Le 17 mars marque une date historique dans l’histoire du e-commerce. Les points de vente physiques hors « achats de première nécessité dans des établissements dont les activités demeurent autorisées » se sont retrouvés fermés et les marques ont dû improviser la montée en charge leur canal web, désormais seul point de contact encore en activité. Mais le secteur de la distribution est-il prêt à ce déferlement inattendu ? Les stratégies online sont-elles finalement à la hauteur de la promesse des marques ?
Qui dit confinement, dit nouvelles exigences
Le changement n’a pas été le même selon les catégories de produits et le niveau de « maturité digitale » du distributeur, avec d’un côté une accélération encore plus forte pour les produits qui se vendaient déjà beaucoup on line et de l’autre un démarrage imprévisible pour les produits peu achetés sur Internet avant la crise (puzzles, tapis de yoga, haltères…).
Dans un premier temps, seuls les distributeurs les plus rôdés ont pu faire face. Mais combien d’acteurs, pourtant déjà présents sur le web et les ventes à distance, se sont-ils retrouvés rapidement confrontés à des situations imprévues ? Manques de ressource, difficultés d’approvisionnement, problèmes de livraison, tout étant à gérer simultanément. Résultat, même si le contexte peut rendre le consommateur plus tolérant, frustration et déception impactent rapidement autant la marque que sa chaîne logistique.
Le produit est devenu presque secondaire : sa disponibilité, et surtout la prestation qui va autour de la commande, sont désormais essentiels. A l’ère de la sur-personnalisation, de l’expression de besoins de plus en plus complexes, chacun attend un service totalement en phase avec lui, ce qui est le plus souvent très difficile, parce que ça ne rentre pas a priori dans les schémas et les process prédéfinis par les sites web des distributeurs. Il convient donc, plus que jamais, de mettre en place des outils de mesure et de contrôle de la qualité de service que le consommateur reçoit réellement, qui est souvent bien différente de la qualité que le distributeur aimerait fournir à ses client (la fameuse promesse d’expérience).
Le mystery shopping se réinvente
Souvent on imagine que les visites-mystère sont réalisées surtout dans les points de vente physiques : magasins, restaurants, agences bancaires, concessions auto, boutiques télécom, etc., des points de vente qui sont à peu près tous… fermés. Avec l’essor de la vente on line, bien antérieur à la crise, le Mystery shopping avait déjà transposé ses techniques à l’univers
numérique avec la même vocation, mesurer la qualité de service fournie par une enseigne/marque auprès de ses consommateurs : réponse aux mails, prise en charge des demandes des clients, gestion des chats en ligne, réponse aux sollicitations sur les réseaux sociaux… La méthode est la même que pour les visites en points de vente physiques : de « faux clients » prennent contact avec l’enseigne/la marque par l’un de ses canaux et on voit comment elles réagissent. Avec le développement brutal et inédit de ces canaux online, il faut aller au-delà des simples mesures de conformité déjà en place pour certains acteurs depuis des années et mettre en place des KPI plus exigeants, plus pointus, et surtout, passer de l’approche-mystère vers un seul contact online au test « multi-contacts online ».
C’est tout le parcours online de leur client que les e-commerçants et autres acteurs du paysage de la vente à distance doivent évaluer selon les trois cas de figure principaux :
– Le client qui arrive sur le site web de la marque/du distributeur : le prospect,
– Ou un client « acquis » et qui vient passer une commande,
– Ou enfin, un client « acquis » qui vient pour poser une question, gérer une commande ou faire une réclamation.
Penser l’après confinement
Plus encore aujourd’hui, le client utilise tous les canaux d’échange que la marque met à sa disposition, sans logique prédéfinie, selon sa propre culture ou son aisance avec tel ou tel support. L’ensemble de canaux doit donc être suivi par le distributeur, avec une haute qualité de service. Pensons notamment aux réseaux sociaux qui, bien souvent, ne servent que de vitrine à la marque, sans qu’il soit réellement possible d’interagir avec elle. Le consommateur qui s’y essaie va subir cette absence de réponse et la vivre au mieux comme un manque de considération, au pire comme une trahison ! C’est dire l’importance à accorder aussi à ces canaux. L’idée de ce « mystery shopping augmenté » et online version “pendant et après- confinement » serait justement de jouer le jeu de l’évaluation continue, au cours d’un parcours unique et complet, qui peut s’étaler sur plusieurs jours, mais, condition impérative, toujours avec le même client (mystère, ici).
L’enjeu est capital pour fidéliser les consommateurs qui ont découvert le commerce digital à cause du Codiv-19 et du confinement : soit leur fréquentation aura été strictement conjoncturelle et ils reviendront à leurs habitudes précédentes, soit leur expérience aura été extrêmement positive, notamment sur le plan relationnel. Après avoir testé les achats on line (via un drive, un clic & collect, ou encore en livraison à domicile), il y a alors de fortes chances (ou de fortes raisons, en étant optimiste !) qu’ils restent clients de ces canaux à l’avenir, au- delà du confinement actuel.
Par Ludovic Dalle, directeur du service Line Channel Performance chez Ipsos.