Agriculteurs partenaires, cahier des charges rigoureux, contrôles des plantes auprès de laboratoires indépendants, débactérisation et… art de trouver le mélange parfait… Petite visite du terrier haut-savoyard de Yodie et Grison par Richard, maître infuseur depuis 20 ans.
Par Florence Dalmas
Yodie et Grison. Le nom ne vous dit peut-être rien, mais il y a de fortes chances qu’elles trônent dans vos rayons, et peut-être dans votre cuisine. « Elles », ce sont les 2 Marmottes, égéries du packaging de l’entreprise éponyme, dont l’identité est déclinée sur tous les emballages de la marque, depuis sa création, en 1976. Et bien qu’une forte acuité visuelle soit de mise pour repérer le patronyme des deux rongeurs, ces quelques lettres sont loin d’être un détail. « Il y a plusieurs années, l’un des dirigeants avait enlevé les noms des marmottes. Dans la foulée, nous avons reçu plusieurs appels de consommateurs qui insistaient pour que nous le remettions ». Dont acte, puisque les noms ont réintégré l’emballage, pour ne plus le quitter. L’anecdote est contée par Richard, maître infuseur depuis plus de 20 ans dans l’entreprise haut-savoyarde. Il nous accorde sa matinée pour nous présenter l’outil de production et nous faire voyager au cœur du « terrier » dont la dernière extension, en 2023, porte la surface à près de 6 000 m2.
Qualité : les plantes en quarantaine
Là, avant tout processus de transformation, un premier contrôle entre en jeu. Un échantillon statistiquement représentatif est prélevé, et envoyé à des laboratoires indépendants. Dans le radar, d’éventuelles falsifications, des traces de métaux lourds, d’oxyde d’éthylène, de pesticides, ou tout autres critères ne correspondant pas au cahier des charges particulièrement rigoureux de l’entreprise. Le thé serait-il – à l’image du miel – un produit particulièrement contrefait ? Réponse sans appel du maître infuseur : « Je n’ai jamais eu vent de contrefaçons récurrentes, ou de problèmes majeurs sur l’ensemble du secteur. Nous concernant, c’est encore plus rare, car nos agriculteurs partenaires travaillent avec nous depuis plusieurs générations pour certains. Mais nous nous devons d’être intransigeants sur les principes de précautions. » Après un arrêt forcé en quarantaine (environ 3 semaines – 1 mois pour obtenir tous les résultats), les plantes, encore entières, passent au premier atelier. On y trouve deux machines, une coupeuse et une broyeuse, d’où sortiront des big bags de 250 kg.
Débactérisation
Au deuxième atelier, c’est encore un processus sanitaire qui fait foi, avec la débactérisation. Concrètement, le quart de tonne est versé dans une cuve mise sous vide, dont l’injection de vapeur déclenche un choc thermique. Bien que, bactériologiquement parlant, les bactéries soient éliminées dès 73 degrés, la température avoisine les 85 degrés, pour donner plus de marge. Le tout contrôlé par plusieurs écrans abreuvant les opérateurs de chiffres et de courbes. À la fin de cette étape, les sacs de 250 kg sont divisés en plusieurs contenants de 20 kg, pour rendre plus aisée l’opération suivante, le mélange.
Trouver l’équilibre parfait
Car jusqu’ici, le produit est resté une plante unique, sans le mélange caractéristique des thés et infusions. C’est donc dans ce 3e atelier de production que l’on se rapproche du produit fini. Dans le « mélangeur », opérateurs et maîtres infuseurs vont paramétrer les différents mariages qu’ils souhaitent, pour arriver à l’équilibre idoine. Bien que le mélangeur produise plusieurs sacs, un premier test gustatif est réalisé dès la première sortie, afin d’entamer des actions correctives, si nécessaire, depuis le paramétrage initial. « Nous sommes l’un des rares acteurs du marché à n’utiliser aucun ajusteur de goût artificiel. Il est donc nécessaire de faire un premier test, car si le goût n’est pas conforme à nos attentes, et que nous avons déjà produit une dizaine de sacs, il n’y a pas de retour en arrière possible », précise Richard. Après la validation des qualités organoleptiques, une nouvelle vérification au laboratoire s’impose avant que les herbes puissent monter dans la zone de conditionnement et d’emballage.
17 points de contrôle
C’est ici que les compositions de plantes sont mises dans le papier filtre, puis dans leur boîte contenant 30 unités. Pour rappel, Les 2 Marmottes ont banni les agrafes, afin de limiter au maximum leurs emballages et leur empreinte environnementale. Ensuite, une opératrice vérifie toutes les 30 minutes la conformité des boîtes : nombre de sachet, qualité du sellage, présence éventuelle de particules métalliques… Soit pas moins de 17 points de contrôles répertoriés pour éviter tous litiges avant d’acheminer les boîtes vers les centrales d’achat, les hubs logistiques et les magasins de certains adhérents commandant en direct.
Nos derniers pas dans le « terrier » nous conduisent devant une autre ligne de production sur laquelle des opératrices préparent les commandes passées directement sur le site par les particuliers. Un circuit moins anecdotique qu’il n’y paraît : « En période hivernale et festive, il nous arrive de dépasser les 1 000 commandes par jour », abonde l’une des opératrices.
En toute saison, à tout moment
Bien que les températures soient en dessous de 0 en cette journée de janvier, une question plus structurelle nous taraude : avec des hivers de plus en plus doux (euphémisme pour désigner le réchauffement climatique), le secteur dans son ensemble peut-il encore être ambitieux ? « Nous essayons, justement, de sortir du paradigme qui voudrait que les thés et infusions se boivent par des températures fraîches, précise Alexandra Leroy, la directrice marketing. (ayant aujourd’hui quitté l’entreprise, NDLR) Chez moi – notre interlocutrice est d’origine anglaise – le thé et les infusions se consomment toute l’année, sans lien avec la température. C’est également le cas en Afrique du Nord. Et en France, avec la consommation de café. C’est à nous de faire ce travail de pédagogie, de positionner le thé comme un produit vertueux, pouvant se consommer à tous les moments de la journée, et avec une empreinte carbone souvent plus faible que les autres boissons chaudes ».