Congés payés sous l’influence du droit de l’UE

La directive européenne 2003/88/CE du 4?novembre 2003 concernant certains aspects de l’aménagement du temps de travail se bornant à disposer que les États membres de l’Union européenne (UE) doivent assurer à tout travailleur un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, il était difficile de prévoir qu’elle aurait une influence sur la législation française des congés payés. C’était sans compter sur la jurisprudence exigeante de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) qui a élevé le droit au congé annuel payé au rang de “principe du droit social de l’Union européenne revêtant une importance particulière”. L’influence du droit de l’UE se situe tant au plan de l’ouverture du droit à congé que de la mise en œuvre de ce droit. S’agissant de l’ouverture du droit à congé, après avoir longtemps prévu que le droit à congé annuel payé était subordonné à une durée de travail effectif chez un même employeur d’un mois, le législateur français a cru s’être mis en conformité avec le droit de l’UE en ramenant cette durée à 10 jours. Toutefois, la CJUE a considéré que cette condition ayant pour effet d’exclure certains travailleurs du bénéfice du droit à congé annuel, était contraire au droit de l’UE (arrêt du 24?janvier 2012). La référence à cette durée de 10 jours a depuis été supprimée de l’article L. 3141-3 du Code du travail.S’agissant de la mise en œuvre du droit à congé, les apports de jurisprudence de la CJUE sont particulièrement significatifs en matière de relation entre le congé annuel et le congé maladie. Ainsi, la CJUE a estimé que le travailleur, qui est en congé maladie durant une période de congé annuel fixée au préalable, a le droit, à sa demande et afin qu’il puisse bénéficier effectivement de son congé annuel, de prendre celui-ci à une autre période, y compris en dehors de la période de référence prévue par le droit national (arrêt du 10?septembre 2009). Jusqu’alors, la Cour de cassation faisait prévaloir la cause initiale de l’arrêt de travail et ne reconnaissait pas de droit au report. Elle a modifié sa jurisprudence en reconnaissant un droit au report du congé annuel, y compris en cas de maladie non professionnelle (Cass. soc. 24 février 2009). Une autre problématique concerne l’acquisition de droits à congé en cas de maladie (non professionnelle). En effet, le Code du travail continue de retenir que le facteur d’acquisition du droit à congé annuel est le travail effectif. S’il assimile les périodes de suspension du contrat de travail pour accident ou maladie professionnelle à du travail effectif, ce n’est pas le cas de la maladie non professionnelle. Or, la CJUE retient que la directive interdit de subordonner le droit à congé à une condition de travail effectif au cours de la période de référence (arrêt du 24?janvier 2012). Dès lors, les salariés en congé maladie pendant toute la période de référence doivent, eux aussi, pouvoir bénéficier d’un congé annuel, qu’ils peuvent reporter à l’issue de leur arrêt de travail.La CJUE est toutefois consciente des conséquences financières importantes pour les employeurs que peuvent avoir ces possibilités de report. Elle admet donc que le report des congés payés en cas de longue maladie puisse être limité, notamment par voie de négociation entre les partenaires sociaux, ce qui illustre la faveur du droit de l’UE à la négociation collective, et à condition que la “période de report dépasse substantiellement la durée de la période de référence pour laquelle elle est accordée” (CJUE, 22?novembre 2011, qui valide une limitation de 15 mois). Les partenaires sociaux, que ce soit au sein des entreprises ou au sein de la branche, seraient donc bien avisés de prévoir une mise à jour des dispositions conventionnelles relatives au congé annuel payé lors de prochaines négociations afin de prendre en compte les apports du droit de l’UE. Proskauer Fondé en 1875 à New York, Proskauer est un cabinet d’avocats d’affaires à dimension internationale (plus de 700 avocats dans 13 bureaux). Le bureau de Paris, implanté depuis 1991, offre à ses clients un accompagnement juridique sur-mesure, tant dans le domaine du conseil que du contentieux. L’activité du cabinet est organisée autour de plusieurs pôles de compétences : droit social, droit de la sécurité sociale, protection des données personnelles, fusions et acquisitions, private equity, structuration de fonds d’investissement, contentieux, arbitrage, droit de la concurrence, droit de la distribution et contentieux communautaires.