Les lignes bougent. Sous la pression conjuguée des dispositifs législatifs et des exigences accrues des consommateurs, les entreprises font la chasse au plastique. Réduction, réemploi, recyclage sont au cœur des préoccupations. Avec des innovations technologiques qui pourraient changer la donne.
Par Catherine Batteux
Prix bas, propriétés fonctionnelles indéniables, polyvalence, performances élevées, faible poids, meilleure conservation des aliments et donc réduction du gaspillage alimentaire. Avec ses nombreux avantages, le plastique est devenu incontournable. Il est partout. Y compris, et surtout, dans les océans. Selon la Fondation Ellen MacArthur, chaque année, au moins 8 millions de tonnes de plastiques se frayent un chemin jusqu’aux écosystèmes marins, ce qui équivaut à décharger, chaque minute, un camion poubelle en mer. Si rien n’est mis en œuvre, ce nombre passera à 2 par minute, d’ici à 2030, et à 4 par minute, d’ici à 2050. Les estimations de la Fondation indiquent que ce sont les emballages plastiques qui constituent la plus ample part de cette pollution. D’après les recherches les plus poussées disponibles, les océans contiendraient, aujourd’hui, plus de 150 millions de tonnes de plastiques. De son côté, le rapport de l’Ademe, publié en mars 2020, sur la Lutte contre la pollution par les déchets plastiques en milieu marin, souligne que l’estimation des quantités de déchets plastiques présentes dans l’environnement est difficile : “De nombreux travaux scientifiques existent sur le sujet, mais les stratégies d’échantillonnage, les méthodes de mesure ou encore les types de plastiques étudiés sont hétérogènes, aboutissant à des résultats très variés et parfois non comparables.” Ainsi, les estimations mondiales des flux de plastiques arrivant jusqu’aux océans fluctuent entre 0,7 et 12,7 millions de tonnes de plastiques par an. Les sources sont diverses. Elles peuvent être issues de la production de plastique (perte de granulés plastiques industriels), de la consommation (pertes, incivilités), de la gestion des déchets (absence ou défaut de solution, eaux usées). Toutes les activités économiques y contribuent et tous les compartiments de l’environnement sont concernés (eau, air et sols).
Boom des larmes de sirène Ce qui est certain, c’est que cette pollution des écosystèmes marins s’accentue. Selon une étude publiée début septembre dans la revue Microplastics and Nanoplastics, du groupe Nature, il flotterait dans l’océan au niveau mondial cinq fois plus de particules de microplastiques – baptisées larmes de sirènes – que ce qu’estimait la communauté scientifique en 2015. Il y aurait, ainsi, 24,4 trillions de particules en suspension dans les océans, soit entre 82 000 et 578 000 tonnes. S’il manque des éléments en provenance de l’océan Indien occidental et de la mer de Chine méridionale, l’étude estime que l’Asie du Sud, du Sud-Est et la Chine génèrent environ 68 % de tous les déchets plastiques mal gérés dans le monde. Même constat du côté de l’évaluation publiée quelques jours avant le début de la COP26 par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) : la pollution plastique qui pénètre dans les écosystèmes aquatiques a fortement augmenté ces dernières années et devrait être multipliée par deux d’ici à 2030, avec des conséquences désastreuses pour la santé humaine (ingestion via les aliments, inhalation…), l’économie mondiale (tourisme, pêche, aquaculture, opérations de nettoyage…), la biodiversité et le climat (émissions de gaz à effet de serre passant de 1,7 gigatonne d’équivalent CO2 en 2015 à 6,5 Gt éq CO2 d’ici à 2050). Les auteurs mettent en doute la solution de recyclage comme moyen de parvenir à sortir de la crise de la pollution plastique. Ils mettent aussi en garde contre les alternatives néfastes aux produits à usage unique et autres produits en plastique, comme les plastiques biosourcés ou biodégradables, qui représentent, selon eux, actuellement, une menace chimique similaire à celle des plastiques conventionnels. Le rapport examine les défaillances cruciales du marché, telles que le faible prix des matières premières fossiles vierges par rapport aux matériaux recyclés, les efforts non coordonnés dans la gestion informelle et formelle des déchets plastiques, et l’absence de consensus sur les solutions au niveau mondial. Globalement, le plastique représenterait 85 % des déchets marins. Selon les prévisions de l’évaluation, d’ici à 2040, les volumes de pollution plastique qui se déversent dans les océans devraient être multipliées par trois, ajoutant 23 à 37 millions de tonnes métriques de déchets plastiques dans les zones marines par an. Soit environ 50 kg de plastique par mètre de côte dans le monde. Et la crise sanitaire a encore aggravé la situation, entraînant une demande accrue de plastiques à usage unique. Selon une étude du Scripps Institution of Oceanography de l’université de San Diego, la pandémie aurait généré 8 millions de tonnes de déchets plastiques supplémentaires au niveau mondial, le secteur hospitalier étant de loin la principale source (87,4 %).