
Des produits bio, Planet-score A, 100 % naturels et fabriqués en France. C’est le credo de l’entreprise Le Coq Noir, spécialisée sur la cuisine du monde et engagée dans une démarche de décarbonation. Propos recueillis par Catherine Batteux
Entretien avec Thibaut de Leusse, directeur général
« Vous vendez du poulet ? », lui demande-t-on, parfois, sur les salons. Thibaut de Leusse, le directeur général de la PME sourit et explique : « Le Coq Noir est une entreprise bio, labellisée PME+, engagée, qui évolue sur l’univers du végétal. Nous sommes spécialisés sur la cuisine du monde avec des produits 100 % naturels, fabriqués en France, sans conservateur, ni additifs ou arômes artificiels, et qui bénéficient tous d’un Planet-score A ». Alors pourquoi Le Coq Noir ? Parce que le coq, sur un bateau, c’est le cuisinier. Et le cofondateur de l’entreprise, Claude Lacasse, aimait se représenter comme le cuisinier du bateau qui ramenait les épices de La Réunion jusqu’en France métropolitaine. Son épouse, Frédérique, est née à Tananarive et a vécu à La Réunion et à Madagascar où sa famille cultivait le café et les épices. Il n’en fallait pas plus pour qu’en 1979, ils créent ensemble l’entreprise à Aubignan, dans le Vaucluse, afin de partager leurs recettes créoles. Depuis, l’entreprise a fait du chemin. En 1992, la société familiale s’installe dans ses locaux actuels, à l’Isle-sur-la-Sorgue. En 2009, c’est leur fille, Alix et son mari Joël, qui reprennent l’entreprise et la développe. Un an plus tard, la première gamme bio est créée et, en 2018, Le Coq Noir devient une marque 100 % bio. Nouvelle étape en 2021, la société est transmise au groupe Natimpact, la première fédération de PME agroalimentaire bio, responsable et durable. Avec 40 personnes, Le Coq Noir réalise un chiffre d’affaires d’environ 7 M€ dont 2 M€ en réseau bio (1 400 points de vente) et 2 M€ en GMS (600 points de vente), avec une présence, notamment, chez Carrefour, Monoprix, Coopérative U, Intermarché et E.Leclerc.
Points de Vente : Depuis 1979, vous proposez des produits naturels, sans additifs, édulcorants, émulsifiants, texturants… Comment avez-vous procédé ?
Thibaut de Leusse. Oui, c’est vraiment l’ADN de la marque. Nous sommes allés un peu à rebours de l’industrie agroalimentaire. Aujourd’hui, nous n’avons pas besoin de faire du clean label, très à la mode en ce moment, puisque nous le faisons depuis toujours. Nous proposons des recettes « comme à la maison », avec des produits iconiques comme les achards de légumes : nous sommes d’ailleurs les seuls à les proposer sans stérilisation, avec un produit qui se conserve 3 ans. Nous avons tout un tas de petits secrets de fabrication qui font que nous parvenons à éliminer tous les risques pathogènes, un peu comme nos grands-mères le faisaient. C’est beaucoup de bon sens. Nous travaillons également avec des produits très concentrés, ce qui nous permet de ne pas avoir à rajouter de texturants ou d’épaississants. Nos sauces, par exemple, contiennent peu d’eau. Alors, évidemment, nous sommes sur un positionnement prix plutôt premium, mais avec des produits naturels, de qualité et qui ont du goût.
Vous êtes passés en 100 % bio en 2018. Pourquoi ?
C’est l’autre ADN de l’entreprise. Nous avions déjà une gamme bio qui avait été initiée par Alix, ainsi que notre marque Mamabé dédiée au réseau bio. Nous nous sommes dit qu’il fallait asseoir une cohérence globale. Puisque nous étions clean dans nos process, il fallait aussi être le plus clean possible d’un point de vue agricole. Et le cahier des charges bio était celui qui proposait le plus de garanties pour soutenir cette cohérence. Nous voulions aussi soutenir la filière et les agriculteurs bio et apporter une réassurance aux consommateurs. La crise du bio est ensuite passée par là. Mais nous n’avons pas varié de stratégie. Nous avons fait le dos rond, et nous sommes en croissance continue depuis 5 ans.
Comment faites-vous pour sourcer vos matières premières bio ?
Nous avons l’habitude de dire que tout ce qui pousse en France – et qui est économiquement pertinent -, nous le sourçons en France. De fait, 60 % de nos approvisionnements sont français, comme la tomate, l’huile de tournesol, nos légumes, le basilic pour le pesto… En revanche, le citron vient d’Italie et du Maroc, et l’huile d’olive française n’étant pas assez compétitive, nous nous fournissons en Espagne. Globalement, 20 % des approvisionnements hors France viennent d’Europe, et 20 % du reste du monde, comme pour les épices ou le gingembre. Nous apportons un soin particulier à sourcer le plus finement possible avec la plus grande traçabilité. Par exemple, notre soja est français. C’est un choix délibéré qui garantit zéro déforestation et zéro OGM. Nous avons aussi relocalisé des produits en France, comme la filière du piment qui, de l’Italie, est désormais cultivée en Provence, à quelques kms de notre usine. Une dizaine de partenaires agriculteurs nous livrent directement. Nous transformons environ 25 t de piments par an.
Comment ont évolué vos gammes de produits et quelles sont vos récentes innovations ?
Depuis La Réunion, nous avons élargi notre territoire pour nous diversifier sur la cuisine du monde. Nous avons désormais 40 références réparties en 9 gammes : curries, achards, sauces chaudes (mafé, colombo…), sauces soja, aides culinaires (citrons confits, pâte de coriandre…), piments, légumes cuisinés (Kalu Pol, Kisamvu), préparations faciles (base pour Pad Thaï, pour Tikka Masala)…
En avril dernier, nous avons lancé une gamme de plats cuisinés, Boca’Lunch, avec 4 références dont un yassa de courgettes et une chakalaka, une recette sud-africaine. L’idée était de développer des recettes saines, prêtes en quelques minutes au micro-ondes. Nous voulions aussi nous affranchir du doypack afin d’être plus éco-responsables et conserver toutes les qualités organoleptiques des produits. Nous avons donc opté pour des bocaux en verre dans lesquels on peut manger directement. Nous avons également lancé des soupes autour de recettes authentiques, comme la fassolada grecque ou la harira marocaine. Et l’an prochain, nous allons proposer un plat traditionnel de Bali, le nasi goreng.
Au-delà de la diversification des gammes, nous voulons toucher différents moments de la semaine où l’on a plus ou moins le temps de cuisiner, avec des sauces, des soupes, des plats prêts à l’emploi, ou des aides culinaires et des condiments pour ce que j’appelle la cuisine du week-end.
Le Coq Noir est labellisée PME+ et agriculture biologique et soutient également le Planet-score, pourquoi ?
Au-delà du label bio et du Nutri-Score, notre politique est de répondre aux exigences du Planet-score A. Nous considérons que, même si la bio participe à la préservation de l’environnement, ce n’est pas suffisant. Il faut aller plus loin, par exemple sur les émissions de gaz à effet de serre. Le Planet-score nous permet de mieux évaluer les produits que nous voulons développer. Si l’on s’aperçoit que nous ne pourrons pas atteindre le niveau A, alors nous changeons la recette.
Dans le contexte actuel, on parle de moins en moins d’environnement. C’est de plus en plus difficile pour les entreprises engagées d’exister et d’obtenir des référencements. Il faut que les choses bougent collectivement, parce que nous sommes en train de reculer, et ce n’est bon pour personne. Je souhaite que les produits à impact soient de plus en plus poussés dans les magasins. Et pour cela, je souhaite que les consommateurs puissent acheter ces produits. Il faut donner des débouchés aux agriculteurs bio qui ont dû faire 3 ans de conversion et qui, pour certains, vendent désormais moins cher qu’en conventionnel. Il faut aussi soutenir les agriculteurs conventionnels, parce que le bio tout seul ne suffira pas.
Que faites-vous pour réduire vos émissions de CO2 ?
Nous avons initié une démarche de décarbonation qui s’appuie sur une technologie solaire à concentration. L’objectif est de supprimer 75 % du gaz servant aux process de production, comme pour la cuisson et la stérilisation des produits. Concrètement, la centrale solaire à concentration va produire 75 % de la vapeur utilisée par l’usine sur un an, grâce à un fluide caloporteur qui circule en circuit fermé entre le champ solaire, le stockage thermique et l’évaporateur. Un contrat a été signé avec Alto Solution qui attend des financements, notamment européens, avant de commencer l’installation. C’est difficile, mais le climat s’emballe et nous n’avons d’autres choix que d’accélérer notre décarbonation et améliorer toujours notre impact positif.



























