Ne pas disposer d’entrepôt pour stocker sa marchandise n’est plus un obstacle au commerce en ligne.
Via le dropshipping, il est possible de générer des ventes, sans posséder les articles en propre. Donc, sans risque de se retrouver avec des invendus à écouler. Comme sur le modèle de la marketplace. À quelques différences près. Le principe est simple. Et schématique: l’internaute passe commande sur un site marchand. Une fois la commande enregistrée, le vendeur achète le produit auprès de son fournisseur ou grossiste, en lui renseignant l’identité et l’adresse du client final, pour qu’il se charge, lui-même, de l’expédition du colis. Avec deux chemins possibles: soit le distributeur reçoit les commandes et fixe la quantité à fabriquer au fournisseur. Dans cette configuration, les coûts de surstocks lui sont imputés. Soit le fournisseur reçoit directement les commandes passées par les internautes du e-commerçant, et détermine les quantités à produire, prenant à sa charge les coûts logistiques. Dans les deux cas, le e-marchand devient l’interface de la relation client, sans avoir à établir ni à acheter son stock, à l’avance. De fait, il ne va pas avoir besoin d’immobiliser de la trésorerie. Le cybermarchand élargit son catalogue en mettant à jour les fiches produits via les informations que le fournisseur lui aura communiqué. En parallèle, il réinjecte l’argent épargné pour travailler son référencement ou investir sur des canaux d’acquisition pour développer son e-shop. La gestion des stocks est alors externalisée par des flux informatiques entre le fournisseur et le revendeur. Autre atout: la rapidité d’accès au marché. “Un fabricant de stylo-plumes entre en relation avec les acteurs de la grande distribution et les enseignes spécialisées. Pour y faire référencer son produit, il signe des engagements de volume auprès de la centrale d’achat. Ensuite, il lui faut déployer une force commerciale itinérante sur l’ensemble des magasins locaux de la chaîne pour les convaincre de le commercialiser. Puis constituer l’enveloppe financière afin d’être présent dans le prochain catalogue de l’enseigne. C’est une procédure longue et coûteuse”, illustre Stéphane Poirier, fondateur de la plateforme EcoPresto. Pour certains acteurs, le modèle “private label shipping” du dropshipping, où le colis présente les informations du distributeur, comme l’adresse de retour et le logo, représente la majeure partie de leur business model. Comme pour la société SXT Scooters, spécialisée dans la fabrication et la distribution de trottinettes et de scooters électriques, qui transite plus de la moitié de ses commandes en dropshipping. Mais les TPE et les PME ne sont pas les seules à s’intéresser à ce modèle. Enseignes et industriels, en quête de souplesse, en ont saisi les bénéfices. Des plateformes de logistique font du “fulfillment intégral”: l’expédition des colis est administrée par une société tierce, pour automatiser les envois et les retours de commande.
Intermédiation des flux
Car elles seraient une échappatoire aux contraintes quantitatives et tarifaires telles qu’elles existent dans les centrales d’achat et, plus généralement, dans le système de vente traditionnel. “Les fournisseurs qui sont habitués à travailler avec la GMS ou la GSS, livrent des volumes de palettes et pas de petites quantités. L’offre et la demande ne savent pas communiquer. Pour les faire se rencontrer, ces mêmes fournisseurs se tournent vers une marketplace, soit dans une logique B to B ou B to C, en payant des commissions tout en concourant dans une course au prix”, témoigne Stéphane Poirier. C’est de ce constat qu’est né EcoPresto, au business model identique à celui des places de marché, avec le prélèvement de commissions sur les transactions. À la différence que la plateforme multidiffuse l’offre. Sur le principe du commerce connecté, elle permet de se brancher aux systèmes informatiques des industriels ou grossistes, pour récupérer dans leurs ERP, les données sur les produits. Les informations sont ensuite ventilées par un système de flux vers le back-office des revendeurs e-commerce. Alors, lorsque le client achète sur le site du e-marchand, la commande est visible automatiquement dans le système informatique de l’industriel qui met en expédition le colis pour le client final. En utilisant ce type de plateforme de gestion de données, les fournisseurs pilotent la répartition des commandes dans sa globalité, avec une gestion personnalisée de leur réseau de distribution. Sans risquer de doubles saisies des commandes, grâce à l’automatisation des flux informatiques. Ils ont aussi un accès en temps réel au volume de vente. À travers ce dispositif, le premier maillon de la chaîne se réapproprie la distribution, par la gestion d’un écosystème de e-commerçants. Comptant 250 revendeurs, 1?013 marques et 60 fournisseurs, EcoPresto travaille, aussi, avec des réseaux de boutiques physiques multicanales: “Dès lors que la fiche produit et le niveau du stock sont enregistrés sur la plateforme, nous envoyons ces données sur un site de e-commerce, sur une borne en magasin ou une caisse connectée. Ce qui permet à l’enseigne de s’affranchir des marketplaces qui fonctionnent, en un sens, comme des centrales d’achat, ajoute-t-il. Avec le dropshipping, le fournisseur gère l’image de sa marque et de sa communication, en poussant des actions marketing sur l’ensemble de ses points de vente connectés”. Encore peu présentes en France, ces plateformes sont déjà bien implantées outre-Atlantique. À l’instar de Doba qui compte 2 055 360 produits, de Drop Ship Access (1 889 735), ou de SaleHoo (1,6 million). Quand EcoPresto en recense 41 224.
Vers une industrialisation?
Ce grand écart s’explique, d’abord, par le degré de maturité du marché. En France, le poids du e-commerce dans les ventes de détails, hors alimentaire, s’élève à 9% en 2015 (Fevad-Insee), l’Hexagone reste à la 6e place dans le classement mondial des marchés virtuels. Les États-Unis sont seconds, derrière la Chine. (Remarkety). Conséquence: les systèmes de mise en relation entre fournisseurs et e-marchands sont coutumiers aux États-Unis, en Chine, et dans certains pays européens. Moins en France. “Il n’existe pas assez d’entités sur notre marché qui permettent d’automatiser la gestion des achats et des ventes. Alors qu’aux USA le dropshipping représente 53% des échanges sur le e-commerce. Autrement dit, quand vous achetez un produit à un cybermarchand américain, il y a une chance sur deux pour qu’il soit livré par un fournisseur, et non par le e-commerçant auquel vous avez passé commande”, explique Antoine Dematté, fondateur de TouchMods. Cette lente démocratisation du dropshipping repose, aussi, sur la notion de confiance. Certains revendeurs sont frileux de vendre des produits sans en connaître la qualité. Un pas culturel à franchir pour les 164 200 e-marchands actifs français qui doivent, parfois, jouer sur la longue traîne de l’offre produit. Car si le futur du e-commerce consiste à vendre moins d’articles unitaires, mais davantage de produits complémentaires pour générer du trafic supplémentaire et être visible sur la toile, l’aventure commerciale en dropshipping se laisse tenter. À moindre risque.
Dropy: Le dropshipping entre e-commerçants
Sortir du schéma fabricant > grossiste > revendeur > acheteur. Et proposer une solution transversale mettant en relation les e-commerçants. C’est l’objectif de Dropy, imaginé par les équipes de la startup montpelliéraine TouchMods. Cette première plateforme de dropshipping entre e-commerçants offre un double intérêt: le marchand se connecte, ajoute son catalogue à l’aide d’un plugin et le partage pour permettre à ses homologues de commercialiser ses propres produits. Et vice et versa: d’autres cybermarchands pourront “piocher” des produits qui ne leur appartiennent pas, pour les commercialiser sur leur boutique en ligne. La livraison s’effectue par le e-commerçant qui détient la marchandise dans son stock. “Notre système consiste à développer le site du e-marchand sur le modèle d’une marketplace, sans les contraintes d’intégration. Gratuit, Dropy ne fonctionne qu’à la performance, avec une commission sur les ventes générées, explique Antoine Dematté, le fondateur. C’est aussi un moyen de faire émerger plus fortement le dropshipping en France, en “disruptant” la relation classique fournisseur/grossiste. Les constructeurs accèdent à leur spectre de réseaux de revendeurs, sans passer par un intermédiaire”. Actuellement en test, la commercialisation de Dropy est prévue début 2016.