Changement de paradigme. Avec la flambée des prix de l’énergie, les entreprises du commerce subissent une nouvelle crise. Déjà sous tension alors qu’elles abordent la fin de l’année où se joue leur Ebitda, elles doivent apprendre à vitesse accélérée, contraintes et forcées, le passage de l’efficacité à la sobriété énergétique. Un mur infranchissable pour certaines d’entre elles. Par Catherine Batteux
Mouvements des gilets jaunes fin 2017, grèves SNCF de décembre 2019, crise sanitaire, tensions des chaînes d’approvisionnement, guerre en Ukraine, inflation… les crises se succèdent sans répit pour les acteurs du commerce. En 2022, c’est une crise énergétique qui prend le relais avec une flambée des prix de l’énergie qui touche de plein fouet un secteur déjà fragilisé avec, à la clé, une demande de plus en plus morose. “Cela fait déjà 4 années d’activité durablement impactées sans discontinuer”, alerte Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, la fédération du commerce organisé. “C’est un peu la goutte d’eau qui fait déborder le vase dans un environnement déjà extrêmement chahuté par le Covid, les arriérés de loyers ou encore les conditions météorologiques”, ajoute Sophie Barbé, associée EY-Parthenon en Retournement & Restructuration. “La crise énergétique actuelle n’est pas uniquement conjoncturelle : la hausse des prix de l’énergie a commencé avant la guerre en Ukraine, dès la fin de l’année 2021”, estime, de son côté, Adrien Virolleaud, directeur marché retail intégré chez GreenFlex. Selon lui, c’est plutôt la reprise économique post-Covid qui a entraîné une hausse de la demande avec, en face, des capacités de production d’énergie globalement stagnantes avec un peu plus d’énergie renouvelable, mais un peu moins d’énergie nucléaire (parc vieillissant, moins disponible). “Donc, forcément, cela crée une tension sur le marché”, ajoute-t-il. À ce décalage entre offre et demande s’ajoute, notamment, la guerre en Ukraine qui induit des tensions sur le marché du gaz et, du fait de la structure du marché de l’énergie, également sur l’électricité.
Une flambée insoutenable des prix de l’énergie
Et les chiffres parlent d’eux-mêmes. La filière alimentaire et de produits de grande consommation (Ania, Ilec, Feef, Insea, FNSEA, La Coopération Agricole, Perifem) dénoncent, dans un communiqué commun, début octobre, l’explosion des factures d’électricité et de gaz qui vont être multipliées par 3 dès 2023 par rapport à 2022, et par 5 par rapport à 2021, voire plus : “Les prix sont, en général, négociés pour 3 ans pour les professionnels. On estime que les hausses de contrat, en fonction des dates de négociations, s’étaleront entre + 50 % et + 800 % !” Même constat du côté du CdCF (Conseil du Commerce de France) et de ses fédérations qui tirent la sonnette d’alarme sur les augmentations intervenues dans les contrats récents de fournitures d’énergie conclus par les acteurs du commerce : “On a assisté à une multiplication allant jusqu’à 4 fois des factures. Et les prévisions à venir sur les prix sont très alarmistes puisque des coefficients fois 5, voire fois 15, sont déjà proposés par les fournisseurs d’énergie.” Même le gouvernement, qui présentait le 27 octobre dernier, l’évolution du dispositif de soutien de l’État aux entreprises face à la hausse des prix de l’énergie en a convenu : “Pour 2023, les perspectives de prix se maintiennent à un niveau très élevé sur tous les marchés de l’énergie, marquées par une forte incertitude liée au contexte de guerre en Ukraine, par la disponibilité limitée du parc nucléaire français et par l’effet de la sécheresse sur les ressources hydroélectriques.” Les ministres ont rappelé “que les prix sur les marchés du gaz et de l’électricité pour des livraisons en 2023 sont toujours à des prix près de 10 fois supérieurs à ceux de 2020 (550 €/MWh en électricité, 160 €/MWh en gaz). L’ampleur de ce choc nous conduit à renforcer les mesures de protection à la fois au niveau européen et national, en particulier pour