Dernière ligne droite avant Noël, dans un climat de reprise freinée par une sévère crise logistique et sur fond de rebond épidémique. Avec une partie de leurs commandes bloquées dans les ports ou sur les sites de production chinois, les retailers doivent arbitrer, à quelques semaines des fêtes de fin d’année. Cette crise de la supply chain n’est que la partie immergée de l’iceberg : les relations géopolitiques, la crise sanitaire qui continue de sévir dans le monde, la pénurie de matières premières et un marché du fret maritime en ébullition sont autant de facteurs de tensions sur la chaîne logistique entre l’Europe et l’Asie.
Par Cécile Buffard
Des bateaux chargés de leur cargaison bloqués à quai des ports chinois, des panneaux d’armoires qui ne peuvent être montés faute de vis, ou encore, des jouets électroniques manquant à l’appel : dans l’ombre de la crise sanitaire, la crise logistique vient plomber le climat de reprise qui s’installait depuis la rentrée. Le phénomène n’est pas nouveau : connu des acteurs de la logistique et des retailers, il a couvé durant des mois avant d’exploser à la fin de l’été, aggravé par les effets rebours de la pandémie. L’année 2020, marquée par ses confinements successifs, a vu exploser le taux d’épargne des particuliers. Selon l’OCDE, entre 2019 et 2020, il a doublé en Europe et aux États-Unis, et même multiplié par trois au Royaume-Uni, s’établissant, respectivement, à 14 % du revenu disponible des ménages européens, 16 % du revenu des ménages américains et 20 % des ménages britanniques. Le télétravail a, en outre, créé de nouveaux besoins en matière d’équipements technologiques et d’ameublement. “Les pays se sont retrouvés avec d’énormes liquidités accumulées pendant 18 mois à dépenser, avec de nouveaux besoins accentués par le télétravail, faisant progresser de façon phénoménale les demandes d’importations depuis la Chine”, explique Adel Ouederni, associé EY en charge de l’activité supply chain, opération et manufacturing. En moins d’un an, les besoins en transports maritimes ont explosé sur l’axe Asie-USA en particulier, provoquant un déséquilibre total sur les flux logistiques mondiaux.
Des infrastructures portuaires saturées
À la désynchronisation des flux entre l’Asie, les USA et l’Europe, s’est ajoutée une problématique de capacité de transport. “Avant la crise, de moins en moins de conteneurs étaient mis en production et de plus en plus ont été mis au rebut, faisant diminuer le solde entre 2020 et 2021. En outre, les commandes de bateaux et les chantiers de construction navale ont été mis à l’arrêt durant la pandémie et n’ont pas pleinement repris leurs activités au rythme d’avant crise en 2021”, observe Adel Ouederni. La politique stricte de la Chine en matière de protection sanitaire a aggravé les choses en faisant fermer deux ports, à Hong-Kong et Shenzhen, deux hubs logistiques critiques pour le commerce maritime mondial, pour cause de cas de contamination à la Covid-19. La dérive du porte-conteneurs Ever Given dans le Canal de Suez, pris dans une tempête de sable, en mars dernier, n’a fait qu’accroître la tension sur une chaîne logistique déjà saturée. “Il y avait 50 navires en attente de chargement dans les ports chinois en août, puis 66 en octobre, auxquels se sont ajoutés les 38 bateaux bloqués par l’Ever Given”, calcule Julien Dutreuil, associé chez Bartle qui signale que le gouvernement chinois a demandé à la population de faire des stocks de nourriture le 2 novembre dernier, en prévision des ruptures de stocks à venir. Si la situation se débloque peu à peu, les infrastructures portuaires saturées ont encore du mal