Regard pétillant d’un bleu marin et grand sourire à l’image de la passion qui l’anime. Philippe Casas, c’est l’expert café de Jacques Vabre. Sur la mezzanine du stand de la marque, au sein du Village départ de la Transat Jacques Vabre qui s’est ouvert le 29 octobre au Havre, il emplit l’espace avec son envie de transmettre son métier, « faire la connexion entre le goût du café et ce qui se cache derrière ». Capable de reconnaître, lors d’une dégustation à l’aveugle, les différents types de café, leur origine, leur pourcentage dans l’assemblage et le temps de torréfaction, Philippe Casas agit sur chaque curseur, comme derrière une table de mixage, pour faire naître le café idéal. « Nous ne souhaitions pas aller dans les extrêmes, mais apporter de la rondeur pour un résultat équilibré », note-t-il. Pour nous faire goûter son dernier-né, il pèse le café, habille sa Chemex d’un filtre relativement épais, fait bouillir l’eau à 90° pas plus, arrose une première fois la mouture pour faire ressortir le CO2, puis y revient avec des gestes précis, mesurés. Et… il raconte… Car l’histoire n’est pas banale. Ce dernier-né est un cru d’exception, un café 100% français, élaboré à l’occasion de la Transat Jacques Vabre, dont la marque du groupe JDE est co-organisatrice depuis 30 ans. Afin d’honorer la Martinique, terre de café historique qui accueillera cette année l’arrivée des skippers, Jacques Vabre dévoile une édition très limitée (du 29 octobre au 7 novembre, dates d’ouverture du village départ) qui sera disponible également au Bon Marché, à Paris. Une édition rendue possible grâce à la réintroduction de la culture du café, en 2017, par une dizaine de producteurs au sein du Parc Naturel Régional de la Martinique (PNRM), après deux siècles d’absence. Avec des grains d’Arabica Typica, une variété considérée comme l’une des meilleures au monde, avec le Blue Mountain de Jamaïque.
Quand Gabriel (re)fait parler de lui
Sur le stand de la marque comme sur les pontons, il y un nom qui revient sans cesse. Celui du chevalier Normand, Gabriel de Clieu. En 1721, il se voit confier des plants de caféiers Arabica Typica jusqu’alors soignés par les jardiniers du Roi Louis XIV. Sa mission : les transporter jusqu’en Martinique afin d’y établir la culture du café. Mais la route est semée d’embûches. « Le voilier subit une attaque de pirates, puis une tempête suivie d’une pétole qui contraint le capitaine à imposer à un strict rationnement d’eau pour la survie de l’équipage… comme de celui des plants de caféier. D’ailleurs, il s’est lui-même privé d’eau pour les sauver. C’est une histoire incroyable ! » livre Gilles Lamiré, enthousiaste tenant du titre de la Transat Jacques Vabre 2019 en multicoques de 50 pieds et qui prendra le départ avec Yvan Bourgnon à bord de l’Ocean Fifty GCA – 1001 Sourires. « Pour cette édition, après la Colombie, le Brésil et le Costa Rica, nous cherchions une destination qui réponde à 3 critères : sanitaire, sportif – avec 4 classes engagées : Ultime, Imoca, Ocean Fifty et Class 40-, mais aussi un parcours qui raconte une histoire. Et celle de la Martinique et de Gabriel de Clieu étaient parfaites, explique Marc Dujardin, directeur marketing France de JDE. L’histoire, en effet, ne s’arrête pas là. Une fois arrivés à bon port, les caféiers emmenés par Gabriel de Clieu sont replantés. Après 18 mois, une première récolte, abondante, permet de donner le coup d’envoi de la culture du café en Martinique, avec notamment, des exportations dans toutes les Caraïbes puis en Amérique centrale et du Sud. Mais vers 1800, l’apparition de maladies s’attaquant aux plants et l’avènement de nouvelles cultures, plus prospères, comme la canne à sucre, font chuter la production de café. Il faudra attendre les années 2010 pour que commence la recherche des pieds mères d’Arabica Typica… et 4 années pour analyser plus de 4 000 échantillons et trouver « trois pieds sur une toute petite parcelle dans un jardin », souligne Philippe Casas. A partir de là, le PNRM a pour mission de relancer cette production d’excellence.
Soutenir la filière Arabica Typica
Dans cette démarche, Jacques Vabre s’engage auprès des producteurs martiniquais, en développant conjointement avec le Cirad (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement) et le PNRM, un projet solidaire à destination des producteurs de café de l’île. « L’initiative s’inscrit, plus largement, dans le programme Common Grounds du groupe JDE, construit en partenariat avec Rainforest Allaince, dont l’ambition est d’assurer un approvisionnement en café et en thé à 100% issu de sources responsables d’ici 2025 », précise Marc Dujardin. Après un premier état des lieux de la filière Arabica Typica effectué par un expert du Cirad pour identifier les principales difficultés rencontrées par la dizaine de producteurs martiniquais, le projet, pour les trois prochaines années, s’attachera à préserver la filière, mais aussi à développer et pérenniser la culture du café en Martinique. Avec, pour ambition, de lancer prochainement une production labellisée de ce café rare.
En attendant, sur les pontons du Havre, se rejoue l’histoire. Stan Thuret et Mathieu Crepel, co-skippers du Class 40 Everial, s’apprêtent à embarquer un équipier particulier à destination de la Martinique : un plant d’Arabica Typica. Alors que les équipes Jacques Vabre proposent de le nommer « Jacques », les deux skippers répondent en chœur : « Non ! Ce sera Gabriel ! »