La guerre est ouverte, au moins dans une bataille de communiqués. La FCD réagit à la communication de l’Ania suite aux annonces du rapprochement de la nouvelles alliance Aura Retail à deux centrales d’achat européennes.
A la suite des annonces de la création d’Aura Retail, l’alliance aux achats sur le long terme entre Intermarché, Auchan et Casino, et de son ralliement aux centrales européennes Epic et Everest, l’Ania dénonce les pratiques des distributeurs… et la FCD répond sèchement à ses arguments en lui renvoyant certaines responsabilités. De bonne guerre, de communiqués.
Les lois Egalim menacées selon l’Ania
Avec ces annonces, l’Ania « alerte sur le scandale des centrales d’achat internationales qui menace le principe même des lois Egalim et s’attaquent à la souveraineté alimentaire française ». Selon l’Association nationale des industries alimentaires, les mauvaises pratiques de ces centrales sont réelles et désormais avérées : non-respect de la date butoir, non-respect d’Egalim et du principe fondamental de sanctuarisation de la matière première agricole. « En quelques années, elles sont devenues un péage obligatoire pour que les entreprises puissent entamer leur négociation avec leurs clients distributeurs, sans aucune valeur ajoutée pour les industriels forcés désormais de négocier la majorité de leur chiffre d’affaires hors de France et donc sous le radar de la loi française », indique le communiqué. Pour Jean-François Loiseau, président de l’Ania, « les distributeurs se plaignent des caricatures qui sont faites d’eux et pourtant, chaque jour, ils les justifient. Alors que la principale préoccupation collective devrait être de renforcer notre souveraineté alimentaire en permettant la construction du prix en marche avant tout au long de la filière alimentaire ; les distributeurs ont pour seul objectif le prix le plus bas pour grapiller quelques points de parts de marché à leurs concurrents ». Il alerte sur le fait que le problème ne concernera plus uniquement les grandes entreprises mais s’étendra d’ici peu aux ETI et PME. « Nous n’accepterons pas cette dérive », précise-t-il.
Une stratégie de diversion « bien commode » pour la FCD
Il n’en fallait pas moins pour que la FCD (Fédération du commerce et de la distribution) réagisse dans un communiqué : « Le sujet des centrales européennes est un épouvantail, une stratégie de diversion bien commode, que les plus grands industriels et leurs fédérations agite à chaque fois que leur responsabilité dans les dysfonctionnements des lois Egalim, ou toute autre disposition applicable aux relations commerciales, est pointée du doigt ».
La FCD assure que les enseignes de la distribution française qui négocient au sein de centrales européennes pour des distributeurs européens le font pour massifier leurs achats à destination de leurs marchés européens : « Elles ne négocient qu’avec les plus grosses multinationales qui, pour beaucoup, ne s’approvisionne pas ou peu auprès de l’agriculture française ». A l’inverse, elles mèneraient, selon la FCD, « des stratégies de cloisonnement et de fragmentation du marché européen, pour optimiser leurs marges en vendant plus cher dans certains pays, dont la France, au détriment des consommateurs ».
Qui contourne quoi ?
La FCD estime que ces multinationales empêchent la comparaison des prix d’achat ou la comparabilité de leurs produits en Europe, et ne donne pas la possibilité au distributeur de se procurer des produits en dehors du pays dans lequel ils doivent être revendus, alors même qu’ils sont bien souvent fabriqués dans les mêmes usines pour toute l’Europe, quel que soit le pays de livraison. « A ce titre, ce sont bien les industriels qui contournent le droit européen et le marché unique et pas les distributeurs », alerte la FCD. Selon Layla Rahhou, déléguée générale de la fédération, « d’après la Commission européenne, la fragmentation du marché européen organisée par les plus grands industriels mondiaux coûte chaque année 14 milliards d’euros aux consommateurs européens. En faisant baisser le prix des produits à faible composante agricole grâce aux centrales européennes, c’est le consommateur qui retrouve du pouvoir d’achat, et qui peut alors faire des arbitrages différents, en faveur des produits agricoles français ».
Exigence de transparence
Lorsque l’Ania affirme dans son communiqué que la « principale préoccupation collective devrait être de permettre la construction du prix en marche avant », la FCD retorque que c’est bien le message qu’elle a porté devant la mission menée par Alexis Izard et Anne-Laure Babault sur un Egalim4. « Comme la FNSEA, la FCD soutient l’idée d’instaurer une date butoir pour la négociation amont entre producteurs et industriels pour rendre effective la marche avant, avant de mener la négociation entre industriels et distributeurs », précise la FCD dans son communiqué.
La FCD tient à rappeler les propositions concrètes qu’elle porte, en particulier « l’exigence de transparence sur le prix de la matière agricole payée par les industriels aux producteurs, et ce afin de pouvoir sanctuariser cette dernière, mais pas les marges indues les multinationales. Nous appelons également à une obligation pour les industriels d’indiquer aux distributeurs, dans leurs conditions générales de vente, l’origine des matières premières qui composent leurs produits ».
Enfin, la FCD appelle à la suppression immédiate de la limitation des promotions sur les produits d’hygiène beauté : « Il s’agit d’une mesure injuste, introduite dans la loi Descrozaille pour le seul bénéfice de multinationales en situation de monopole ou de duopole sur la plupart des segments de marché concernés. Au nom de quoi les consommateurs devraient-ils payer plus cher leurs produits d’entretien, d’hygiène, ou les couches de leurs enfants ? En conséquence, les Français se privent et nous constatons chaque jour les effets délétères de cette mesure dans nos magasins ! ».
Pour Layla Rahhou, « il serait temps que les multinationales cessent de se draper dans le prétexte de la défense du monde agricole, alors qu’elle ne protège en réalité ni les agriculteurs, ni les consommateurs durement frappés par l’inflation, mais bien leur seule marge ».
C.B.