L’ultra-mutualisation

20% d’économie sur les coûts logistiques et 25% de réduction des émissions de CO2. C’est ce que promet le nouveau modèle logistique étudié par les membres d’ECR France en 2014. Un travail collaboratif de 8 mois entre les acteurs de la grande distribution, de l’industrie agroalimentaire et des prestataires logistiques pour finaliser l’étude d’un nouveau modèle de distribution appelée “ultra-mutualisation”. Son principe est simple: il prône la mise en place d’une dizaine d’entrepôts régionaux partagés multi-distributeurs et multi-industriels sur le territoire français permettant de distribuer une ou plusieurs catégories de produits sur l’intégralité des points de vente de la grande distribution de sa zone logistique en organisant les livraisons au plus proche des contraintes structurelles des rayons des points de vente, hypermarchés et supermarchés (le réseau proxi n’a pas été inclus dans le modèle, dans un premier temps). Le modèle d’ultra-mutualisation vise à simplifier et optimiser les flux et processus. Il permet de supprimer des points de stockage intermédiaires devenus redondants. Il s’agirait de passer d’une centaine d’entrepôts à une dizaine pour une même catégorie de produits. Il permet, également, de supprimer les interactions opérationnelles entre les industriels et les entrepôts des distributeurs: taux de service amont, litiges, obsolescence des stocks, organisation des entrées/sorties… Le modèle permettrait, enfin, de créer une rupture avec les modes de fonctionnement actuels en silo qui limitent les optimisations possibles. Selon ECR, pour fonctionner efficacement avec les magasins, les flux de l’ultra-mutualisation doivent s’organiser autour des rayons pour les grandes surfaces et autour de la catégorie de produits pour les plus petites surfaces afin d’éviter au chef de rayon d’avoir à “dépoter” une palette et chercher ses produits avant de les emmener en rayon. Pour mettre en œuvre ce modèle, il s’agirait, selon l’étude, de créer une entité chargée de piloter, arbitrer et optimiser les flux de quelque 500 acteurs. Les flux partagés (transport, optimisation…) seraient gérés au travers de SI en mode SaaS par des tiers de confiances 4PL. De leur côté, les 3PL organiseraient leurs stocks et leurs activités en fonction des flux et non en fonction des acteurs (stocks des industriels mélangés). La préparation serait tirée par les flux de transport optimisés (poids, volumes, nombre de palettes et kilométrage) parfois multi-distributeurs dans le cas de multi-drop nécessaires pour les supermarchés. D’autre part, la réduction du nombre de points de stockage devrait entraîner une réduction des stocks de 50% dans la chaîne. Les stocks restent sous la responsabilité directe de chaque industriel afin qu’il puisse optimiser ses flux et ses productions, mais contraintes par des règles de gestion d’espace mutualisé clairement définies et connues de tous.Selon le modèle, un des points clés de cette administration des flux nécessite que les SI des distributeurs restent inchangés afin qu’ils regroupent les commandes vers les industriles: idéalement, une facture par jour par distributeur pour chacun.Il faut, aussi, que les flux d’information entre tous les acteurs se dématérialisent et s’automatisent complètement et réellement, souligne l’étude. Enfin, de fait, l’ultra-mutualisation remet en cause “certaines pratiques de marge avant et arrière des accords distributeurs – industriels, de par sa structure des flux, de la proriété des stocks et des moyens logistiques associés”, rappelle ECR France. Dans ce nouvel écosystème: • les stocks de distribution (hors magasin) sont intégralement portés et gérés par l’industriel au travers de ses 3PL et 4PL (sauf montage financier particulier); • les moyens logistiques (entrepôt, transport, co-packing) sont intégralement portés par les industriels au travers des 2PL et 3PL;• la consolidation et les ressources associées sont majoritairement gérées par l’industriel et ses 4PL; • la consolidation des commandes magasins et la gestion de la relation avec les magasins sont conservées côté distributeur pour deux raisons: il faut garder un seul mode de fonctionnement entre ultra-mutualisation et schéma actuel et puis, les distributeurs veulent garder la main sur la relation et la gestion des flux magasins.Concrètement, de nombreux directeurs supply chain ayant travaillé sur cette étude, sont séduits par le modèle d’ultra-mutualisation. S’il présente de nombreux avantages économiques et environnementaux, il reste très ambitieux culturellement parlant: la recherche de bons partenaires, le besoin de garanties et la définition précise des règles de fonctionnement, de confidentialité et de gouvernance. Reste une question majeure, selon ECR France: “Les acteurs sont-ils vraiment prêts?”