Tout comme les restaurants, les magasins ont leur face cachée. Les dark stores commencent à fleurir dans les centres-villes et les centres commerciaux, à mesure que la logistique urbaine se développe. “La demande en livraison qui vient compléter les services de click and collect et la vente physique nécessite de rapprocher la base logistique des enseignes des habitations”, constate Cyril Zaprilla, Head of Retail Investment France chez BNP Paribas Real Estate. Le boom de la logistique urbaine, corollaire du e-commerce (passée de 9,8 % à 13,4 % en 2020), requiert la création de nouveaux mètres carrés dédiés à ces activités. “Les pieds d’immeubles délaissés, les anciens parkings, les sous-sols ou les magasins mal conçus ou situés sur des axes secondaires sont autant de surfaces idéales pour accueillir un dark store”, ajoute le directeur. La crise sanitaire devrait accélérer le mouvement. “Si l’on considère qu’environ 20 % des surfaces commerciales pourraient devenir vacantes, l’on peut imaginer un transfert de mètres carrés du commerce vers la logistique”, anticipe Emmanuel Cloërec, directeur d’Eol, qui constate la montée en puissance des dark stores en France, avec l’arrivée de nouveaux réseaux (Gorillas, Frichti, Flink, etc.) dont certains sont même directement développés par des retailers, à l’image de Franprix. “On commence à voir des opérateurs tels que Mondial Relay et In Post, installer, à l’instar d’Amazon, des casiers dans les centres commerciaux ou les retail parks”, affirme Christian Dubois, Head of Retail Services chez Cushman & Wakefield qui précise que l’interpénétration des marchés retail et logistique s’opère sur des emplacements numéro 1bis ou 2.
Discrétion sur les transactions
Le phénomène des dark stores a été initialement impulsé par le développement des drives piétons tout en s’en distinguant dans la forme. “Les drive piétons sont généralement des boutiques de 80 à 100 m2, dessinées comme un magasin tandis que les dark stores ressemblent à de petits entrepôts sans vitrine ni façade”, indique-t-il. S’il observe que la demande de dark stores s’est accélérée ces dix derniers mois, il se pose, toutefois, la question de la profondeur du marché. “Les dark stores, en livrant les centres urbains au moyen de véhicules électriques, sont en mesure de couvrir une zone de chalandise très large, ce qui limite le développement de nouveaux concepts”, admet-il. Par ailleurs, les opérateurs qui souhaitent se lancer sur ce créneau doivent avoir une forte culture logistique ou, a minima, s’associer avec un logisticien. Pour Christian Dubois, la discrétion qui entoure les transactions sur ces emplacements, tout particulièrement dans les centres commerciaux, tient à la valeur locative dégradée de ces actifs. “L’apparition des darks stores s’inscrit dans une stratégie d’évitement de la vacance. Pour des actifs commerciaux, comme les retail parks, où la valeur locative est assez faible, le delta est encore jouable, ce qui n’est pas le cas d’un centre commercial. Il faut une maturité pour acter une baisse de 150 euros/m2 à 75 euros/m2 sur son portefeuille d’actifs”, explique le directeur. Pour cette raison, nombreux sont les propriétaires qui préfèrent laisser leurs locaux vides plutôt que de faire baisser leur valeur faciale locale et impacter leur ERV (estimate rental value). Pour le moment.