Après des années de croissance à deux chiffres, le marché du bio s’est brusquement retourné depuis 2021. En cause : l’inflation, bien sûr, avec son impact sur le pouvoir d’achat, mais aussi la surexposition de l’offre ou encore la multiplication des labels qui créent de la confusion chez les consommateurs. Dans ce contexte, les distributeurs révisent leur copie : rationalisation des gammes, retrait des concepts spécialisés… Et les acteurs cherchent à recouvrer la confiance des consommateurs. Par Catherine Batteux
Après une croissance à deux chiffres, le marché du bio recule. La faute à l’inflation ? Pas seulement.Le marché est en baisse depuis 2019. Et si le chiffre d’affaires du bio reste relativement stable grâce à l’inflation, les volumes, eux, sont en recul. Face au désengouement des consommateurs, les acteurs de la bio pointent du doigt l’inflation et l’arbitrage des Français en faveur de produits moins chers, fustigent les labels alternatifs qui, disent-ils, créent de la confusion et de la concurrence déloyale, regrettent le manque de soutien des pouvoirs publics, notamment aux filières, appellent à faire payer les « pollueurs » afin que le positionnement prix du bio soit acceptable pour tous, insistent sur la nécessaire pédagogie « du biberon à la retraite » en faveur du bio et militent pour un passage le plus large possible en agriculture bio (ou en agroécologie), seule voie possible, selon eux, pour préserver la planète, les sols, l’eau et la santé des humains.
Bio, un marché en berne
Longtemps habitué à des taux de croissance à deux chiffres, le marché français du bio s’est effectivement brusquement retourné en 2021 (-1,3 %). Et la tendance devrait s’amplifier selon Xerfi qui a publié, en octobre 2022, une étude sur le « Marché du bio, comment survivre à la crise ? ». Selon Delphine David, auteure de l’analyse, dans un contexte d’inflation, de crise du pouvoir d’achat, mais aussi avec la perte des repères des consommateurs perdus dans une jungle de labels et d’allégations alternatifs souvent moins chers, le tout conjugué à l’incertitude sur le soutien des pouvoirs publics à la filière biologique, « le marché ne se redressera pas avant 2024 (+2 % à 12,4 Mds€), après un repli de plus de 4 % en 2022 et une quasi-stagnation en 2023 ». D’autant qu’après une surexposition de l’offre bio dans les rayons au regard de leur poids réel dans la consommation, les acteurs du bio se replient. Xerfi constate, ainsi, une baisse de l’effort d’innovation, une rationalisation des gammes bio de certains industriels ainsi qu’une refonte et une réorganisation de l’offre du côté des distributeurs. L’étude souligne aussi que face au durcissement des conditions de marché, les défaillances vont augmenter et représenteront autant d’opportunités d’acquisitions pour les réseaux les plus robustes. « Les alliances à l’achat entre les acteurs les plus offensifs seront également d’actualité. Dans les deux cas, il s’agit de renforcer son pouvoir de marché auprès des fournisseurs et d’améliorer sa compétitivité prix pour reconquérir les consommateurs », précise Delphine David.
L’inflation a bon dos
S’exprimant lors des Assises de la bio qui se sont tenues le 6 décembre 2022 sur le thème de l’agroécologie, Loïc Guines, président de l’Agence Bio souligne que l’on sort « d’une période où il y avait trop de demandes et pas assez de produits pour rentrer dans une zone d’incertitude où l’on se questionne sur les raisons du ralentissement de la bio et surtout sur la façon de lui rendre de la vigueur ». Une vision partagée par Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire : « Nous étions sur un sujet d’offre, nous sommes aujourd’hui sur un sujet de demande. C’est inquiétant pour les acteurs de la filière bio. Mais très honnêtement, cette stagnation ne date pas de 2022. Et l’inflation n’est pas le seul facteur de recul du marché ». Le ministre estime que c’est à la fin du premier confinement, qui a marqué le pic de la consommation en produits bio, que l’on a observé la stagnation puis la décroissance du marché. « Ce ralentissement existait déjà avant la crise inflationniste, confirme Dominique Schelcher, président de Système U, lors des Assises de la bio. Entre l’explosion du marché il y a une douzaine d’années et aujourd’hui, ont émergé de nouvelles alternatives : des produits non bio et non conventionnels ont pris une place importante sur le marché. Ce sont incontestablement des alternatives dans la mesure où elles sont moins chères que le bio ». Selon lui, c’est pendant la crise sanitaire que le critère d’achat s’est