
Les négociations commerciales annuelles ont pris fin samedi 1er mars sous le signe de tensions accrues. Selon les industries agroalimentaires, de nombreux contrats ne sont toujours pas signés.
Comme chaque année, les tensions montent. Et les fédérations professionnelles s’invectivent par communiqués et déclarations interposés. « Déconsommation et instabilité réglementaire : tout était réuni pour que cela se passe mal », a réagi sur X l’Ilec, l’Institut de liaisons des entreprises de consommation qui regroupe une centaine d’entreprises fabriquant des PGC alimentaires et non alimentaires. Au 4 mars à la mi-journée, alors que les négociations commerciales ont pris fin le 1er mars, l’organisation a constaté que seulement 64% des accords étaient signés. « La grande distribution ne respecte pas la loi », avait déjà souligné Nicolas Facon, le PDG de l’Ilec, sur RMC, le 27 février.
La FCD se défend
La réaction de la FCD ne s’est pas fait attendre. Alors que les négociations commerciales étaient sur le point de se terminer, la Fédération du commerce et de la distribution a publié un communiqué de mise au point, le 28 février, afin de dénoncer « le débat public autour des négociations commerciales qui a dépassé tous les niveaux de caricatures et de contre-vérités ».
En ligne de mire, par exemple, la grande distribution qui ferait des marges de 40% sur les produits. La FCD souligne que si l’on descend en bas du compte de résultat, on constate que la marge nette des distributeurs s’établit à 2%, les coûts de personnel, de logistique et de fiscalité représentant environ 25% à 30% du prix d’un produit. La FCD met également en avant les résultats publiés par l’Insee, le 28 février, qui font état d’une nouvelle hausse des taux de marge d’exploitation, excédent brut d’exploitation / valeur ajoutée (EBE/VA) observée du côté des industries agroalimentaires. Le taux de marge d’exploitation atteint 43,6% (+ 3,1 points par rapport à son niveau du T1 2024 et + 16 points par rapport au T1 2022).
La FCD revient également sur le fait que la distribution aurait des demandes inconsidérées de baisse de prix. « Peut-on qualifier d’inconsidéré les demandes qui ne reflètent pourtant que les baisses des coûts de production observées sur certains cours de matières premières, notamment en termes d’énergie et de transport ? », questionne la fédération. « Ce qui serait inconsidéré, ce serait plutôt de maintenir artificiellement des prix élevés qui alourdissent les caddies de tous les consommateurs alors que les coûts diminuent », estime-t-elle.
Dans le viseur également, la loi Egalim qui ne serait pas respectée par la grande distribution. « C’est encore faux », assure la FCD. Selon la fédération, tous les contrats seront signés, sauf rares exceptions. « La loi Egalim a été respectée, et ce sont surtout les multinationales qui ont retardé les accords en jouant la montre. Les PME ont, quant à elles, signé bien en amont », ajoute-t-elle.
La FCD souligne que ces négociations ont « une nouvelle fois mis en évidence une opacité persistante des grands industriels : le prix réel de la matière première agricole reste méconnu. Egalim doit évoluer pour garantir une transparence totale sur cette donnée clé », insiste-t-elle.
Une situation intenable selon la Feef
De son côté, la Fédération des entreprises et entrepreneur de France (Feef), qui représente les industriels PME-ETI, alerte sur l’urgence d’adapter le cadre actuel de la relation industrie-commerce : « Les négociations commerciales 2025 viennent de s’achever et les industriels PME-ETI en ressortent encore plus fragilisés, faute d’avoir pu obtenir un juste prix », indique-t-elle. 62% des industriels craignent, ainsi, que l’année 2025 sera pire que l’année 2024 pour leur activité. La Feef estime que malgré une demande d’évolution tarifaire raisonnable de +3% en moyenne en début de négociations – demande nécessaire, selon elle, pour faire face à la hausse des coûts de production -, le premier bilan a montré que les PME-ETI ont dû accepter des baisses de tarifs entre 0 et -1%. « Une situation intenable pour ces entreprises dont l’équilibre économique est déjà fragile », souligne la Feef.
Alors qu’une nouvelle réforme d’Egalim devrait voir le jour dans quelques semaines, la Feef appelle à une évolution urgente du cadre des négociations commerciales. D’abord en adaptant les règles de négociation à la taille des entreprises, puis en garantissant un cadre économique viable aux PME-ETI. Il s’agirait de « sanctuariser leurs tarifs en centrant les négociations commerciales sur le contenu du plan d’affaires, comme cela se pratique dans la grande majorité des pays dans le monde, ce qui permettrait de redonner de l’oxygène aux PME-ETI », conclut-elle.
Menaces quasi systématiques de déréférencement
Même constat du côté de Pact’Alim qui porte la voix des PME et ETI française de l’alimentation : « Les tendances observées lors des précédents cycles de négociation annuel se confirment et s’aggravent, menaçant directement la compétitivité des PME et ETI du secteur agroalimentaire ».
Dans son dernier sondage auprès de ses adhérents, Pact’Alim a constaté que près d’un quart des entreprises (24%) n’ont pas conclu l’ensemble de leurs accords avant la date butoir du 1er mars. « Nous constatons également une déflation imposée et une absence de prise en compte des coûts de production », précise l’organisation. Dans 59% des accords conclus, les hausses des matières premières agricoles ne sont pas couvertes (contre 42% en 2024), et ce taux grimpe à 80% pour les matières premières industrielles (contre 73% en 2024).
Pact’Alim dit aussi avoir observé des pratiques de négociations de plus en plus agressives avec des demandes de baisses de prix systématiques qui restent la norme (92% les entreprises) et, à la clé, des menaces de déréférencement (fréquentes à systématiques dans 81% des cas), des exigences d’avantages sans contreparties (dans 72% des cas), et des pressions pour des alignements tarifaires forcés (65% des négociations).
« La conséquence de ces constats est une dégradation des plans d’affaires qui menacent directement l’équilibre des entreprises. 52% d’entre elles estiment que l’évolution de leurs plans d’affaires n’est pas en corrélation avec celle des prix négociés », observe Pact’Alim qui appelle de toute urgence à une réforme des lois Egalim afin que « des mesures d’ajustement soient prises pour garantir un cadre de négociation équilibré, qui respecte l’esprit des lois Egalim, et permette aux entreprises de couvrir leurs coûts de production ».
C.B.