
Succès continu des paiements fractionnés, croissance des virements instantanés et activation de la simplicité du « tap to pay » en magasin… Autant de solutions destinées à faciliter le parcours client.
Par Jean-Bernard Gallois
Wero ! Le futur service de virement instantané européen était sur toutes les lèvres dans les travées du salon Tech for retail qui s’est tenu en novembre dernier… avec l’intelligence artificielle. Créé un mois plus tôt, le portefeuille électronique, voué à remplacer Paylib, sera valable gratuitement dans les pays européens, là où Paylib n’était accessible qu’en France. Wero fonctionne déjà en Allemagne et en Belgique avant d’arriver en France l’année prochaine. Cette initiative accélère encore la dématérialisation des moyens de paiement, surtout chez les 18-24 ans qui sont 85 % à utiliser le virement instantané de particulier à particulier, selon le baromètre Kantar-Paylib en janvier 2024.
Le virement instantané dans les starting-blocks
Les particuliers pourront ainsi envoyer et recevoir de l’argent à travers l’Europe de compte à compte en moins de dix secondes en utilisant un numéro de téléphone, un QR code généré par l’application ou une adresse e-mail. En 2026-2027, il devrait également permettre de payer ses achats en ligne et dans les points de vente.
Dans le paysage actuel des paiements, la carte bancaire reste prédominante sous l’effet de l’évolution du commerce en ligne mais aussi de la récurrence du sans-contact depuis le Covid. « Elle représente plus de transactions que le paiement par carte avec code pin, avec six opérations sur dix en magasin », indique Charlotte Pagot, secrétaire générale de Mercatel. Le paiement par mobile représente, lui, 10 % des opérations de paiement par carte en magasin et va continuer de progresser car les utilisateurs étant très appétents.
Le règlement européen sur le virement instantané, voté en février 2024, va progressivement permettre de voir le déploiement à l’échelle de ce nouveau mode de règlement. « Il marque une volonté affirmée de la part des autorités européennes de dynamiser la concurrence en promouvant une solution sûre, crédible et à des coûts satisfaisants pour les commerçants. Dans un premier temps, il est complémentaire des modes de paiement traditionnels, en capitalisant sur les avancées technologiques du QR code, retenu comme la nouvelle norme, ainsi que sur l’open banking qui facilite la communication entre les différents acteurs du paiement », résume Charlotte Pagot.
En France, 6 % de l’ensemble des virements sont instantanés, la majorité du temps entre particuliers au travers, notamment, de solutions comme Paylib qui est en train de passer le relais à Wero, le wallet de paiement et de transferts de fonds européen. En e-commerce, des enseignes comme Leroy-Merlin ou encore Lapeyre proposent déjà ce mode de paiement. Il constitue une possible source d’optimisation des coûts si l’on envisage le transfert des cartes commerciales, non régulées et plus onéreuses que les autres catégories, vers ce type de règlement.
L’encaissement en mobilité, présent chez Decathlon ou Petit Bateau, prend de l’essor avec des solutions dites SoftPOS, fonctionnant aussi bien sur iOS que sur Android et intégrant du « tap to pay » permettant d’accompagner les ventes et de favoriser le « queue busting ». Ces supports, smartphone ou tablette, mis dans les mains des collaborateurs en magasin, accélèrent l’omnicanalité en offrant la capacité de passer des commandes en ligne si un produit est manquant dans le point de vente.
La France au top dans le paiement échelonné
Les différentes solutions s’appliquant au crédit ont le vent en poupe, en particulier les paiements en plusieurs fois sans frais. Le « buy now, pay later » s’est bien diffusé parmi les consommateurs. Scalapay est arrivé en France voici quelques mois. La marque leader du marché italien (7,5 millions d’utilisateurs) avait déjà posé des jalons voici quatre ans dans l’Hexagone, devenu le plus gros marché pour le paiement échelonné en Europe du Sud. « En France, les chaînes de distribution font face à un problème de conversion ; les taux, entre une visite sur un site et un achat réel, ne sont pas toujours bons et les clients hésitent à acheter, commente Simone Mancini, directeur général de Scalapay. En leur permettant de diviser leurs paiements en trois ou quatre fois sans frais, une solution comme Scalapay augmente systématiquement la taille du panier moyen de 48 % et les taux de conversion de plus de 11 %. » La société indique collaborer avec 10 000 marques dont 600 à 700 en France. « Dans l’Hexagone, notre position de challenger est intéressante et nous nous différencions de nos concurrents par nos services clients », ajoute-t-il.
En matière réglementaire, les acteurs de la finance devraient y voir plus clair l’an prochain avec la transposition, dans le droit français, de la directive européenne sur la consommation et son impact sur le crédit échelonné. Un des principaux axes du texte sera une nouvelle réglementation pour les paiements de moins de 90 jours qui vont intégrer le crédit, avec nécessité de vérifier l’identité et la solvabilité du consommateur demandeur. « Nous allons avoir un ou plusieurs contrôles additionnels sur le paiement en quatre fois par carte bancaire qui entrera dans la réglementation du crédit à la consommation, indique Arnaud Le Gall, directeur des partenariats chez Cofidis. Nous sommes préparés et voulons utiliser au mieux les technologies pour maintenir la fluidité du parcours des clients. »
Sous la pression de l’inflation, les habitudes de paiement ont évolué, a noté le Baromètre européen de Cofidis sur le sujet, paru en mai 2024. Le paiement fractionné a été utilisé par 46 % des personnes en magasin et 44 % sur Internet, pour un achat d’un montant moyen de 734 euros. « 73 % des clients trouvent ce mode de paiement pratique et 70 % l’utilisent dans la gestion de leur budget », poursuit Arnaud Le Gall. Il précise que Cofidis observe une tendance des clients à avoir davantage recours au fractionnement au-delà de trois mois.
Renforcement de l’open banking
Les acteurs du paiement vont aussi renforcer l’utilisation de l’open banking, déjà en œuvre depuis quelques années. « Nous avons intégré l’open banking dans les parcours de nos partenaires comme Micromania, Decathlon ou Amazon en développant nos interfaces par API et en les simplifiant le plus possible pour être accessibles à la plupart des plateformes en ligne, ajoute Arnaud Le Gall. Nos solutions sont également disponibles sur les terminaux de paiement et les caisses autonomes. »
L’enjeu pour Cofidis est d’être présent sur les solutions digitales et de s’adapter le plus possible au contexte omnicanal de ses quelque 10 000 partenaires et 50 000 magasins.
« Depuis le début de l’année, nous avons déployé une solution de paiement qui va s’appuyer sur une app “Cofidis Pay”, utilisable dans tous les magasins et en ligne pour nos clients », précise-t-il. L’objectif, à moyen terme, est que le client, devenant familier avec l’application, l’ouvre et intègre le crédit comme un outil familier au sein d’une gestion raisonnable de ses dépenses.
« Nous avons digitalisé et instantanéisé le processus d’octroi du crédit pour financer en quelques minutes des achats représentant un montant important : smartphone, ordinateur, canapé, vélo ou encore voiture », explique Nicolas Pelpel, directeur commercial de Younited Pay. La solution est disponible en magasin ou depuis un site internet. Grâce à l’open banking, Younited Pay interroge directement l’établissement bancaire du client et récupère généralement trois mois d’historique. Plus besoin de contrat de travail ni de bulletins de salaire, l’accord de financement est délivré instantanément sur la base des informations remontées par la banque du client. La totalité du process prend environ cinq minutes. Si un accord est donné, la société envoie un contrat de crédit par mail au client qui n’a plus qu’à signer. Younited paie alors le marchand du prix de la voiture ou du canapé et recouvre ensuite le montant du bien auprès du client final. « Nous finançons des biens de consommation de 200 à 50 000 euros, avec paiements étalés entre 10 et 84 mensualités, ajoute Nicolas Pelpel. Nous voulons proposer des solutions de financement inclusives pour les clients qui n’entrent pas dans « les cases » des établissements de crédit classiques. Le panier moyen que nous finançons est autour de 3 000 euros avec une maturité moyenne de crédit de 33 mois ».
Un monde tokenisé ?
Structure 100 % française gérant sept milliards d’euros de transactions (avec des références comme Leclerc, Amazon, Cdiscount, Coopérative U, Intermarché, Kiabi…), Monext intervient sur la totalité de la chaîne de valeur du paiement, comme processeur ou comme acquéreur. « Notre métier est de proposer des solutions de paiement pour les commerçants et, au sein de la profusion des offres, d’avoir des approches différentes, très personnalisées, totalement adaptées à leurs besoins », souligne Didier Brouat, directeur du développement de Monext, qui accompagne plus de 12 000 commerçants.
Le souhait des enseignes aujourd’hui ? « La compréhension, la performance, la robustesse, le monitoring et surtout la satisfaction de leurs consommateurs dans leurs activités aujourd’hui souvent multicanales, répond Didier Brouat. Le paiement doit répondre aux besoins des magasins en tenant compte des contraintes opérationnelles des équipes marketing, de celles de la direction financière mais, également, des directions informatiques, le tout dans un budget optimisé. »
Concernant la définition d’un bon outil contre la fraude, qu’il s’agisse de paiements comptants ou fractionnés, « tout repose sur l’amélioration de connaissance des consommateurs : les prochaines évolutions sur ce thème extrêmement stratégique pour chaque enseigne et sites e-commerce sont déjà en marche grâce à tout ce que peut proposer l’intelligence artificielle », ajoute-t-il.
Au-delà du développement de Wero et des paiements mobiles, Thibault de Barsy, vice-président et manager général de l’association européenne de paiements, voit les prémices d’un monde tokenisé. Un univers de consommation où la technologie évite d’envoyer ses données de cartes de crédit dans le système. Il prévoit une expérience unifiée en magasin où « nous nous éloignons de l’échange de l’argent classique pour inclure de nouveaux actifs tels que les points de fidélité, les données, les biens numériques, les droits et les nouvelles monnaies ». La tokenisation des actifs permettra d’accéder à cet éventail plus large d’actifs, tout en favorisant la confiance et la sécurité dans l’échange. L’expert prédit également la généralisation des « passkeys », en remplacement des traditionnels mots de passe, dont la biométrie n’est qu’un aspect. Un développement auquel croit beaucoup un acteur mondial comme Mastercard. L’utilisation d’actifs autres, comme les crypto-monnaies, pourrait aussi attirer une clientèle riche et jeune qui souhaite régler en bitcoins, Ethereum et autres stablecoins. Une innovation a été lancée dans les magasins Le Printemps en novembre dernier.
Zéro carte: Delupay, une alternative à la carte bancaire ?
« Notre solution n’est pas un wallet (une application en forme de portefeuille comprenant la carte bancaire, ndlr) comme la plupart des applications. Elle fonctionne comme une véritable carte de prélèvement différé, où les sommes sont prélevées en fin de mois sur le compte bancaire de l’utilisateur, sans aucun frais réel ni caché pour les particuliers », souligne Julian Dufoulon, directeur marketing chez Delupay. La start-up, agent de paiement de la banque Delubac, propose un paiement instantané via QR code. En magasin, le client ouvre l’application et scanne le QR code présenté par le marchand. Il vérifie le montant, valide et Delupay contrôle l’identité du porteur de paiement par biométrie. Une solution activable en moins de dix minutes, selon la société. En ligne, le QR code s’affiche sur la page du paiement avec la même manœuvre.
Avantage principal de la solution, son coût. « Que la carte soit digitalisée sur portefeuille pour le mettre sur une application de paiement ou une carte physique, le paiement par carte revient cher au commerçant, même s’il est intéressant du point de vue du consommateur », ajoute Julian Dufoulon. Delupay propose une application où les transactions passent par son réseau et où il est l’unique intermédiaire entre le marchand et le client. La société indique qu’elle divise les frais par deux par rapport aux cartes traditionnelles. « Nous avons des frais plafonnés et un retailer va payer au maximum 0,5 % par transaction et un e-commerçant 1 % au maximum », poursuit le directeur marketing.
En ne proposant pas un paiement irrévocable comme l’est le virement instantané, Delupay apporte plus de protection aux consommateurs en cas de litige.
La solution a été déployée au club de football du Paris FC, pour faciliter le parcours client et éviter les queues avec récupération rapide de sa commande au comptoir. Elle est aussi présente dans 3 300 points de vente indépendants (dont des points de restauration) à travers le système d’encaissement Orisha Retail dans lequel elle est intégrée. La solution compte déjà 10 000 porteurs en un peu plus d’un an d’existence.
Tap to pay: Etam a déployé 200 magasins avec Adyen
Après l’essai des vêtements chez soi, le remboursement en magasin sans demander la carte bancaire ou les tablettes présentes dans les cabines d’essayage, Etam innove encore, cette fois sur son application mobile « App Mag » en déployant le tap to pay sur Android, qui repose sur la technologie monétique NFC. Déployé depuis juillet 2024, le service permet aux magasins du groupe d’accepter des paiements sans contact directement via leur téléphone Android, sans besoin d’un terminal dédié. « Cela simplifie et accélère le processus de paiement en rendant l’encaissement mobile et flexible », explique Nicolas Ricardo, Team lead account manager chez Adyen. La plateforme de technologie financière (4 500 salariés dans le monde) accompagne depuis sept ans le groupe Etam sur toutes les opérations de paiement en Europe et sur sa boutique américaine.
Quelques frictions
Lors de la présentation de cette expérience sur le salon Tech for Retail, en novembre dernier, Bruno Tartanson, DSI du groupe Etam, a souligné les défis de la mise en place. « La mise à jour des terminaux a présenté quelques défis. Même si cela peut sembler anodin, cette procédure supplémentaire crée une friction et ajoute une nouvelle étape pour nos équipes de vente déjà très sollicitées, a-t-il indiqué. Il est donc essentiel de les accompagner et de les éduquer dans ce processus. Cela dit, cette transition nous a aussi permis d’atteindre un niveau de sécurité optimal pour les terminaux, ce qui constitue un point positif. » Il est prévu dans le déploiement de configurer 3 500 terminaux.
D’ores et déjà, le tap to pay sur Android connaît un bon engagement. « Quelques semaines après le lancement, le taux d’usage était de 20 % dans les boutiques. Actuellement, certains magasins affichent un taux d’usage de 50 % », indique Silvia Arellano, account manager chez Adyen et en charge du groupe Etam depuis deux ans.
Le groupe Etam a également observé une simplification des processus en boutique, notamment pour les vendeurs et vendeuses, en leur offrant un outil unique pour gérer à la fois l’encaissement et l’expérience client. Les ventes et la fluidité du parcours client ont été optimisées, notamment en réduisant les frictions lors du paiement et en facilitant l’accompagnement des clientes en rayon. La vendeuse garde le contact pendant tout le parcours jusqu’à la conclusion de la vente. « Sur le terrain, lorsqu’un nouvel arrivant rejoint l’équipe, le vendeur lui donne l’appareil et lui demande d’encaisser via l’App Mag, qui est si intuitive que la personne peut vous encaisser sans avoir reçu de formation », souligne le DSI du groupe Etam.
Enfin, les corners, braderies et pop-ups sont très simples à mettre en place. « Le magasin ne se soucie plus de la partie paiement qui devient une extension de l’équipement de base du vendeur », ajoute Nicolas Ricardo.