Par Axel Mery, CTO de Fujitsu
Avec 78 % des Français qui considèrent le magasin comme incontournable[1], les professionnels de la vente intègrent les avantages du numérique à la boutique physique : c’est ce qu’on appelle le ‘phygital’. Cette approche marketing permet notamment d’extraire et d’exploiter les données du magasin physique pour apporter des services supplémentaires au client final. In fine, le phygital permet à un gérant de magasin de cumuler les avantages de la collecte de données du e-commerce tout en conservant les avantages d’un point de vente.
Dans un contexte digitalisé, comment les retailers naviguent-ils avec cette double approche ? Comment s’assurer que le projet sera bénéfique à chacun et pas uniquement au vendeur ?
Ce que nous observons, c’est que les consommateurs sont toujours très attachés à la boutique physique. Mais, la concurrence entre les retailers est rude. Face aux compétiteurs asiatiques, aux prix cassés en ligne et aux pop-ups stores qui captent l’attention des consommateurs, le magasin traditionnel doit mettre toutes les chances de son côté. C’est donc tout naturellement que le numérique investit l’espace de vente pour offrir de nouveaux services additionnels au client et enrichir son expérience d’achat.
Les nouvelles solutions dédiées au magasin connecté présentées lors du NRF Retail Big Show 2019 ou du CES 2019 ont en commun une volonté pour les professionnels de la vente d’augmenter le champ des possibles à travers les innovations du numérique[2]. Au centre de leurs préoccupations : offrir de nouvelles manières de consommer et de naviguer au sein d’une boutique physique.
La cabine d’essayage par exemple est un lieu qui a longtemps été laissé de côté par les professionnels. Simple bloc avec rideau et miroir, il n’était pas pensé comme un espace pouvant apporter au client des services complémentaires. C’était sans compter sur le miroir connecté, grand favori du CES de l’an passé. Grâce au principe du miroir sans teint, les retailers peuvent ainsi proposer des informations sur les produits déjà sélectionnés par le client. Ce système est notamment mis en place par Décathlon avec un système de puce RFID. A la manière d’un site de e-commerce, les consommateurs ont alors accès à des suggestions de couleurs ou de modèles de textiles. Ce concept est déclinable à l’infini avec une variété de fonctionnalité : demande de taille supplémentaire à un vendeur, disponibilité en boutique ou en ligne, réenregistrement du panier jusqu’au paiement par solution dématérialisée., etc.
Autre bête noire des professionnels, la file d’attente. Elle rebute à la fois les clients et met la pression sur le personnel de caisse. Autant de raisons d’en assurer la transformation et de passer au digital. Des applications comme JeFilepermettent aux clients de s’inscrire sur une file d’attente virtuelle[3]. Pendant ce temps, ils peuvent continuer leurs achats avant de se présenter en caisse pour le règlement. Les grandes surfaces sont les premières à faire appel à ce type de service : Auchan l’a déjà intégré et l’expérience est en test chez Carrefour.
Les marques se lancent sur le secteur et développent de nouveaux concepts, à l’image d’Amazon Go et de son magasin sans caisses ni employés. En France, Casino est le premier à avoir implanté une boutique sur ce modèle. Dans son point de vente ‘4’, le distributeur propose à ses clients une expérience d’achat augmentée, proche de celle du e-commerce, avec de nombreuses informations produits et services accessibles grâce à un smartphone. Les utilisateurs peuvent alors choisir le meilleur produit et se faire livrer leur panier final.
Côtés professionnels de la vente, cette approche phygital est une réponse aux exigences des clients, ce qui permet de pousser la fréquentation des boutiques tout en améliorant la connaissance du client. Mais, la numérisation du magasin est en premier lieu destinée à l’expérience du client final. Dans le modèle actuel, le consommateur, via son portefeuille, demeure libre de plébisciter une enseigne plutôt qu’une autre. Et les retailers l’ont bien compris. Après avoir longtemps privilégié le conseilleur/vendeur comme pierre angulaire de leur stratégie de vente, les professionnels, en optant désormais davantage pour la technologie, replacent le client au centre du dispositif. Il n’est aujourd’hui plus question de lui faire consommer davantage, mais de l’accompagner pour l’amener à mieux consommer. Dans une démarche plus éthique, et ‘customer centric’, la numérisation du point de vente propose une collaboration nouvelle entre la technologie et l’humain, au plus près des attentes réelles du client. En contrepartie, le conseiller a plus de temps pour le relationnel client, qui reste le cœur de métier des professionnels de la vente et qui permet d’améliorer la fidélisation d’une clientèle. Un sourire et une recommandation plus tard, le client conclu son achat en toute sérénité. Une expérience bénéfique tant pour la clientèle que pour l’équipe de vente.
[1]https://docplayer.fr/6749970-Etude-exclusive-socloz-presente-le-smartshopper-et-son-impact-sur-le-parcours-d-achat.html
[2]https://blogs.adobe.com/digitaleurope/fr/customer-experience-fr/nrf-2018-gregory-pouy-flagship-nike-starbucks/
[3]https://www.usine-digitale.fr/article/jefile-numerise-les-files-d-attente-en-caisse-et-au-drive.N730294