Après une année noire pour l’industrie du tourisme et du voyage en 2020, une timide reprise s’amorce en 2021, sur un secteur toujours pénalisé par les restrictions de déplacements à l’international. Le shopping en gare ou en aéroport, autrement appelé “travel retail”, peine à se relever. Les leviers de croissance sont toutefois nombreux sur un marché largement tiré par la consommation asiatique et dont l’ouverture au monde ouvre sans cesse un champ des possibles. En outre, la crise a été l’occasion d’ajuster l’offre aux nouveaux désirs des consommateurs mais également de définir une autre vision du voyage.
Par Cécile Buffard
La croisière ne s’amuse plus. La compagnie MSC Croisières annonce avoir retrouvé un niveau d’activité d’environ 40 % d’un été normal au cours de la saison estivale 2021, avec une jauge de passagers bloquée à 70 % de sa capacité maximale d’accueil et le pass sanitaire obligatoire. Le trafic aérien international accusait, quant à lui, une baisse de 60 % en juillet 2021 comparé à 2019, avec une fréquentation en recul de 91 % entre l’Asie et l’Europe, de -92 % entre l’Asie et l’Amérique du Nord et de -85 % entre l’Asie et le Moyen-Orient. En Europe, les chiffres divergent selon les pays – la Grèce a retrouvé 85 % du trafic réalisé en 2019 tandis que l’Angleterre ne dépasse pas 14 % – et en fonction des restrictions sanitaires nationales. La France et l’Italie, les plus dépendants des vols courriers vers l’Asie et les États-Unis sont les plus impactés. Le niveau du trafic enregistré dans les aéroports français cet été s’établit à 36 % de son activité habituelle. Selon ADP, en juillet et en août dernier, Roissy-CDG et Orly ont accueilli 10,8 millions de passagers. Soit deux fois plus qu’à l’été 2020 où ils avaient accueilli 5,8 millions de passagers, mais deux fois moins qu’en 2019. Le PDG d’ADP Augustin de Romanet estime que le retour complet à la normale du trafic aérien se ferait à “moyen-terme, entre 2025 et 2027.” Malgré une reprise des marchés domestiques aériens, dont un rebond des déplacements en Russie de + 33 % comparé à
2019 et un redressement de l’activité en Chine (-11 %) et en Amérique du Nord (-15 %) sur un marché mondial en baisse de 22 %, les incertitudes qui continuent de peser sur le contexte sanitaire mondial conduisent le cabinet de conseil et d’audit KPMG à n’anticiper une reprise du transport aérien international qu’à partir de 2023. Le travel retail étant étroitement lié aux déplacements des personnes (les aéroports, gares, bateaux, hôtels et commerces frontaliers sont les différents canaux de ce marché), la baisse de fréquentation des lieux de transit impacte lourdement les opérateurs. “Quand les aéroports, qui représentent plus de 50 % du travel retail, se mettent à tousser, c’est tout le marché qui est malade”, résume Jean-Marc Liduena, senior partner chez KPMG. En clair, sans travel, il n’y a pas de retail. Estimé à 80 Mds$ en 2019, le marché devrait connaître une croissance annuelle moyenne de 15 % jusqu’en 2028, pour atteindre entre 145 et 160 Mds$. À condition que 2021 renoue avec son niveau d’avant-crise.
Année noire pour le retail L’Asie Pacifique capte en effet 45 % du chiffre d’affaires global du travel retail, avec une croissance de 10 % portée par la Chine, Hong Kong et la Malaisie. À eux seuls, les voyageurs chinois pèsent 50 % des dépenses en produits de luxe. Au regard de ces chiffres, l’on comprend à quel point l’absence de la clientèle asiatique qui ne voyage plus hors les murs depuis
l’éclatement de la crise Covid freine la relance du marché. Si 2020 a été une année noire pour le retail, 2021 porte les stigmates de la pandémie. L’an dernier, les opérateurs du travel retail ont vu leur chiffre d’affaires chuter de 70 %. Les marques de beauté, premier segment de croissance du marché sur-représenté par les marques du groupe français LVMH, ont perdu 20 %. Lagardère Travel Retail (Aelia, ByParis et Relay) a publié un chiffre d’affaires pour le premier trimestre 2021 s’élevant à 341 millions d’euros, soit une baisse de 57,6 % (- 56,1 % en données comparables). En France, l’activité a baissé de -59,7 %, en raison du renforcement des mesures de restriction des déplacements domestiques. “La crise a produit trois effets induits : d’une part, la chute du trafic aérien et du nombre de passagers, dramatique pour les commerçants ; la guerre des prix et promotions entre enseignes ; et l’accélération incroyable du digital dans le travel retail”, constate Jean-Marc Liduena. À Singapour, la fermeture des magasins physiques en centre-ville a privé les retailers de l’aéroport Changi des mécanismes d’incitation pour encourager la conversion en acte d’achat et augmenter le trafic (une collecte de tickets dans les magasins de la ville qui offrent des crédits à dépenser exclusivement à l’intérieur de l’aéroport). Résultat, dans les boutiques, c’est la grande braderie, pour écouler les invendus.