Coup marketing ou révolution? Cette question était dans toutes les bouches lorsqu’Apple a créé la première tablette tactile à destination du grand public. À en voir les résultats croissants du cabinet GfK, la firme américaine a créé un marché de niche. Jugez plutôt. En 2010, 435?000 tablettes tactiles ont été vendues en France. L’année suivante, il s’en est écoulé 1,5?million. En 2012, et toujours crescendo, les ventes atteignent 3,6millions. Pour 2013, les analystes prévoient 5,1millions d’achats. L’an dernier est révélateur de l’incroyable dynamisme du marché. “Aujourd’hui, les acteurs se rendent compte que la tablette tactile est un besoin dans les usages, à la fois chez les particuliers et les professionnels”, affirme Cédric Tamboise, directeur de la rédaction de Tablette-Tactile.net. Malgré une offre qui s’est élargie au fil des ans, Apple reste le chouchou des tablonautes. Près de 90% des connexions internet sont faites sur un iPad en France. Alors les constructeurs s’agitent, se pressent, mais peinent à rivaliser.
Android vs Apple: l’étau se resserre-t-il?
Selon l’étude de Strategy Analytics, les terminaux rivaux d’Apple, fonctionnant avec le système d’exploitation de Google appelé Android, représentaient, au troisième trimestre 2011, 27% de parts de marché contre seulement 2,3% en 2010. Et celle de l’iPad était passée de 96% à 67%. La marque à la pomme doit-elle s’inquiéter? “Apple a été franchement rattrapé sur le matériel et le logiciel. Il n’est ni en avance, ni en retard, mais doit se réinventer sur les tablettes, car les dirigeants se sont mal préparés à l’arrivée du marché des 7 pouces. L’iPad mini est un succès à retardement”, analyse Cédric Tamboise. A contrario, pour Patrick de Carvalho, directeur associé de Wayma Group, Apple fait cavalier seul. “Au niveau mondial, le parc des tablettes et des mobiles est équipé à 75% de Android. Cependant, cela ne veut pas dire qu’il existe une suprématie de Android au niveau des usages. L’environnement système Android dit “ouvert”, permet à une vingtaine de constructeurs de l’exploiter. C’est mathématique: 20 constructeurs dans le monde vendent plus d’appareils qu’une seule marque”. L’écosystème de la marque y est aussi pour beaucoup.
À prix égal, la réputation intuitive et performante d’Apple attire le consommateur. C’est ce qui explique qu’une tablette vendue sur deux soit un iPad. Le rôle des places de marché est aussi un facteur clé. “Se lancer sur ce marché est d’une difficulté gigantesque?! Il faut avoir un catalogue de choix. Aujourd’hui sous Android, il existe 80?000 applications tablettes, contre 300?000 sur iPad”, précise Patrick de Carvalho. En 2016, le cabinet d’analyse IDC prévoit un avenir très compétitif.
À l’échelle internationale, iOS atteindra 49,7% de parts de marché et Android 39,7%. L’arrivée de Windows 8 pourrait arbitrer le match Android vs Apple iOS, mais sa progression est encore lente. En octobre2012, sa part de marché atteignait 0,41%. Quatre mois plus tard, elle n’est qu’à 2,67%. La magie n’opère pas. D’autant que le retrait par Samsung de la commercialisation de la tablette ATIV Tab aux États-Unis et dans une partie de l’Europe, a écorché la réputation de Microsoft. Le coréen s’est rendu compte du manque d’engouement des tablonautes pour Windows et de quelques anomalies. L’arrivée de Windows 8 et Windows RT va permettre à Microsoft de gagner 10% du marché. La multinationale américaine devra faire preuve de patience avant d’avoir sa part du gâteau.
L’appât du prix
En trois ans, de nouvelles marques ont inondé le marché des tablettes. Nexus, Amazon, Sony, Samsung Galaxy, Archos, Assus, la liste est longue. Trop longue? La multiplication des modèles crée une guerre du low cost, où à trop vouloir limiter les coûts de production, la qualité du produit en pâtit. Avant, il fallait compter plus de 1?000?€ pour acheter une tablette. En 2011, le prix moyen était 417?€. Actuellement, il est fixé à 325?€. Cette tendance à la baisse va se poursuivre encore. Pour 2013, le prix moyen attendu est à 264?€. “À terme, j’ai peur que cette tendance stagne un peu trop vers le bas. Et pourquoi pas alors arriver à une tablette à 40?€?”, s’interroge Nicolas Ruiz, fondateur et président d’eviGroup, constructeur de matériel informatique. Selon lui, il faut savoir se différencier soit par les logiciels, soit en ajoutant des éléments qualitatifs à la tablette.
Sofa computer
Même si elle est pratique à emporter, la tablette a encore du mal à quitter le domicile. 81% du temps d’utilisation ont lieu de chez soi contre 19% à l’extérieur, analyse l’enquête REC+ de GfK. Et les usages diffèrent. “Les pics de trafic de navigation sur la tablette ne se croisent pas forcément avec ceux sur ordinateurs”, note Maxime Topolov, co-fondateur et directeur technique d’Adyax. Sur tablettes, les gens se connectent très tôt le matin à 8h et tard le soir. Les tablonautes surfent sur Internet, consultent les actualités, écrivent et lisent leurs emails, regardent des vidéos, se connectent aux réseaux sociaux et jouent à des jeux. Selon Cédric Tamboise, elle simplifie la vie: “Avant, les internautes utilisaient l’ordinateur à la maison. Cela impliquait un déplacement. Le démarrage est long. C’est contraignant. La tablette a transporté Internet à des endroits où il n’était pas présent. Et la facilité d’accès est grande : elle est déjà allumée et connectée.” Résultat: les ordinateurs sont de moins en moins utilisés par les détenteurs de tablettes. Ces dernières sont même devenues un deuxième écran à part entière: en 2011, le groupe Fullsix indiquait que 90% des possesseurs de tablettes s’en servent alors qu’ils regardent la télévision. Mais l’ordinateur ne va pas encore disparaître: 70% des Français ont indiqué qu’ils ne l’échangeraient pas pour une tablette. L’avenir, HD, Dell ou encore Lenovo l’ont compris en proposant des ordinateurs à écran et clavier amovibles. “Les ordinateurs hybrides sont une nouvelle tendance. C’est une évolution. Les prix baissant, il n’y a plus d’intérêt à fabriquer un netbook simple, alors qu’on peut mettre un écran tactile et détachable”, atteste Nicolas Ruiz.