Le bonheur est dans le port

Réduire ses coûts logistiques tout en maîtrisant son empreinte environnementale reste le graal des distributeurs. Et si cet équilibre tant convoité résidait dans le déploiement d’activités portuaires et fluviales? C’est, en tout cas, la conviction des dirigeants de Concerto, filiale du groupe Affine, spécialiste de l’immobilier logistique et du développement de nouvelles plateformes. “La mondialisation des échanges a engendré une augmentation des flux de marchandises avec, comme vecteur principal de transport, le maritime. Or, si nos voisins belges, hollandais et allemands ont, depuis longtemps, développé d’importantes infrastructures portuaires, ce n’est pas le cas de la France qui est en retard dans ce domaine”, constate Jean-Paul Rival, directeur général adjoint de Concerto. De fait, malgré sa position géographique stratégique - tous les bateaux venant d’Asie empruntent le Canal de Suez et passent nécessairement devant Marseille, Le?Havre et Dunkerque, avant d’arriver à Rotterdam ou Anvers - l’hexagone n’a pas vraiment privilégié la voie maritime, lui préférant le réseau routier Nord-Sud. “Depuis dix à quinze ans, les entreprises étaient dans une logique de bassins de consommation, avec pour axe principal Lille-Paris-Lyon-Marseille qui a donné lieu à tous les gros investissements logistiques” explique Jean-Paul Rival qui note, toutefois, depuis quelques années, une tendance réelle au développement d’hinterlands – zones d’activités situées près des ports- depuis Le?Havre jusqu’au long de la Seine.Modifier la banane logistiqueLes projets se sont, en effet, multipliés depuis la réforme portuaire de 2008 - effective depuis 2011 - qui a modifié et réglementé le statut des dockers, désormais mensualisés et directement embauchés par les entreprises privées. En témoigne, le lancement du GIE (groupement d’intérêt économique) HAROPA Paris Seine Normandie en 2012. Ou encore, le programme européen Weastflows qui a pour ambition d’améliorer le transport de fret en Europe du Nord-Ouest, en favorisant les flux de marchandises sur un nouvel axe Ouest-Est. De quoi modifier le trajet de la fameuse banane logistique européenne (de Londres à Milan, en passant par le Luxembourg) qui, jusqu’à aujourd’hui, contournait la vallée de la Seine.Une redynamisation de l’activité portuaire qui n’est pas sans avantages économiques pour les distributeurs qui importent des marchandises, comme c’est généralement le cas des produits non alimentaires. En réduisant le nombre de stocks de sécurité régionaux au profit d’une poignée de plateformes stratégiquement placées au point d’entrée des marchandises, les entreprises pourraient réaliser des économies de surfaces et de loyer. Et optimiser davantage le remplissage de leurs camions tout comme le nombre de kilomètres parcourus grâce à des entrepôts plus grands et multi-catégories.Axe Honfleur-ParisMais si la route demeure un axe incontournable du transport de marchandises, depuis le port jusqu’au point de vente, c’est surtout du côté des fleuves que regarde Concerto. L’entreprise logistique y voit un potentiel d’utilisation important bien que sous-exploité. “Nous sommes, aujourd’hui, en capacité de développer une activité fluviale depuis Le?Havre jusqu’à Nogent-sur-Marne et même en Bourgogne?! C’est de nature à faire réfléchir les distributeurs sur la relocalisation de leurs entrepôts pour être à la fois au plus près des ports pour leurs flux d’import mais, aussi, pour éviter de transporter des conteneurs maritimes jusqu’à l’intérieur du territoire”, affirme Jean-Claude Rival. Et pour ce dernier le maître mot c’est la multimodalité. Une plateforme donnant à la fois accès au port du Havre, aux bords de Seine et à la gare de triage de Honfleur, c’est, notamment, le projet de Concerto qui espère développer au pied du pont de Normandie, dans le parc d’activités Calvados-Honfleur, une zone logistique mixte, permettant aussi bien le brouettage des conteneurs depuis le port fluvial de Honfleur que l’accueil des camions classiques. “L’avantage d’une telle zone, c’est qu’elle permet l’utilisation de conteneurs PW45, plus grands et plus larges que les formats américains et capables, par conséquent, de recevoir l’équivalent d’un camion”, indique le dirigeant. Des conteneurs également transportables par barges, à condition que celles-ci soient élargies, comme par voie terrestre. Confiant dans la solidité de son projet, Concerto a d’ores et déjà déposé un permis de construire et une autorisation d’exploiter le site de Honfleur. Reste, maintenant, aux distributeurs et investisseurs à se manifester pour lancer le chantier.