Alors que la COP26 vient de s’achever sur un constat doux-amer et que la flambée des prix des matières premières et des coûts de transport embrase la planète, des zones de croissance émergent entre l’Europe et l’Asie, à l’image des nouvelles puissances économiques du Moyen-Orient, dopées par la rente pétrolière et gazière. Parmi elles, l’ambitieuse Dubaï qui se veut le héraut d’une vision d’avenir volontariste et dessine les prémices d’un monde meilleur : ouvert, technologique, désirable et durable…
C’est une fin d’année 2021 de tous les dangers qui s’annonce, entre incertitude sanitaire et reprise économique volontariste. Alors qu’en la France l’épidémie qui, pour l’heure, reste sous contrôle, les frontières s’ouvrent dans le monde, marquant le retour à la « presque » normale. Après 18 mois de crise Covid qui ont placé la question de la protection des hommes et de la planète au cœur de toutes les préoccupations, la tenue de la COP26 à Glasgow, en Ecosse, est venue donner un coup d’accélérateur aux engagements pour le climat. Le sommet des Nations unies sur le climat, qui réunissait tous les dirigeants du monde entier du 31 octobre au 12 novembre dernier, s’est inscrit dans la lignée du « Green Deal » européen qui vise à accélérer la transition énergétique et réduire significativement les émissions de GES.
COP26, entre espoirs et déceptions
Si l’événement a été le théâtre de tensions de la part d’activistes (Greta Thunberg, soutenue par des milliers de jeunes, a qualifié « d’échec » la conférence de Glasgow et dénoncé les voyages en jet privé de certains dirigeants) et de déceptions (un tiers des pays les plus pollueurs du monde n’étaient pas représentés), il faut tout de même en saluer les avancées : l’officialisation d’un pacte visant à baisser de 30% les émissions de méthane, signé par plus de 80 pays, ou encore, l’engagement d’une centaine de dirigeants de mettre fin à la déforestation et celui d’une vingtaine de pays à stopper le financement des énergies fossiles à l’international dès 2022 mais également, la confirmation de la sortie de route des voitures thermiques, ou encore, la révolution énergétique portée par l’hydrogène… Des initiatives, certes, salutaires mais insuffisantes face aux défis du réchauffement climatique. Et pour cause, après une baisse de 7% des émissions de CO2 en 2020 liée à l’arrêt des activités industrielles durant la pandémie, celles-ci ont repris tout aussi rapidement avec la reprise. La relance économique mondiale très soutenue a entraîné une hausse massive de la demande d’énergie, sollicitant un système énergétique mondial, toujours fortement dépendant des combustibles fossiles. La hausse des émissions de CO2 imputable au pétrole et du gaz inquiète sur le long terme, tout comme la croissance des émissions liées au charbon en 2021. Des tendances qui nous éloignent de la neutralité carbone programmé à l’horizon 2050 pour certains (plutôt vers 2060, pour la Chine). Décarboner les activités humaines mondiales sera impossible à moins de 100 000 milliards d’euros d’investissements… Soit 100 fois la facture de la pandémie Covid-19.
Économie mondiale en surchauffe
Dans une économie mondiale en surchauffe, où les prix des matières premières s’emballent (+ 33% sur les produits agricoles) tout comme ceux du fret maritime (les prix des containers ont été multipliés par 5, passant de 3000 $ à 15 000 $) et de l’énergie (+ 80%), garder le cap pour soutenir les économies locales est la principale préoccupation des États. Conséquence de la crise sanitaire et de la mise à l’arrêt des sites de production en 2020, les chaînes logistiques mondiales accusent des retards monstres depuis 18 mois. Les navires restent à quais des semaines sans pouvoir charger ou décharger leur marchandise, créant des ruptures de stocks et rallongeant les délais d’approvisionnement de certains composants stratégiques pour l’industrie, tels que les semi-conducteurs ou le caoutchouc. Ces retards s’élèvent entre 4 et 8 mois semaines sur l’axe Asie-Europe et entraînent des majorations tarifaires sur les bateaux bloqués dans les ports Chinois. Cette situation de saturation devrait perdurer jusqu’à l’été prochain, voire à fin 2022.
En attendant, les répercussions sur les prix des produits de grande consommation, encore timides, risquent de se faire sentir plus fortement au fil des mois. En pleines négociations annuelles avec les fournisseurs, les distributeurs anticipent une inflation plus forte que celle annoncée par l’Insee, à 2,6% en France, et une hausse des prix consécutive dans tous les magasins sur produits des denrées alimentaires tels que les pâtes, les huiles, le café et le cacao et les produits non-alimentaires (bricolage, matériel de cuisson, hi-fi/son). Cette crise logistique ponctuelle ne fait que révéler l’hyper dépendance de l’Europe à la production asiatique et les limites d’une logique de « sourcing lointain » économique poussée à l’extrême (toujours plus loin pour baisser les coûts de production), aujourd’hui remise en question par la flambée des coûts du transport. Déjà, des enseignes du textile ou de l’ameublement réfléchissent à raccourcir leur chaîne d’approvisionnement pour privilégier un sourcing européen, à minima. Quand les intérêts économiques et écologiques convergent, les choses bougent plus vite.
« Les conséquences de la pandémie Covid-19 sont un vibrant plaidoyer pour la relocalisation de la production des biens en Europe »
Ainsi, même si cette fin d’année s’annonce sous de meilleurs auspices avec un retour à la croissance économique et une situation sanitaire plus favorable, des zones d’ombres perdurent. La prudence reste de mise dans plusieurs zones de la planète (la Russie, la Chine, le Brésil) où des résurgences du virus sont à l’œuvre. La hausse des prix de l’énergie, des matières premières et des biens de grande consommation du quotidien risque, également, d’affecter une population française déjà incandescente depuis la crise sanitaire et les mouvements sociaux des Gilets Jaunes. La campagne pré-électorale actuelle qui électrise les médias et crispe les esprits sur les questions migratoires, de souveraineté nationale, de réindustrialisation et de pouvoir d’achat risque de diviser encore plus une nation française en proie aux clivages. Pourtant, face aux défis environnementaux et sociaux qui touchent tous les pays de la planète et aux nouveaux ordres économiques mondiaux qui se mettent en place autour de la Chine et du Moyen-Orient, l’Europe doit afficher, plus que jamais, un front solidaire et uni pour s’affirmer dans le monde d’après-crise.