières comme le foie gras (58% des ventes faites en promotion en décembre 2019), les chocolats saisonniers (66%), ou encore le champagne (55%).”
Depuis le déconfinement de mi-mai, les enseignes se sont également appuyées sur des mécaniques promotionnelles plus attrayantes, avec davantage d’immédiateté (les ventes de produits bénéficiant de remises immédiates ont ainsi bondi de près de 12% entre le 11 mai et le 20 septembre) et, en parallèle, moins de cagnottage en carte de fidélité. Cette tendance a de grandes chances de se maintenir sur la fin d’année, notamment en hypermarchés, pour permettre aux enseignes de générer, là aussi, un maximum de trafic et tenter de rattraper une partie de leur chiffre d’affaires perdu en 2020.
Le e-commerce en vogue, et les hypermarchés de retour ?
L’impossibilité de se rendre physiquement en magasin a obligé les Français à changer de circuit de distribution favori. Entre peur de la contamination et limitation du temps passé à l’extérieur, le e-commerce semble le circuit le favorisé par les circonstances. Ainsi 82% des Français déclarent prioriser le drive pendant le confinement pour éviter de croiser du monde, quand la première raison d’utiliser la livraison à domicile est la volonté d’éviter les déplacements. Une tendance qui se traduit concrètement par une hausse nette de la part du marché du e-commerce pendant mais aussi après le confinement si on se remémore les niveaux atteints fin 2019.
Cette croissance se fait principalement aux dépens des hypermarchés mais ce circuit pourrait pourtant regagner des couleurs en cette fin d’année. Alors que les catégories saisonnières sont moins dépendantes du e-commerce, y compris pendant les fêtes de Noël, les hypers augmentent, durant les fêtes, leur part des ventes des produits de grande consommation (+1.4 point en 2019 par rapport à la moyenne annuelle) et des catégories festives en particulier (+3.3 points en moyenne). Ceci s’explique par l’augmentation des visites en magasin des familles (surreprésentées en hypers) pour préparer Noël, mais aussi par l’attraction que la promotion exerce à cette période de l’année. Par conséquent le poids du e-commerce devrait se stabiliser sur cette fin d’année au profit des hypermarchés.
Que peut-on attendre pour les fêtes ?
Même si les ventes de produits de grande consommation seront en croissance par rapport à 2019, toutes les catégories festives ne profiteront pas de cette dynamique : il en ira ainsi des champagnes ou du foie gras déjà en recul avant la campagne de Noël à l’image de l’année précédente (-18% et -24%).
La valorisation devrait, elle, se poursuivre portée par des paniers plus petits, liés aux rassemblements en plus petit comité, mais plus valorisés, dans la continuité de la volonté de se faire plaisir.
A l’image de Pâques 2020 et de la crise de 2008, les leaders s’en sortiront mieux que les plus petits intervenants, et ce grâce à leur plus forte notoriété et visibilité (publicités, animations en magasin et nombre de produits plus important en rayon). De leur côté, les marques de distributeurs pèsent moins dans les ventes des marchés festifs qu’en moyenne sur les produits de grande consommation (à l’exception des foies gras).
Enfin, Elise Lapie conclut en appelant qu’“à l’image des années passées, la promotion restera au cœur de la réussite de la saison, génératrice de trafic en magasin ; celle-ci a particulièrement été intensifiée suite au confinement et la tendance devrait se maintenir en cette seconde moitié de décembre, notamment pour écouler les stocks et éviter que 50% des chocolats de Noël soient encore en vente le 1er janvier… à l’image de l’an dernier.”