Susciter le désir en pleine crise est un défi pour le retail. Si le luxe a pris de l’avance sur l’expérience client et l’effet waouh, sur d’autres segments, des commerçants inspirés développent des concepts inédits, n’hésitant pas à se renouveler, parfois se réinventer. Avec un mot d’ordre (ou trois) : soigner le service sur tous les canaux, oser l’innovation et l’immersion dans un univers de marque et intégrer les nouvelles aspirations des consommateurs. Résultat : le magasin n’a jamais été un lieu aussi vivant et créatif. Et cela change de la sempiternelle guerre des prix… Par Cécile Buffard
En plein mois de novembre, une file d’attente se crée devant l’appartement Sézanne & Octobre, rue Papassaudi, à Aix-en-Provence. Pour réchauffer les courageux qui patientent depuis un quart d’heure devant la boutique, une vendeuse leur apporte un gobelet de chocolat chaud. Cette scène a probablement eu lieu aussi à Paris, Lyon, Lille ou Bordeaux : les adresses françaises de la marque de mode Sézanne, créée en ligne en 2013 par Morgane Sézalory. Pourquoi un tel engouement, confinant au masochisme, de la part des consommateurs, pour une enseigne de prêt-à-porter, à l’heure même où tant de boutiques du même univers ont tiré le rideau, ces dernières années ? Parce que dans le commerce, les concepts se suivent mais ne se ressemblent pas. La petite griffe Sézanne est l’une des étoiles françaises montantes du web, à l’image d’Asphalte, de Balzac Paris, ou encore, du Slip Français. Son secret : bâtir une communauté de fidèles et jouer l’effet de rareté en limitant sa distribution. Créant ainsi le sentiment d’appartenir à un cercle de clients privilégiés. Dans un climat économique tendu, où les arbitrages font, le plus souvent, pencher la balance vers les petits prix et les promotions, ne pas céder à la tentation de la grande braderie relève de la gageure. Tout comme rester loyal envers ses valeurs et ses engagements de départ. Et pour cause, dans un monde où tout change, très vite, il est difficile, pour les commerçants, de maintenir le cap. « L’enjeu pour les retailers est d’intégrer les aléas du temps court dans une stratégie à long terme », résume Nicolas Venturini, directeur général adjoint de Lonsdale. Avant d’ajouter : « c’est la fin des concepts rigides et standardisés. Il faut créer des espaces évolutifs et réversibles, où rien n’est gravé dans le marbre et tout est adapté aux réalités du terrain », soutient-il, prônant l’agilité et une logique d’amélioration continue. « Après avoir traversé le Covid, vu éclater la guerre en Ukraine, puis l’inflation, les commerçants ne peuvent plus se permettre de ne pas être prêts face à l’imprévisible. Une notion à considérer dès la conception du point de vente, sans, pour autant, perdre de vue son identité et sa mission », analyse-t-il.
Pop-up stores : sources de créativité
Alors que les marques de luxe enregistrent des résultats records, à l’opposé du spectre, le montant du panier moyen alimentaire est à la baisse, révélant une antinomie – si ce n’est une schizophrénie – des ménages français. « Les marques qui font preuve d’efficacité, d’intelligence et de créativité parviennent à tirer leur épingle du jeu », assure Jérémy Dahan, président du de Globe Groupe. Selon ce dernier, la plus grande évolution retail qui s’est imposée ces dernières années est le pop-up store, devenue une étape incontournable du développement des enseignes et attestant de leur capacité à sortir du magasin pour aller à la rencontre de consommateurs hyper qualifiés. « Non seulement, sur le plan économique, cela permet aux enseignes de tester un concept marchand en quelques mois sans s’engager dans la durée ni avoir à mener des études d’impact et de trafic, mais encore, la dimension éphémère du commerce génère un effet de nouveauté », souligne le président. Le fabricant de voiture électrique de luxe Tesla a ainsi troqué sa traditionnelle concession pour un espace de démonstration à l’intérieur du centre commercial Parly 2. De la même façon, les célèbres tongs et sandales Havaianas ont pris l’habitude