Le contexte macro-économique post-Covid et les tensions mondiales sur les matières premières agricoles issues de la guerre en Ukraine, poussent les entreprises agro-alimentaires comme Cofigeo à innover différemment pour faire naître de meilleures recettes et pratiques.
Philippe Lalère, directeur marketing Cofigeo:
Points de Vente: Qu’est-ce que l’innovation pour vous ?
Philippe Lalère: L’innovation joue un rôle stratégique au sein des entreprises. Elle permet à la fois de se démarquer de la concurrence, de mieux répondre aux besoins des consommateurs d’aujourd’hui et de créer de nouveaux besoins. On oublie souvent aussi que l’innovation est un levier qui permet à l’entreprise de réduire ses coûts de production et, ainsi, d’améliorer sa productivité et donc sa compétitivité. Elle joue également un rôle de catalyseur des énergies en entreprise, en permettant d’abandonner les logiques de travail en silo. En effet, la démarche d’innovation implique un travail en équipe en mixant des fonctions et des collaborateurs n’ayant pas nécessairement l’habitude de travailler ensemble. Cette cross-fertilisation enrichit les compétences de chacun bien au-delà du sujet de l’innovation et cimente les relations et la complicité professionnelle. C’est, en quelque sorte, un outil managérial puissant et de cohésion d’entreprise.
PDV: Comment décririez-vous votre process ?
Philippe Lalère:Quand on travaille avec la Grande Distribution sur des produits de grande consommation, la démarche d’innovation s’inscrit dans le cycle catégoriel / négociation commerciale : présentation entre juin et septembre des innovations produits à la GMS, intégration de ces innovations à la négociation commerciale annuelle qui se clôture en février de l’année suivante, début des référencements et donc de leur mise en place dans les magasins à partir de mars. Ce cycle structure, ainsi, les entreprises qui travaillent avec la GM, en orientant les process d’innovation et les plannings de développement.
A titre d’exemple, Cofigeo vient de lancer, en mai 2022, une nouvelle gamme de Bocaux verre micro-ondable en format individuel. Cette gamme de 6 recettes « Mon Bocal du jour » est commercialisée sous 2 marques : Raynal et Roquelaure avec 3 recettes françaises des terroirs d’aujourd’hui et Garbit, avec 3 recettes de la cuisine du Monde.
Cette innovation a nécessité plus de 2 ans de travail entre la genèse de l’idée et son lancement commercial. Tout a commencé en juin 2020 avec un brainstorming interne à Cofigeo en mixant des collaborateurs de différents service (industriel, commercial, contrôle de gestion, finance). Un mois plus tard, nous avions identifié des concepts d’innovations et nous les avons testés auprès de consommateurs potentiels. Puis, en septembre 2020, nous avons procédé au brief R&D pour le développement de recettes, au brief industriel pour la faisabilité technique et réalisé un P&L (Profit & Loss) du projet. En janvier 2021, les premières recettes réalisées ont été testées auprès des consommateurs en dégustation au laboratoire. Nous avons, dans la foulée, réalisé le premier prototype d’emballage, réfléchi au développement de l’outil d’industriel et travaillé le graphisme avec des agences de packaging. En juin 2021, les recettes et les packagings ont été validées par les consommateurs. Un mois plus tard, les innovations ont été présentées à la grande distribution. En septembre 2021, nous avons développé les outils industriels puis, en novembre, réalisé les premiers tests industriels. Enfin, en mars 2022, la première production était lancée pour une première livraison en point de vente en mai 2022.
PDV: Constatez-vous des freins à l’innovation ?
Philippe Lalère: Les idées d’innovation sont sans limite, mais leurs mises en œuvre peuvent être freinées par des aspects économiques et des problématiques liées au sourcing matière. L’environnement macro-économique issu du Covid et les tensions mondiales sur les matières premières agricoles, conséquences de la guerre en Ukraine, sont autant d’éléments perturbateurs qui freinent actuellement les stratégies d’innovation. La pénurie mondiale de moutarde et d’huile de tournesol oblige, ainsi, les industriels de l’agro-alimentaire à revoir leurs recettes en substituant ces matières par d’autres ingrédients disponibles comme l’huile de colza. Les difficultés d’approvisionnement en emballage et suremballages contraignent également les services R&D à imaginer d’autres solutions.
Enfin, l’envolée du prix de l’énergie oblige les industriels à étudier d’autres approches pour la fabrication de leurs produits. On peut parler ici d’innovations « contraintes », ou « défensives ». Mais si on se veut être un brin optimiste, ces contraintes, d’une certaine manière, nous obligent à revoir nos standards, ébranlent nos certitudes et nous poussent à innover. Du chaos peut ainsi naître de meilleures recettes, de meilleures approches productives, moins dispendieuses en énergie.