La dernière édition du Sirah qui s’est tenu du 26 au 30 janvier dernier a été l’occasion de célébrer un certain retour aux sources et à la sobriété culinaire. Moins de produits transformés, plus de circuits courts et de nombreuses initiatives en matière de consommation responsable ont été mises à l’honneur durant ces quatre jours d’échanges entre professionnels de l’hôtellerie-restauration.
Comme tous les deux ans, en janvier dernier, le Sirah 2019, le rendez-vous mondial de la restauration et de l’hôtellerie a réuni à Lyon, capitale française de la gastronomie, la crème des acteurs du food service et de la filière agro-alimentaire. Encore une fois, cet événement majeur pour la profession a délivré les grandes orientations qui se dessinent pour les métiers de l’hôtellerie-restauration. Tandis que les chefs étoilés ont rivalisé d’inventivité et de démonstrations lors des nombreux concours organisés sur le salon, c’est bien l’ensemble des métiers de bouche qui étaient à l’honneur durant ces quatre jours. Et si l’on peut constater une certaine starification des grands chefs, cette mise en lumière profite à toute une filière, de la cuisine aux équipements, en passant par les arts de la table.
Slow food contre low food
Tous, à l’unisson, portent le même discours d’une consommation plus responsable. Il n’est pas un chef aujourd’hui qui ne parle de naturalité, qu’il cuisine les légumes issus de son propre potager, qu’il travaille en circuit court avec des producteurs locaux d’excellence sourcés par lui-même, ou bien qu’il décide, comme l’a eu fait un temps le chef triplement étoilé Alain Passard, de substituer les protéines végétales à la viande. Cette tendance s’étend à l’ensemble des acteurs du secteur. Au Sirah, les produits d’entretien sont écologiques, les équipements électriques, basse consommation et les vêtements de travail, en matières premières alternatives « made in France » tel que le lin, comme le propose Lafont avec son célèbre tablier 406 revisité dans sa nouvelle gamme CHR. Fini le show-off ou la cuisine moléculaire qui voudrait réinventer les goûts les formes ou les textures à coup d’innovation technologique : place à un quotidien où l’on travaille les produits de la terre, où l’on revient à l’essentiel, au vrai, que ce soit à quatre mains face caméra sur le plateau TV « Cuisine en Scène » du Sirha, lors d’une battle internationale entre un MOF fromager associé à un MOF cuisinier, ou dans la cuisine de son restaurant éco socio responsable.
Démocratiser le manger sain
Consciente du nécessaire changement qu’elle doit insuffler, la filière de l’hôtellerie-restauration répond aux aspirations des consommateurs qui, plus que jamais, affichent une vraie défiance envers l’industrie agro-alimentaire. Traumatisés par les scandales alimentaires qui ont jeté le doute sur la qualité des produits de grande consommation, ils se tournent vers les solutions de proximité que sont les commerçants de bouche, les restaurateurs traditionnels qui proposent une cuisine simple du marché. Car si le chef étoilé reste le gardien du temple de la cuisine haute couture, il demeure inaccessible à une majeure partie des Français. Le vrai défi, au 21e siècle, est de démocratiser le manger sain, un juste retour à la cuisine de nos grands mères, élaborée avec des produits de saison et au rapport qualité/prix abordable. Cela implique de revaloriser les métiers et d’investir moins dans le décorum ou le marketing et plus dans l’assiette. Ou alors innover, en inventant des solutions alternatives comme celles proposées par Boco, ce concept de restauration où une dream team de chefs étoilés élaborent des recettes 3 étoiles accessibles à tous, présentées dans un bocal réutilisable.
Ce retour à la sobriété illustre bien le mouvement Do It Yourself. Particulièrement prisé par les jeunes générations, ce retour aux fourneaux des Français qui se remettent à cuisiner chez eux est le signal faible de l’émergence de nouveaux comportements de consommation. En faisant son marché le samedi matin, en allant chercher son kilo de pommes le week-end dans le verger du coin ou en décidant de fuir les produits ultra-transformés pour privilégier les aliments naturels, on renoue avec l’histoire d’un terroir et de ses producteurs. En clair, on redonne du sens à ses actes d’achat. Ces mutations de la consommation préoccupent également les grandes marques de l’agroalimentaire, qui leur emboîtent le pas. Ainsi, le spécialiste des épices provençal Spigol valorise ses approvisionnements hyper-locaux à travers sa gamme bio, ou même Fleury Michon qui se désengage des sels nitrités pour un jambon d’autrefois à consommer minute. Autant de “tiers de confiance” dont a besoin l’industrie agroalimentaire pour regagner ses lettres de noblesse auprès du grand public. L’obligation récente de l’affichage nutritionnel « Nutri-Score » sur tous les supports publicitaires des produits alimentaires témoigne de cette tendance de fond.
Vers un Sirha Green en 2020
Pour conclure, de cet événement riche en animations, je retiendrais le caractère d’excellence systématiquement recherché dans tous les produits et les savoir-faire de cette profession. Un moment me reste particulièrement en mémoire : c’est le concours du Meilleur Burger. Ou comment l’emblème de la junk food devient une leçon de gastronomie. Les équipes représentaient l’ensemble de la filière alimentaire, composée d’un agriculteur ou un acteur de l’amont (éleveur, maraicher, grossiste en fruits et légumes, etc.), d’un artisan-commerçant (fromager, boucher) et d’un cuisinier professionnel. Elles devaient produire des Menu Burgers constitués d’au-moins 80% de produits enregistrés sous la marque “La Région du Goût”, initiée par la région Auvergne-Rhône-Alpes. D’apparence anecdotique, cette initiative démontre la volonté du salon lyonnais d’évoluer vers une cuisine responsable et locale. Gageons alors qu’en 2020, la prochaine édition du Sirah, dans sa version green, repoussera, encore, les limites de la responsabilité en valorisant les pionniers de la cuisine durable, à l’heure où le Salon International de l’Agriculture ouvre ses portes sur le thème « Des Femmes, des Hommes, des Talents », jusqu’au 3 mars.