Un Air d’Ici: servir des engagements sociétaux

L’entreprise familiale innove en continu pour proposer des produits plus sains et réduire son impact environnemental. Un engagement sur ses deux métiers : spécialiste des fruits secs et graines bio et facilitateur de services autour du vrac. Interview de Franck Bonfils, président fondateur de Juste Bio Points de Vente: qu’est-ce que l’innovation pour vous ? FB: On associe souvent l’innovation à une révolution technologique, à une révolution sur les produits, des choses assez matérielles et caricaturales finalement. Mais il peut y avoir parfois des innovations dans la manière de consommer. J’ai créé Un Air d’Ici il y a 22 ans. Au début, nous commercialisions des graines salées et sucrées dans des emballages plastiques lourds. Au fil du temps, nous avons innové afin de proposer des produits plus naturels, avec moins de sucre et moins sel, tout en les rendant moins polluants. Ce sont ces innovations qui ont créé l’ADN de l’entreprise : celui du manger juste. Cela veut dire, qu’effectivement, nos produits sont plus simples, mais pas seulement. Nous avons innové pour réduire le gaspillage alimentaire et pour diminuer les emballages polluants. Autrement dit, le processus d’innovation a été continu et est venu servir des engagements sociétaux. Par exemple, nous avons lancé notre première gamme bio en 2009. Aujourd’hui, nous sommes à 100% bio. En 2013, nous nous sommes lancés dans le vrac bio, persuadés que le meilleur emballage, c’est celui que l’on ne produit pas. Nous proposons désormais plus de 140 références en vrac dans plus de 5 000 points de vente. Et, 4 ans plus tard, nous avons créé notre marque JusteBio en GMS. En 2019, nous avons mis au point le 1er sachet de fruits secs entièrement compostable. Et notre nouvelle usine de Carpentras a été inaugurée en 2020 avec pour objectif zéro création de conditionnements polluants. Nous avons, par exemple, travaillé sur l’étiquetage des cartons, développé le marquage, supprimé les encres, les solvants, le ruban adhésif, adopté des matériaux plus recyclables comme le kraft ou des colles végétales. Au final, 660 tonnes de plastiques ont été économisées en 2021 PDV: Comment vous êtes-vous lancés sur le vrac ? FB: Quand, il y a 7 ans, j’ai rencontré un directeur de magasin pour lui proposer une offre de produits en vrac, on m’a expliqué que cela ne fonctionnerait pas, pour des raisons d’hygiène, de sécurité, etc. Nous n’avons pas eu d’autre choix qu’innover en inventant un nouveau modèle qui réponde aux attentes des consommateurs et des distributeurs. C’est de là qu’est né le concept de full-service afin de maîtriser toute notre filière, du producteur au conseil. Nous avons dû imaginer le mobilier dans lequel viennent s’insérer les trémies, adapter l’emballage et le conditionnement des produits. Au quotidien, 130 personnes sur le terrain assurent le conseil, le remplissage des trémies dans les meubles JusteBio, leur nettoyage ainsi que la gestion des commandes. Cela a été une vraie innovation de rupture, mais je n’ai pas inventé une fusée pour aller sur la lune, j’ai simplement assemblé, dans un nouveau puzzle, des éléments qui existaient déjà. Finalement, l’innovation dans une PME comme la nôtre se cache un peu partout. Elle est véritablement le moteur de l’entreprise et sert les valeurs qui nous guident. Le marché du vrac va continuer à évoluer et nous travaillerons, à nouveau, sur de nouvelles innovations. PDV: Comment ce marché du vrac va-t-il évoluer ? FB: Notamment dans la manière de proposer des marques et des produits différents dans notre mobilier. Je pense, notamment, à la mise en place de partenariats afin de mutualiser les forces des entreprises. A l’image de ce que nous avons fait en co-branding avec Alpina Savoie. Nous avons développé ensemble une gamme issue de la filière blé dur bio française d’Alpina Savoie et 5 références sont distribuées, depuis avril, dans les trémies JusteBio. Nous travaillons également sur un concept qui permet de solutionner les irritants majeurs du vrac, comme le nettoyage, la démarque, l’hygiène, la sécurité alimentaire, le merchandising en magasin, l’information au consommateur… PDV: Certains acteurs considèrent la loi Agec comme un frein au développement du vrac… FB: Je suis à peu près d’accord avec ça. Nous sommes allés trop tôt sur cette contrainte d’imposer 20% de surface consacrée au vrac dans une filière qui n’est pas encore structurée. En conséquence, beaucoup d’acteurs travaillent sur du vrai-faux vrac avec, par exemple, des packagings un peu plus gros pour donner l’impression de faire du vrac, alors qu’ils souhaitent juste se conformer à la loi. Je trouve cela un peu dommage. Nous avons assisté à une adhésion spontanée du consommateur pour ce modèle qui, finalement, aujourd’hui, est contraint. La consommation plus vertueuse est passée largement derrière les problématiques de santé, probablement accentuées par la crise sanitaire, et on a oublié les enjeux écologiques de production de plastique. On est quand même passés, en une semaine, d’un « le plastique, ça tue les baleines » à « le plastique, c’est fantastique, le suremballage sauve nos vies » ! Le deuxième aspect concerne le bio dans son ensemble. Tout le monde s’accorde à dire que le bio, c’est plus sain. Mais dans le contexte actuel, les tensions sur le pouvoir d’achat avec, notamment l’envolée des prix de l’énergie et du carburant, nécessitent un arbitrage des consommateurs qui ne favorise pas le bio. PDV: Comment articulez-vous l’innovation selon vos deux métiers ? FB: Nous avons constitué deux équipes qui dépendent de la R&D : l’une spécifiquement sur notre métier de spécialiste des fruits secs et graines bio, et l’autre sur notre mission de facilitateur de services autour du vrac. Cette année, nous avons beaucoup travaillé sur l’aromatisation, évidemment naturelle, en essayant de développer de nouvelles saveurs, comme nos Noix de Cajou Ail Noir bio ou nos Granolas salés Romarin et Spiruline bio. Sur la partie concept, nous allons donc apporter une nouvelle expérience en adressant les irritants du consommateur. Notre chance, c’est qu’avec notre positionnement et notre place sur le marché, nous pouvons passer très rapidement à l’échelle. Les 5 000 points de vente équipés nos meubles sont autant de points tests potentiels pour des concepts innovants. PDV: Constatez-vous des freins à l’innovation dans ce contexte particulier, entre crise sanitaire et guerre en Ukraine ? FB: Le contexte est, effectivement, très particulier avec, à la clé, un pilotage assez complexe puisque les cycles se sont rapprochés. Il y un an, le bio était en pleine croissance. Aujourd’hui, c’est moins le cas. Le marché évolue rapidement. Nous avons, aussi, plus d’incertitude sur les évolutions des avis des consommateurs, notamment sur ces questions d’arbitrage face à un pouvoir d’achat en baisse. Et la variable d’ajustement immédiate, c’est alimentaire. Il faut donc redoubler d’efforts pour nous adapter à ces tendances, être résilient.