Des produits éco-responsables, efficaces, sains pour l’homme et respectueux de l’environnement. Telle est la feuille de route Innovation de la PME familiale choletaise pour ses gammes de détergents naturels et de cosmétiques bio.
Samuel Gabory, PDG du groupe Nature & Stratégie:
L’histoire commence il y a une quarantaine d’années. « La première société du futur groupe Nature & Stratégie a été créée par ma maman qui faisait des allergies cutanées à des lessives, probablement à cause des parfums », raconte Samuel Gabory, PDG. Jeanine Gabory part à la recherche de produits plus naturels. Sans succès. A l’époque, l’offre en éco-produits est quasi inexistante. Elle décide, alors, de créer sa propre marque en vente à domicile en s’adossant à plusieurs laboratoires pour la fabrication. « Et elle est partie sur la route pour vendre ses produits. C’était compliqué pour une femme, dans les années 80, quand vous habitez un village de 800 habitants et que vous voulez développer des produits respectueux de l’homme et de l’environnement. On l’a un peu prise pour une farfelue. Personne ne pensait que cela fonctionnerait », se souvient-il. Et cela a fonctionné.
Une dizaine d’années plus tard, Samuel Gabory se lance dans l’aventure en créant le laboratoire Alvend pour fabriquer ses produits. « Elle avait souvent des problèmes avec ses sous-traitants. L’innovation était importante, mais elle ne pouvait pas la maîtriser », précise-t-il. Puis, en 2000, lorsque Jeanine Gabory prend sa retraite, son fils reprend la partie commerciale, développe d’autres produits et d’autres marques, d’abord pour le circuit bio (Comptoir des Lys avec aujourd’hui une douzaine de marques dont Etamine du Lys). Pure, le réseau de vente à domicile est lui créé en 2015, à la suite à d’une croissance externe. Et dans les années 2020, Nature & Stratégie lance deux marques à destination de la GMS au sein du Laboratoire B Blanche : Jardin de l’Apothicaire pour la cosmétique et Doux Logis pour les détergents. Aujourd’hui, le groupe de 200 salariés et 650 conseillères en vente à domicile est spécialisé dans la formulation et la fabrication de détergents écologiques, ainsi que de cosmétiques bio à destination de tous les réseaux, avec une offre personnalisée et différenciée pour chaque système de distribution (vente à domicile, réseau bio, GMS) dont les produits sont tous fabriqués par le Laboratoire Alvend. « La culture de la clientèle, l’acceptation prix, ou encore la concentration des produits est spécifique à chaque circuit », Samuel Gabory, qui est aussi vice-président de l’association Cosmebio.
Points de Vente: Qu’est-ce que l’innovation pour vous ?
SG: L’innovation doit vraiment apporter quelque chose à tout le monde. Au consommateur, avec un produit simple et non agressif pour sa santé. A l’environnement, avec des ingrédients d’origine renouvelable pour éviter de puiser dans les ressources de la planète et avec une très bonne dégradabilité. Pour nous, l’innovation touche aux matières premières, au packaging, à l’économie circulaire, à l’information sur l’utilisation du produit en fonction de la concentration de la formule. Autrement dit, on ne prend pas l’innovation par le petit bout de lorgnette en s’attachant uniquement à la technologie. Nous n’inventons pas tous les jours de nouveaux tensio-actifs ou de nouveaux nettoyants ! J’ai dû mal à comprendre la logique de certaines marques qui se veulent innovantes en proposant des nettoyants au vinaigre ou celles, à l’inverse, qui nous parlent, par exemple, de polyphénols de raisin associés à de la recherche à Harvard. C’est certainement de l’innovation sur le papier. Mais qu’apportent-elles au consommateur, à l’environnement, à l’éco-conception ? Je n’en sais rien.
PDV: Qu’est-ce qu’un produit innovant, alors ?
SG: Ma philosophie est de dire que je ne vends pas de l’innovation ou de la certification bio, mais un produit éco-responsable qui est efficace, sain pour le consommateur et respectueux de l’environnement avec un impact réduit au maximum.
Pour cela, nous nous approvisionnons le plus localement possible, sauf pour certaines huiles essentielles comme le niaouli ou le ravinstara qui ne poussent pas en France. Nous avons, aussi un cahier des charges précis sur la façon dont les matières premières végétales sont transformées. On voit souvent certaines publicités indiquant que les ingrédients sont 100% d’origine végétale. Mais parfois, il y a des km de chimie associés au végétal. Dans notre cahier des charges, la partie végétale et la partie de synthèse sont clairement identifiées.
Notre spécificité, en tant que spécialiste des produits nettoyants et d’hygiène, c’est avoir su mettre en place des tensio-actifs d’origine française dès les années 2000. A l’époque, les agriculteurs ne savaient comment valoriser leur paille. Des centres de recherche de coopératives agricoles se sont penché sur le sujet et ont compris que la chimie du sucre présent dans la paille et le son du blé pouvait être intéressante. D’abord, le sucre est biodégradable à 100%. Ensuite, il constitue un tensio-actif sain : c’est un agent doux et nettoyant.
PDV: Et sur le packaging ?
SG: C’est un sujet complexe où il n’y a pas qu’une solution. Par exemple, il y a eu une grande mode du PE végétal. Sauf que cela ne résout rien. Il est souvent issu de la canne à sucre qui pousse très loin. Sans compter qu’il n’est pas recyclable à l’infini. Nous avons plutôt privilégié des packagings 100% recyclables, 100% recyclés. Nous sommes en PET 100% recyclé. Nous avons aussi réduit nos emballages avec des doypacks recyclables. Enfin, nous avons travaillé sur des solutions concentrées afin que le consommateur ne transporte pas de l’eau, mais complète le produit chez lui au robinet.
PDV: Et le vrac ?
SG: C’est un sujet d’actualité sur lequel nous travaillons beaucoup en nous appuyant sur 3J Développement qui s’occupe de mettre en place les machines. Nous avons développé l’offre vrac en magasin spécialisé sur nos deux gammes. En GMS, qui a pris un peu de retard sur ce rayon, nous sommes plutôt en phase de test de nouveaux concepts.
PDV: Avez-vous constaté des freins dans le contexte actuel ?
SG: Nous avons très bien travaillé pendant la crise sanitaire qui a d’ailleurs poussé la demande en produits d’hygiène et de désinfection. C’est une période où l’on a dû beaucoup innover. Dans le contexte actuel, il s’agit aussi essayer de retrouver de l’autonomie. La ferme familiale de la Chaltrie où je suis né, produit nos matières premières biologiques à forte valeur ajoutée. Jusque-là, j’achetais mon huile de tournesol à l’extérieur. Mais cette année, je vais semer du tournesol et saponifier mes huiles. Je me trouve plus à l’aise et plus armé que si j’étais complètement dépendant de mes sous-traitants et fournisseurs. C’est vrai qu’en GSA, il n’y aucun fabricant de lessives qui a des terres et fait pousser ses ingrédients ! Mais je souhaite aller vers plus de verticalité.
PDV: Et demain ?
SG: Nous allons continuer le travail sur nos 3 jambes. D’abord la partie technique avec le lancement d’une nouvelle gamme bébé avec un ingrédient qui nous est propre et que nous faisons pousser. Sur la partie sociale, nous travaillons au niveau du groupe sur une certification RSE avec le réseau Synabio et le label Bio Entreprise Durable. Enfin, nous intensifions notre travail sur le vrac afin d’adapter ce système de distribution aux magasins, en fonction de leur taille, de l’implication des équipes et de leurs objectifs. Le seul nuage que je vois, c’est la règlementation, complètement paradoxale. La loi Agec a vu le jour pour limiter le plastique et, finalement, cette règlementation aimerait interdire le vrac.
PDV: Comment ça ?
SG: On peut trouver toutes les bonnes raisons. On va dire que notre produit vaisselle comporte un étiquetage « irritant » et qu’il est donc dangereux se de servir tout seul. Pourtant, à la station-service, un gamin de 10 ans peut faire le plein sans problèmes. Ca fait plus de 10 ans qu’il y a du vrac en magasin et il n’y a jamais eu d’accidents !
PDV: Etes-vous en train de me dire que certains acteurs ne voient pas le développement vrac d’un si bon œil ?
SG: On peut vraiment se poser la question. C’est un nouveau modèle économique, donc cela embête beaucoup de monde. Quand la loi dit qu’en janvier 2023, 20% des surfaces de vente des magasins de PGC de plus de 400 m2 devront être consacrées aux produits sans emballages primaires, dont le vrac, cela pousse tous les industriels – et les spécialistes de l’emballage – à remettre en cause leur modèle économique. Mais on doit y aller, c’est le sens de l’histoire. Il faut dire aussi que l’administration française, qui vient juste de prendre le sujet à bras le corps, est un peu zélée. C’est dommage. Dans d’autres pays, comme la Belgique par exemple, des groupes de travail entre industriels, administration et associations de consommateurs réfléchissent ensemble pour développer le vrac. Ici, on freine des quatre fers, on recommande l’interdiction du vrac pour les lessives et les produits détergents. Et sur la cosmétique, les discussions recommencent, alors que les produits labellisés Ecocert ont des cahiers des charges extrêmement pointus. L’esprit de la loi est bon. Mais j’aimerais que l’on puisse tous vraiment se mettre autour de la table. Sauf qu’en France, on ne se sait pas faire. La limite à l’innovation aujourd’hui, c’est vraiment la règlementation.