Réseaux spécialisés bio : L’état des lieux de Xerfi

Concepts spécialisés de la GMS, enseignes spécialisées. Les deux types de réseaux sont fragilisés. Etat des lieux avec l’étude publiée par Xerfi sur la crise du bio. « Marché du bio : comment survivre à la crise ? Refondre les stratégies des acteurs pour reconquérir les consommateurs à l’horizon 2024 ». Le titre tombe comme un avertissement. Et pour cause. C’est celui de l’étude publiée par Xerfi, en octobre 2022, qui questionne, sur 220 pages, les raisons de la crise du bio qui se révèlent être bien plus profondes que le seul contexte inflationniste. Pour Delphine David, auteure de l’étude, « les acteurs de la distribution, et surtout les enseignes spécialisées, doivent s’engager dans une refonte globale de leur stratégie sur tous les plans ». Rapide tour d’horizon des réseaux… L’échec des concepts spécialisés Le constat est sans appel : les concepts spécialisés associés à la grande distribution alimentaire n’ont pas réussi à convaincre. Plusieurs acteurs avaient, effectivement, ces dernières années, lancé un réseau spécialisé bio. Avec, parfois des ambitions fortes, à l’image de l’objectif de 200 points de vente Marché Bio E.Leclerc. Seuls 4 d’entre eux restent encore actifs en septembre 2022, « certains points de vente ont même endossé un nouveau pavillon, signe de l’incapacité de l’enseigne à s’imposer. Le groupement a annoncé ne pas poursuivre le concept », souligne l’étude. De son côté, Michel-Edouard Leclerc précisait déjà, en mai 2022, sur son blog, que « les formats spécialisés étaient largement imposés par des fournisseurs qui voulaient préserver leurs produits de la concurrence des hypers ». Selon Xerfi, « la forte concurrence des réseaux historiques, déjà parfois bien implantés, les incertitudes économiques liées à la pandémie, le retournement de marché en 2021 et surtout l’image véhiculée par la grande distribution pour une large partie des consommateurs réguliers de bio, ont représenté autant d’obstacles à la réussite de ces enseignes ». Avec, à la clé, la fermeture de certaines d’entre elles comme Auchan Bio, abandonné en 2019, seulement deux ans après son lancement ou Cœur de Nature (Auchan Retail), créé en 2017 et qui a cessé son activité en janvier 2022 à la suite de la fermeture des deux points de vente du réseau. Parallèlement, les rachats de So.bio (2018) puis de Bio c’Bon (2020) par Carrefour ont mis un terme au réseau Carrefour Bio au positionnement similaire. Xerfi note qu’en septembre 2022, Carrefour, à la tête de ces deux enseignes, totalise 184 magasins. Actionnaire du réseau spécialisé Naturalia, le groupe Casino a abandonné le concept de primeur bio, Un Tour au Jardin, créé en 2017. Autre initiative du groupe, Casino#Bio, dont la phase d’expérimentation, lancée en 2019, a été étendue début 2021. Reste que le groupe visait 10 magasins. Il n’en compte que 6 en septembre 2022, selon Xerfi. Les enseignes spécialisées fragilisées Selon l’étude, le retournement du marché va entraîner une baisse du parc total de magasins bio du côté des enseignes spécialisées et provoquer un net ralentissement de la dynamique d’ouverture de points de vente des principaux groupements et enseignes. Ainsi, le parc de magasins des 12 principaux réseaux n’a progressé que de 4 % entre septembre 2020 et septembre 2022, contre 10 % par an sur la période 2014-2020. Outre le contexte économique, la saturation de l’offre, notamment dans les centres urbains, a probablement participé à la réduction du parc. Xerfi note, cependant, que l’expansion des réseaux reste, néanmoins, parmi les priorités stratégiques, les acteurs comptant gagner encore en part et pouvoir de marché, notamment en termes de négociation auprès des fournisseurs. Autre point d’attention : l’étude souligne que la dégradation du marché fragilise de nombreux magasins indépendants qui représentent autant de cibles de rachat pour les plus grands réseaux. Sur 40 magasins ouverts par Naturalia en 2021, la moitié est issue de rachats. Dans le détail, le leader, Biocoop réduit lui aussi la voilure. Après avoir ouvert 61 magasins en 2020 et 81 en 2021 (source Xerfi), le nombre d’ouverture a largement baissé en 2022, soit une trentaine seulement alors que, dans le même temps, une vingtaine de points de vente ont fermé leurs portes. L’étude de Xerfi souligne, toutefois, que « le parc de Biocoop a tout de même progressé de plus de 120 % depuis 2014, une des plus fortes croissances du circuit. Biocoop a notamment mis l’accent sur les cœurs des villes où il est en retard ». Le deuxième réseau, Naturalia (Groupe Casino) a lui progressé de plus de 30 magasins en 2021, notamment grâce au rachat de 15 magasins du réseau Salej (sous enseignes Bio & Sens, On a la vie, Au Sens bio et L’Ethique Verte). Digitalement immatures Enfin, autre difficulté des réseaux spécialisés : leur manque de maturité sur l’aspect digitalisation des ventes, soit par volonté des distributeurs de préserver leur relation de proximité, soit à cause de la réticence des acteurs à développer la livraison à domicile mais, aussi, face à « la complexité de mettre en œuvre un service de e-commerce unifié dans des groupements d’indépendants où chaque adhérent proposant une offre spécifique doit disposer de sa propre interface sur le site marchand, la gérer et préparer les commandes », souligne l’étude. Après l’accélération de la transformation digitale des enseignes bio pendant la crise sanitaire et les confinements, certains distributeurs ont fait marche arrière, face à la complexité opérationnelle d’exploitation et faute de résultat sur un marché en repli. Résultat selon Xerfi : « La moitié des 12 premiers réseaux bio leaders n’ont ainsi toujours pas de site marchand en septembre 2022. »