Alors que l’année commençait sur de bonnes bases, la pandémie a mis un coup d’arrêt aux ventes dans le CHR. Les ventes en valeur sont en progression mais les innovations devraient être moins nombreuses cette année.
Par Jean-Bernard Gallois
Les points forts
► Pandémie
Un CHR en arrêt de mi-mars à début juin
► Croissance valeur
Elle se poursuit en GMS
► Microbrasseurs
En danger de faillite
Une onde de choc. À l’instar d’autres catégories de produits, le marché de la bière a souffert durant le confinement. Peut-être même davantage : en raison de la fermeture des cafés, hôtels et restaurants, ainsi que l’annulation des grands festivals d’été et des rassemblements festifs, le secteur de la brasserie s’est subitement trouvé privé de 35 % de son chiffre d’affaires en 2020.
Les conséquences sont dramatiques pour les microbrasseries, qui perdent jusqu’à 80 % de leurs ventes. Si la distribution a proposé, ici et là, d’écouler quelques hectolitres, de nombreuses sociétés devraient disparaître, alors qu’il s’en ouvrait une par jour ces deux dernières années.
Cependant, les mousses ont résisté durant le confinement en GMS. En cumul annuel mobile au 26 avril 2020, le marché de la bière affiche une progression de +4,4 %. “Durant le pré-confinement et la période de stockage, les consommateurs n’ont pas stocké de bières ni d’autres alcools, contrairement à d’autres catégories de PGC, indique Nathalie Prouille, analyste chez IRI. Entre le début du confinement et la semaine du 24 avril, la bière est à +8,8 % en valeur, tandis que le champagne chute de -43 %, les alcools baissent de -4 % et les apéritifs de -3,2 %”.
À noter que “les blondes sont à +6 % depuis la mi-mars, alors que la tendance est à la baisse tendancielle depuis plusieurs années”, ajoute Nathalie Prouille qui remarque que les bières de luxe blondes s’achètent plus facilement par pack qu’une craft à l’unité en commandant sur le drive.
Sans alcool aromatisées
“Durant le confinement, la concentration de l’offre en GMS s’est faite sur le 20/80 avec le souci essentiel de maintenir la chaîne logistique fonctionnelle”, poursuit Philippe Collinet. Le responsable de la communication externe de Kronenbourg annonce que 560 000 foyers ont acheté la Tourtel Botanics 0.0 % depuis sa sortie, à la fin 2019. “En février-mars, nous avons ajouté une troisième recette à la pêche blanche et au thé vert”, précise-t-il. Toujours dans le sans-alcool, la Tourtel Twist s’enrichit d’une huitième saveur au jus d’ananas et citron vert. “Nous sommes à 75 % de parts de marché sur les bières sans alcool aromatisées avec plus de 3 millions d’acheteurs, ajoute Philippe Collinet. Ce marché, qui représente environ 2 % des ventes totales des bières, devrait continuer à croître dans les prochaines années”. La filiale du groupe Carlsberg n’en reste pas là avec le lancement d’une 1664 0.0 % à la fin juin. Une initiative forte qui débarque en pack de 12 et en boîte avant l’été qui s’annonce chaud côté températures.
Surfer sur les innovations de février
À une quarantaine de kilomètres du siège de Kronenbourg, à Obernai, la brasserie La Licorne, basée à Saverne, tourne à plein régime depuis début mai et a connu une progression de +23 % durant la période de confinement. “Nous avons eu la chance que nos innovations soient dans les rayons depuis février, souligne Oliver Amossé, directeur général de La Licorne. La White by Licorne, lancée début avril, a de bons retours de consommateurs, de même que sur la Slash Ipa en blonde et en Red”. Jusqu’ici dans le format traditionnel de 66 cl, la Black by Licorne ainsi que la Slash blonde et Red sont passées aux bouteilles de 75 cl avec bouchons de liège depuis quelques semaines. Côté nouveautés, la société n’a pas prévu de brassin d’été et communiquera sur ses innovations de février. Elle poursuivra sa relation étroite avec ses abonnés sur ses réseaux sociaux et décale ses posts sur le CHR durant l’été.
Disposant de 70 % de ses capacités en avril-mai, la Brasserie Castelain a, elle aussi, bénéficié d’innovations 2020 lancées en février. “La Jade bio 0.0 % avait bien performé car les distributeurs l’ont présentée sur les circuits de proximité et du drive qui ont surperformé durant le confinement et qui fonctionnent bien pour le bio, indique Guillaume de Laforcade, directeur commercial de la brasserie. La seconde version, la Jade 0.0 aromatisée citron-gingembre, développée en exclusivité avec les enseignes du groupe Carrefour sur une année, va prendre de l’ampleur entre juin et septembre et les équipes terrain ont repris le 25 mai pour la mettre en avant”. En rayon depuis la mi-février, la Jade Hoppy, dans un format de partage de 6 X 25 cl “connaît un fort taux de transformation”, assure Guillaume de Laforcade. Elle s’adresse aux amateurs d’intensité et d’arôme en titrant à 5.5 %. Une Castelain summer ale, une exclusivité en fût pour le CHR, est prévue cet été.
La problématique de l’image-prix
“À cumul P5 nous sommes à +25 % en volume et +30 % sur ce mois, indique Dominique Sialelli, patron de la Brasserie Pietra. En prenant l’activité du mois de mai, nous sommes stables sur le continent, grâce à une très forte croissance en grande distribution”. Fort de sa présence dans 80 % des magasins des enseignes nationales en Corse et sur le continent, la brasserie “affiche une très belle résistance sur le continent”, précise-t-il. En revanche, la chute des ventes est importante en Corse, de l’ordre de 80 %, avec l’arrêt complet
du tourisme, même en grande distribution. Réputée pour sa bière à la châtaigne, la Brasserie Pietra propose deux nouveautés : une Ipa, sortie à la fin de l’année dernière et une blonde bio sans gluten, lancée dans les premières semaines de 2020. “Pour les prochaines innovations, nous allons laisser passer l’été et attendre septembre-octobre”, lance Dominique Sialelli.
La question de l’image-prix est un des grands enjeux de la distribution durant les prochains mois. Qu’en sera-t-il pour les bières qui se sont valorisées ces dernières années, mais dont les volumes stagnent ? “Il nous faudra être très vigilants sur les prix et les tensions autour du pouvoir d’achat, ajoute Guillaume de Laforcade. Nous souhaitons être un acteur respectueux de l’accessibilité, une clé pour que la bière conserve son attractivité et son côté trans-générationnel”.
Le chiffre
5 + 4,4 %
C’est la progression (en valeur) des bières en GMS en CAM au 26 avril 2020 (IRI)
Nathalie Prouille,
Consultante chez Iri
en partenariat avec
Bières, Elles résistent au Covid
“Sur une année glissante s’arrêtant au 31 mai 2020, les bières progressent de +8 % en chiffre d’affaires et de 3,6 % en litres. Certes, cette période intègre la crise du Covid qui a entraîné la fermeture des bars et restaurants et donc un certain report (largement incomplet) vers les grandes surfaces. L’année avait déjà bien commencé avec un chiffre d’affaires en
hausse de +7 % sur la période que nous appelons avant Covid (du début d’année jusqu’au 24 février). C’est un signe que les bières se portent toujours très bien.
Oubliées du confinement
Dans leur course frénétique au stockage, les shoppers avaient un peu oublié la bière (“seulement” +1,9 % de croissance entre la S9 et la S11 quand le total PGC était à +19 %).
Le confinement a ensuite réussi aux bières avec une croissance de CA de +12 % ! Depuis, la croissance reste forte (la météo de l’an dernier était morose à la même époque). Le segment des “crafts” continue de se valoriser (+21 % en CA au CAM) et les bières de dégustation (+12 %) tirent la croissance. Le sans alcool continue son développement (+9 %) et les bières aromatisées accélèrent leur croissance (+9 %). Les blondes, qui ont profité du confinement, résistent (+2,5 %).”