Un challenge à relever

“Il est dit qu’une poubelle ne raconte pas grand-chose, mais c’est faux. Les poubelles parlent”, remarque Johan Bogren, expert déchets chez Expense Reduction Analysts (ERA). Et dans les poubelles des distributeurs de surfaces alimentaires se trouvent, tout d’abord, les déchets industriels banals (DIB) et dangereux (DID). Peu nombreux chez les distributeurs, ces derniers comprennent les solvants, les produits phytosanitaires, les déchets électriques et électroniques (D3E), les ordinateurs, les micro-ondes, les déchets encore radioactifs. “Ils sont bien listés dans le code de l’environnement. DIB et DID forment une première distinction”, précise Marlène Dresch, spécialiste de la question à l’Ademe. Seconde catégorie, les DIB qui regroupent prioritairement (selon une étude de l’Insee de 2006) les cartons et les papiers issus du conditionnement d’emballages, puisque les enseignes reçoivent des produits palettisés et déconditionnent pour mettre en rayon (40 %). Puis viennent les déchets en mélange (37 %), les déchets de bois (9 %), les produits périmés (fruits et légumes, rebuts de panification ou de boucherie, etc.), les déchets métalliques, les plastiques, les verres et les déchets alimentaires. “Les 37 % de déchets en mélange prouvent que beaucoup d’efforts sont encore à faire au niveau du tri”, souligne-t-elle. Deux approches distinctesEn fonction de leurs volumes, les distributeurs procèdent à la mise en balles des cartons et des plastiques ou à leur bennification avec tri et affinage au centre de tri. “Il existe deux approches dans le métier : les commerçants indépendants, d’un côté, et les intégrés de l’autre. Ainsi, quand un groupe comme Carrefour prend une décision, il duplique un modèle sur l’ensemble de ses magasins. De son côté, Leclerc suit une logique d’indépendants. Pour les forts volumes, il privilégie une approche directe du recycleur qui traite le site. Pour les plus petites surfaces, c’est souvent par reverse logistique avec retour des matières cartons et plastiques sur l’entrepôt et traitement de celui-ci par le prestataire”, précise Jean-Marc Rouxel, directeur commercial de Paprec. Pour sa part, la distribution spécialisée met à la poubelle des cartons et des films (housses et films qui entourent les palettes), des déchets bois, du fer et des métaux, des meubles cassés. Arrivent, ensuite, le textile, la céramique et le verre, les plantes et le terreau, les batteries de voitures, etc. Se retrouvent également des gravats pour les magasins de bricolage qui mettent à la disposition de leurs clients des déchetteries. Parallèlement, les enseignes proposant une restauration, comme Ikéa ou Alinéa, jettent des déchets organiques, venant soit du rebut lié à la préparation des repas soit des retours d’assiettes. Des enjeux très économiquesQuelques chiffres. Le coût de gestion des déchets d’une entreprise représente en moyenne 0,5 % de son chiffre d’affaires et environ 6 % de son excédent brut d’exploitation (source Ademe). Ce coût représente la somme des factures d’élimination et des charges de collecte et de tri internes. Une dépense équivalente s’y ajoute : le coût d’achat des marchandises dont proviennent les déchets. La valorisation n’est, alors, pas uniquement environnementale, mais aussi largement économique. “Un coût peut se transformer en revenus. Quand on jette les déchets à la poubelle, en réalité, on jette des billets d’euros”, déplore Yohan Bogren. Les petits gestes de tri au quotidien font la différence. L’idée est simple : plus les distributeurs vont trier, plus la valorisation sera importante. Les déchets en mélange demandent, en effet, un traitement supplémentaire des prestataires, et donc le coût est majoré. Valoriser les déchetsSous la pression réglementaire mais, aussi, de leurs citoyens, les distributeurs doivent impérativement valoriser leurs déchets. “Avec un impact important sur l’image de l’entreprise. Si elle peut montrer qu’elle valorise tous ses déchets, c’est un plus. Le volet environnemental, qui était encore il y a quelques années, considéré comme un gadget, devient de plus en plus crucial”, estime-t-il. En termes de communication, les distributeurs procèdent à deux niveaux : en externe, mais aussi en interne, pour faire participer leurs salariés. Certaines enseignes ont même fixé des objectifs de taux de tri dans le cadre de la participation et de l’intéressement de leurs salariés, voire des primes pour les dirigeants. “Ikéa a, ainsi, porté son objectif à 85 % de taux de tri dans ses magasins. Chez Castorama, l’objectif de taux de tri est en relation avec la prime des managers. Au travers du reporting, nous devons être capables de suivre et piloter avec nos clients l’atteinte de ces objectifs”, souligne Jean-Marc Rouxel.Autre aspect important, la traçabilité. “Il est facile à comprendre que si demain on apprenait que les déchets de grandes enseignes vont en incinération ou en enfouissement sans un tri des déchets au préalable, ce ne serait pas la meilleure pub qu’ils puissent se faire” poursuit notre interlocuteur. A cela s’ajoute le volet responsabilité du traitement des déchets dont le distributeur reste propriétaire en cas de problème. D’où l’intérêt de bien choisir son prestataire.

Gestion des déchets