La fulgurante percée des géants du e-commerce et la pénétration croissante du digital dans la vie des consommateurs se sont révélées un électrochoc salutaire. Les grandes enseignes ont, dans un premier temps, réagi à l’offensive des pure playersen développant leurs propres canaux de vente en ligne. Ayant pensé le e-commerce comme un canal autonome, elles ont compris dans un deuxième temps, que l’avenir de la distribution était non pas dans la multiplication et la juxtaposition des formats, mais dans leur combinaison, et dans une stratégie centrée sur le consommateur, grâce à l’utilisation des data. Ce redéploiement stratégique des moyens d’interagir avec le client constitue une révolution,qui fait appel à de nouvelles compétences.
Les nouveaux hommes clés du retail
La réinvention du retail par le digital est en cours. Elle est portée par l’arrivée à la tête des plus grandes enseignes françaises de dirigeants choisis pour leur capacité à appréhender les enjeux du numérique. Contrairement à leurs prédécesseurs, ces dirigeants ont à leur actif des expériences réussies dans le domaine du digital. C’est le cas d’Alexandre Bompard, PDG de Carrefour depuis juin 2017, qui a été l’artisan de la transformation digitale de la Fnac.
Si l’impulsion des dirigeants est cruciale, la concrétisation du virage digital/data de la distribution passe aussi par la création de nouvelles fonctions. C’est ainsi qu’on a vu apparaître dans la plupart des enseignes un CDO (Chief Digital Officeret/ou Chief Data Officer) ayant notamment pour mission la création de nouveaux services destinés aux consommateurs et la valorisation des volumes croissants de données. La mise en lumière du rôle stratégique du CDO a souvent eu pour effet de cantonner le DI à son rôle historique : s’assurer de l’activité des magasins, de la logistique, et des fonctions transverses.
Du DI au DSI, de nouvelles responsabilités pour un rôle clé
Cette évolution appelle un changement de posture du DI désormais DSI, et l’affirmation de son rôle de PartenaireBusiness, garant des Systèmes & Ecosystèmes du digital et de la data.
Tout en conservant ses anciennes responsabilités, le DSI en endosse de nouvelles. Il s’agit de développer les conditions mêmes de création de valeuret de différenciation en assurant notamment :
- l’intégration des différents canauxde vente: e-commerce, magasins physiques, m-commerce, v-commerce… Cette intégration est la condition pour reconnaître, accompagner et fidéliser le consommateur.
- l’identification et le déploiement de technologies innovantes, afin d’accélérer la création de nouveaux services et rester en tête de la course de vitesse qui s’impose aux enseignes pour proposer les expériences les plus originales, les délais de livraison les plus courts, les systèmes de paiement les moins contraignants, les modes d’interaction les plus conviviaux.
- la mise à profit des data générées par le digital, afin de faire du commerce rentable. Car même si les nouvelles formes digitales de vente ont montré leurs vertus en matière de développement des ventes, leur rentabilisation passera par les data et l’usage que le Retailer en fera.
Les atouts du DSI pour (re)prendre la main
Le DSI possède tous les atouts pour assumer ces nouvelles responsabilités. En premier lieu, il a la connaissance historique des systèmes opérationnels en place, de leurs interconnexions, dépendances et contraintes, et il est ainsi le plus légitime pour conduire leur unification.
Ensuite, il est aux commandes d’une organisation interne quidispose de l’ensemble des compétences pour évaluer et intégrer les technologies les plus innovantes : chatbots, solutions d’encaissement mobile en magasin, réalité augmentée/virtuelle, Blockchainpour garantir la traçabilité des produits alimentaires, IA et IoTpour des magasins sans caisse, robotisation, data intelligence.
Enfin, le DSI est le mieux placé pourconstruire et mettre à profit sa nouvelle « Dimension
Data ». Il dispose en effet de6 axes sur lesquels il peut agir: la stratégiede la data, sa valorisation, sa gouvernance, la règlementation,la culture, l’organisation.
Les priorités pour prendre pleinement son rôle de Partenaire Business
Pour être reconnu en tant que Partenaire Business, c’est-à-dire en tant que contributeur direct à la création de valeur de son enseigne, il est essentiel que le DSI change de posture. Il doit dorénavant :
- allouer davantage de son temps aux nouveaux projets, à l’innovation et aux initiatives stratégiques, être force de proposition au plus haut niveau.
- jouer la carte de l’ouverture de l’architecture de son SI pour rendre technologiquement possible et rapidement effectif des partenariats stratégiques nécessitant le partage et l’échange de données, et l’interopérabilité avec les SI/plates-formes de partenaires externes.
- doter son organisation d’un « incubateur maison »,lui permettant de collaborer davantage avec les directions métiers pour faire émerger, prototyper, expérimenter les nouvelles idées et les nouveaux services et partenariats. Le DSI peut ainsi garantir leur faisabilité et leur déploiement tout en assurant la maîtrise budgétaire d’ensemble.
Enfin, en muant Partenaire Business,le DSI saura attirer les talents. Un cercle vertueux sera alors initié, amenant le DSI et son équipe à monter en valeur, à traiter des sujets plus ambitieux et contributeurs aux enjeux économiques de l’enseigne, à passer de DI à DSI, et enfin à devenir un réel Partenaire Businessde l’enseigne.
Par Serge DARLES, Directeur Consultative Selling de Keyrus