La cellule bureaux-tendance intégrée de Monoprix a pour mission d’identifier les signaux faibles de la consommation et de les transformer dans des magasins pilotes pour tester les réponses aux nouveaux besoins de notre époque. Entretien avec Maguelone Paré-Harroch, directrice concept et innovation chez Monoprix, qui nous livre sa vision de l’innovation, à l’occasion de l’ouverture d’un nouveau Monoprix rue de Marseille dans le 10e arrondissement, en juillet dernier. Un magasin-pilote qui concentre les innovations et les nouveautés proposées par l’enseigne. Par Cécile Buffard
Points de Vente: Quelles leçons de la pandémie
avez-vous tirées ?
Maguelone Paré-Harroch: La Covid-19 a renforcé la digitalisation du commerce et a remis sur la table la question du rôle du commerce de proximité. Ces magasins, dont le fer de lance est notre enseigne monop’, longtemps perçu comme des lieux dédiés aux achats de dépannage se sont, avec le temps, transformés dans les zones de flux, en diversifiant leur offre avec des produits de snacking, de restauration et des boissons alcoolisées. Avec la progression massive du e-commerce dans les comportements d’achat, cela ne faisait plus sens de se limiter aux produits d’appoint comme du papier toilette ou de la farine. Il était nécessaire de travailler sur la complémentarité entre le point de vente physique et l’offre présente en ligne. Alors que le e-commerce est devenu la solution pour le plein de courses, le magasin devient de plus en plus le lieu des produits frais et faits sur place : le fromage au lait cru du rayon tradition, le pot de basilic frais en passant par le bouquet de fleurs du jour…
PDV: Qu’est-ce que la Covid a changé chez les consommateurs ?
MPH: Durant les confinements, la notion de lien social est revenue sur le devant de la scène, et avec elle, la valorisation des choses simples du quotidien telles qu’aller boire un café en terrasse ou être reconnu par son commerçant. Il y a encore quelque temps, nous n’aurions jamais autant installé de tables et de chaises sur un trottoir, estimant que cela relevait du métier de restaurateur, pas du commerçant. Mais aujourd’hui, toutes les petites marques d’attention sont essentielles pour les urbains qui ont été, pour beaucoup, privés de ce lien social. Nous avons remis au goût du jour les œufs durs sur le comptoir, les cafés-baristas et l’intemporel croque-monsieur cuit sur place (ou les bonbons en vrac), pour réenchanter le quotidien de nos clients.
PDV: Comment avez-vous travaillé cette offre de proximité ?
MPH: En mettant en avant le côté humain. Nos points de vente doivent donner envie aux clients de descendre de chez eux, même en pantoufles, pour aller acheter un paquet de chips ou une brique de lait. Un peu comme la loge de concierge d’autrefois, le magasin près de chez soi doit être un lieu familier et convivial. Nos équipes ont, pour cela, été formées au service et à l’accueil client, dans le cadre de la “démarche du Oui” portée par Monoprix. Le nouveau service “Je m’appelle reviens” consiste à prêter gratuitement aux clients des produits d’usage ponctuel du quotidien tels qu’un appareil à raclette, une boule à facettes ou une tireuse à bière. Côté aménagement, nous avons privilégié la lumière et les couleurs, pour un “bright commerce” aux antipodes des “dark stores” !
PDV:Outre la convivialité, le magasin de la rue de Marseille, pour citer le concept de l’enseigne monop’, est un concentré de technologies…
MPH: Tout à fait ! Ce dernier concept est riche de technologies destinées à un public urbain. Ce magasin-pilote servira de test
pour de prochaines innovations technologiques et marketing développées par le groupe. Il sera, notamment, le premier point de vente à proposer une zone totalement autonome (sans vigile) ouverte 24h/24 et 7 jours/7, en dehors des heures d’ouverture du magasin. Pour y accéder, il suffit de présenter sa carte bancaire à une borne dédiée, puis de réaliser ses achats parmi 300 références et sortir, sans passer en caisse grâce à un système de pesée permettant d’identifier les produits choisis : une technologie inédite en France, déployée à travers le partenariat entre Shekel Brainweigh et les équipes innovation du groupe Casino depuis fin 2019 et qui s’inscrit dans la tendance du “quick commerce”. La technologie n’est pas une fin en soi, elle ne sert qu’à faciliter le quotidien du consommateur.
PDV:Face à l’ubérisation du commerce, comment vous positionnez-vous ?
MPH: Plutôt que de jouer l’opposition, nous tirons parti des start-ups, en nouant des partenariats avec des spécialistes de la livraison par exemple, pour offrir des services de livraison express (la nouvelle application Monop’Eat). Ce service de livraison express est un pur produit né de la crise sanitaire, période durant laquelle de nombreuses solutions repas se sont lancées sur le marché, cassant la dualité du “fait-maison” ou du sandwich triangle. Des offres intermédiaires existent désormais pour alléger la charge mentale des clients, à travers des recettes saines, pré-préparées ou en kit, comme le proposent les marques Seazon ou Julienne. Le click and collect et le drive vélo, ont également été largement déployés. D’une façon générale, le magasin sort de ses quatre murs pour adopter des formats hybrides, adaptés aux quartiers et aux profils de la clientèle, selon qu’elle vive dans une zone urbaine résidentielle ou tertiaire.
PDV: À quoi ressemblera le magasin de demain ?
MPH:Il devra aller au-delà du commerce transactionnel. Les clients veulent des enseignes qui partagent leurs valeurs, dont ils se sentent proches. La dimension émotionnelle tiendra un rôle central dans l’expérience client. Dans le Monop’ de la rue de Marseille, nous proposons chaque jour un bouquet de fleurs différent, la romancière Cécile Coulon a écrit, pour Monoprix, cinq poèmes que l’on offre aux clients, et l’équipe assure un service de “personal shopper” (pour ne citer que ces quelques attentions spéciales). Au Monoprix de Montparnasse, une “place Publique”, est devenue un lieu dédié aux échanges, un dispositif créateur de lien social dans le quartier. Il accueille de manière quasi journalière artisans et associations soutenues par la marque. Récemment, nous y avons également installé un kiosque à musique qui permet de jouer du piano en “libre-service”. Cette dimension identitaire est essentielle à une époque où les urbains cherchent la singularité, l’authenticité et une forme de poésie du quotidien. La grande distribution a mis fin à une forme de standardisation du commerce. Fort de l’analyse de ces signaux faibles, ce sont tous ces nouveaux marqueurs que nous avons voulu implanter dans ce magasin-pilote avant de déployer le concept à l’automne prochain.