Jean Marc Megnin : Le commerce de demain tiendra dans la main

Entretien avec Jean-Marc Megnin, DG d'Altavia Shoppermind PDV: Comment le digital a sauvé le magasin physique ? JMM: Même si cela peut sembler provocateur, la crise aura sauvé le retail ‘’physique’’. Si les grands groupes se sont rapidement digitalisés, conscients du retour sur investissement de l’opération et de la nécessité impérative dorénavant d’y être très présents, les plus petits s'y sont engouffrés pour résister à la crise. Car la crise a révélé aux commerçants qu’un magasin pouvait être fermé… tout en continuant à faire du chiffre d’affaires ! Le digital a d’ailleurs permis aux plus petits de résister à la crise en développant des sites internet et en proposant du click and collect. Le pick-up station (ou curbside pick-up / ramassage sur trottoir) made in USA a en effet débarqué telle une déferlante en France, le shopper n’ayant qu'à commander via téléphone mobile ou en mode “live shopping”, et aller en boutique pour récupérer sa commande directement sur le trottoir de son commerçant… PDV: Quelles ont été les conséquences en points de vente ? JMM: Les vendeurs se font préparateurs de commande, n’ayant plus qu'à ambiancer la boutique par des solutions digitales. Une tendance qui s’affirme de plus en plus grâce à l’affichage dynamique qui permet de faire connaître son offre via des promotions flash, en cas de surstock… Et ce, sans entrer dans le commerce et sans contact physique. Tant et si bien que la pandémie a sauvé le commerce physique grâce à la combinaison humain/digital, l’un ne pouvant exister sans l’autre. Cela suppose une organisation digitale dès la gestion des stocks. Une révolution encourageant les commerces à s’équiper de tablettes pour déployer l’offre disponible et ainsi fluidifier le parcours client via un showroom digital présentant l’intégralité des produits, et des livraisons ultra rapides en cas de non-disponibilité de ces derniers en boutique. Inutile de préciser que le prochain défi sera la livraison en un temps toujours plus court. PDV:Le consommateur d’aujourd’hui a-t-il totalement pris le pouvoir ? JMM: Aujourd'hui, le client a quatre options : se rendre en boutique, acheter et emporter, se rendre en boutique et se faire livrer (option initialement proposée par les vendeurs de produits blancs et bruns, qui s’est élargie à l’alimentaire), commander en ligne et se faire livrer (option ayant explosé durant le confinement et justifié la croissance à deux chiffres de Deliveroo) et enfin commander en ligne et aller chercher en boutique soit le click and collect “sans contact”, lequel a permis de recruter de nouveaux clients. Car près de 3 millions de Français ont testé l’achat en ligne durant le premier confinement, et le taux d’appréciation du drive s’est évalué à 8,50 sur 10. Par ailleurs, la demande du consommateur a changé via Google. La première clé d’entrée est désormais la recherche de produits à proximité de son domicile et dans un magasin “ouvert”… avant d’aller chercher le produit dans le magasin, ce qui a permis de booster le commerce de proximité durant la crise. Cette dynamique, autorisée par l'alliance humain/digital implique que le magasin physique parte à la rencontre du consommateur via une offre digitale pour le faire venir en boutique… dans laquelle il pourra retirer ses produits sur un corner. De nombreux magasins ont d'ores et déjà adopté cette solution et il semble que la technique fait florès, compte tenu de sa facilité de mise en place. PDV:Quelle peut être la réponse des marques pour les séduire ? JMM: Ce type de vente doit offrir une exécution parfaite pour espérer séduire et fidéliser. Walmart a d’ailleurs appris à ses vendeurs à choisir les produits alimentaires les plus frais afin de rassurer le client et de lui proposer une belle expérience d’achat. Stratégie qui permet au passage de valoriser l’image de l’enseigne qui n’hésite pas à faire la promotion de son personnel sur les réseaux sociaux via des flash mobs insufflant par là une dynamique imparable pour attirer et fidéliser le client. Car ce dernier est devenu infidèle durant la pandémie, allant chercher ses produits dans les magasins les plus proches de lui. Enfin, de nombreuses enseignes ont apposé des QR codes sur la totalité de leur offre en boutique. Le client n’a plus qu'à scanner via son téléphone portable, pour avoir les informations attendues, ce qui permet de créer du lien en continu. Une méthode efficace en cas de non-disponibilité des vendeurs, devenus augmentés grâce aux équipements digitaux qu'ils pilotent en toute autonomie. Cela suppose néanmoins des investissements afin de former son personnel à la digitalisation. Le géant Walmart n’a pas hésité à dépenser 700 millions d’euros (2017/18) et acheté 750 000 portables afin d’équiper ses collaborateurs du même outil leur permettant de déployer l’offre du groupe sur une seule et même plateforme. Reste que tout cela ne serait pas possible sans téléphone portable qui permet de répondre à toute demande de façon immédiate, la fidélité du consommateur passant désormais par l’amazonisation de l'offre. Le géant de la vente en ligne a d’ailleurs fait tout son chiffre durant le confinement… Ce qui se passe sur les places de marché digital va se dupliquer prochainement en boutique. Car aujourd'hui, le client recherche des enseignes répondant de façon immédiate à ses commandes, à proximité de chez lui, et bien sûr au meilleur prix. Le portable est là pour y répondre. Nul doute que le commerce de demain tiendra dans la main...