Pour la grande distribution, c’est un moyen efficace de maintenir des fréquences de livraison élevées tout en diminuant l’impact environnemental du transport. La mutualisation logistique reste, pourtant, très discrète et son approche limitée à quelques expériences. Il faut dire que la démarche est extrêmement lourde, structurellement, à mettre en oeuvre. Elle touche en profondeur aux organisations et implique un engagement mutuel, donc une forme d’interdépendance. Comme le souligne Eric Ballot, des Mines ParisTech, "il faut se mettre sous le même toit, partager des données et des véhicules ; il faut parfois déménager… les bénéfices de la mutualisation sont donc réalisés au prix de quelques contraintes pour l’agilité et la flexibilité des entreprises. Et ce sont ces contraintes qui freinent la généralisation de la mutualisation".
Le projet CEC Services soutenu par Déméter
Du coup, le projet CRC Services, sélectionné lors de l’appel à projets innovants 2012, prend ses ailes du côté du Club Déméter. Il a notamment été présenté à la profession lors des "Rendez-vous Déméter", le 14 novembre dernier. Il vise au dépassement de ces contraintes par l’innovation organisationnelle. "Il nous faut inventer un rouage entre industriels et distributeurs qui prenne la forme de petites plateformes de flux qui soient mutualisées en amont et en aval. Le principe est simple : on concentre els flux au niveau régional sur un point de livraison unique pour optimiser les chargements. Les industriels auront les moyens de grouper leur chargement à destination de plusieurs clients distributeurs. Et les distributeurs pourront être livrés en camions complets en provenance de plusieurs industriels. C’est de la mutualisation multi-multi. Nous appelons cela un centre e routage collaboratif", explique Xavier Perraudin, de la société 4S Network.
Mutualiser et rester autonome
Pour GS1, le CRC constitue une solution de mutualisation très ouverte puisque très standardisé. Comme le souligne Stéphane Cren, "il réceptionne, oriente, et expédie des palettes. Il publie toutes les informations de traçabilité selon un mécanisme standard (EPCIS). De ce fait, il représente un mode de collaboration très souple qui peut se dupliquer. On l’exploite ponctuellement ou régulièrement selon ses choix d’organisation". Et Eric Ballot, de Mines Paristech de renchérir : "En fait, l’approvisionnement via un CRC est si différente de l’organisation logistique actuelle qu’il a fallu en évaluer les propriétés et le potentiel par un travail de recherche issu de travaux plus théoriques sur l’Internet Physqiue. Sur le plan économique, nous pensons qu’un grand nombre d’acteurs seront en mesure de compenser le coût de la rupture de charge par l’optimisation du taux de chargement. Suivant le profil logistique de chacun, les économies pourront même aller très au-delà. Au plan environnemental, nous visons raisonnablement une réduction des émissions de CO2 de l’ordre de 25% sur les flux concernés".
Un laboratoire en 2014
Pour Jean-Marie Picard, co-fondateur du Club Déméter, "face à l’ambition élevée du projet et à sa vision très stimulante pour le long terme, on voit que l’on a été capable d’élaborer un mode opératoire, une charte de fonctionnement qui rendent les prochaines étapes très concrètes et très accessibles". A tel point que le Club Déméter envisage un premier CRC laboratoire au cours du 1er trimestre 2014 avec la participation des membres de l’association mais, aussi, "de manière très ouverte, de tout acteur industriel ou distributeur qui souhaiterait rejoindre et partager cette même ambition", conclut-il. Avis aux amateurs.