Rencontre avec Patrick Dujeux, directeur général

Inébranlables. Les outlets, contrairement aux centres commerciaux classiques, ne connaissent pas la crise. Ni dans leur fréquentation, ni dans leur chiffre d’affaires, estimé par Xerfi à environ 1,1?Mds€ en 2017. S’ils se positionnent derrière les sites de vente privée (mais devant les enseignes de déstockage), les centres de marques restent relativement épargnés par le web. “On aurait pu croire qu’Internet nous aurait rendu les choses plus difficiles mais non. Le marché progresse de 2% à 3% chaque année depuis 15 ans”, affirme Patrick Dujeux, directeur général de Marques Avenue (Concepts et Distribution). Le réseau a même réalisé 500?M€ de chiffre d’affaires en 2017, soit sa plus belle performance depuis son existence. Mieux éduqués aux prix, les consommateurs ne cèdent plus si facilement aux sirènes du web. “L’achat radin s’est transformé en achat malin”, résume le directeur. Logique. Tant qu’à faire 200 à 300 kilomètres pour se rendre dans un outlet pour profiter de rabais allant de 30% à 70%, autant qu’ils soient appliqués sur une valeur initiale élevée et non sur un prix cassé. Par ailleurs, on observe une montée en gamme des attentes des consommateurs. Les outlets relookés Oubliés les entrepôts boîtes de chaussures en périphérie des villes, les clients veulent du beau et de l’expérientiel. “Les consommateurs attendent certes des prix, sur des produits issus de collections passées mais aussi des boutiques qualitatives comme on en trouve en centre-ville”, observe Patrick Dujeux. Pour la conception de ces centres, Marques Avenue a ainsi travaillé avec les architectes Wilmotte et Saguez qui ont redéfini des univers spécifiques à chacun des outlets. “Il était important de déculpabiliser le consommateur”, indique le directeur. Celui d’Aubergenville (Yvelines), par exemple, tout en bois, évoque les villégiatures de bord de mer. Ensuite, parce que faire du shopping pendant 5?heures – la durée moyenne d’une visite en outlet est de 2h à 5h – n’est pas envisageable, les créateurs de centres de marques ont imaginé un nouvel espace de vie, partagé entre les aires de jeux pour les enfants, les lieux de restauration et de repos, des animations. En somme, ils en veulent pour leur argent. De fait, si les centres commerciaux traditionnels comptabilisent environ 40 visites par an, les outlets n’en enregistrent que deux ou trois. En revanche, le panier d’achat est bien plus élevé, estimé entre 150 et 270?euros par passage. Et surtout, les gens viennent pour acheter: ”le taux d’acheteurs de nos outlets est de 85% et 9 visites sur 10 se transforment en achat. C’est une vraie démarche de la part des consommateurs”, explique Patrick Dujeux. Preuve que l’outlet est un commerce de destination plus que de balade. Chasse au trésor En outre, le concept plaît: selon une étude réalisée par OpinionWay en 2017, quatre Français sur cinq déclarent être prêts à effectuer un trajet allant jusqu’à 60 minutes pour se rendre dans un outlet. Pour Patrick Dujeux, la raison de cet engouement se résume en un seul mot: le plaisir. “Ce n’est pas difficile de trouver un pull Comptoir des Cotonniers à -50% sur Internet, mais côté expérience d’achat, c’est beaucoup moins sympa”, assure-t-il. La chasse à la perle rare, la farfouille dans les rayons pour trouver LA pièce que l’on attendait depuis un an, à prix soldé est un enjeu aussi économique que psychologique. Le shopping devient challenge, il revêt donc un sens et une finalité. Chez Marques Avenue, tout le parcours client a été repensé pour faire vivre pleinement cette expérience au client. Notamment, en prenant soin de toute la famille, la cible prioritaire de ces centres commerciaux. Quatre espaces enfant ont ainsi été créés, gérés par des animateurs chargés de s’occuper des enfants. “On ne se contente pas de mettre un bassin de balles au milieu du centre. On propose aux enfants de vraies activités de loisirs créatifs pendant que leurs parents font les courses”, note le directeur. Marques Avenue compte aujourd’hui 9 centres en France, plus de 700 boutiques et un panel de 400 marques partenaires allant de Lacoste à Lancel, en passant par Nike, Claudie Pierlot, Darel… Des marques au positionnement premium, de luxe abordable, les maisons de couture françaises rechignant toujours à vendre dans des centres de marques (à l’exception de La Vallée village). Une offre qui se diversifie Puisque le développement du réseau ne pourra, a priori, pas s’opérer par le très haut de gamme, celui-ci joue plutôt la carte de la diversification. “Nous voulons apporter plus de services et une offre élargie, comme c’est le cas notamment en Angleterre et aux États-Unis, pour attirer une clientèle qui viendrait de plus loin”, annonce Patrick Dujeux. Aux côtés des enseignes de prêt-à-porter qui constituent pas moins de 85% du marketing mix des outlets, apparaissent désormais des Jeff de Bruges, Haribo, The Body Shop, Repetto. “Nous allons sur de nouveaux secteurs auxquels les consommateurs sont réceptifs. De plus, cela permet aux marques de réutiliser leurs innovations industrielles – packaging, parfums, éditions limitées – dans un circuit secondaire”, poursuit-il. Redonner, en somme, une deuxième vie à des produits destinés à être stockés. Dans le centre de marques historique du réseau, basé à Romans-sur-Isère (Drôme), on y trouve également un Colombus café. “L’offre de restauration est devenue un axe majeur pour les outlets”, souligne le directeur. Le réseau mène, depuis 15 ans, une stratégie offensive de recrutement d’enseignes. “Nous échangeons en permanence avec les marques, qu’elles soient naissantes ou historiques”, ajoute Patrick Dujeux. Si les jeunes marques ne sont pas encore candidates au déstockage, elles en exprimeront sans doute le besoin au cours de leur croissance. “À partir de 15 à 30 boutiques, les marques ont besoin de déstocker car le surstock dépasse de 5 à 10% les stocks initiaux”, apprend-on. Les futures Maje, Sandro et The Kooples sont donc à venir et Marques Avenue, prêt à les accueillir.

Rencontre avec Patrick Dujeux, directeur général

Marques Avenue : Des outlets qui évoluent avec leur temps