Pathétique ou juste tristement drôle. Au choix. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir alerté les pouvoirs publics sur l’infaisabilité du projet en l’état – au-delà de son inefficacité écologique et sa dangerosité certaine sur la santé des entreprises. C’est fait. L’écotaxe poids lourds est, une nouvelle fois reportée. Initialement prévue pour entrer en vigueur le 1er juillet, puis le 1er octobre, le ministre des transports, Frédéric Cuvillier, a annoncé, le jeudi 5 septembre, qu’elle sera, cette fois, effective au 1er janvier 2014. Histoire d’entamer l’année avec une autre petite taxe bien ficelée… Le ministre pointe des "dysfonctionnements persistants qui doivent être impérativement corrigés avant la mise en place du dispositif". Et pour cause : difficulté d’enregistrement des véhicules auprès d’Ecomouv, le prestataire mandaté par l’Etat pour collecter la taxe, dossiers incomplets ou comportant des erreurs, anomalies de facturation ont été constatés durant l’été. Aujourd’hui, seuls 20 000 poids lourds ont pu être enregistrés auprès d’Ecomouv sur les 800 000 camions concernés, dont 600 000 français. Difficultés du côté d’Ecomouv ? Transporteurs qui traînent des pieds pour s’enregistrer ? Sans doute les deux. On peut se demander si tout le monde sera prêt pour la nouvelle année… d’autant que la grogne des professionnels perdure et que les Municipales approchent. "Ce n’est pas de la mauvaise volonté des professionnels, mais un état de fait et els conséquences d’une usine à gaz imaginée par le gouvernement", explique Marc Hervouet, président de la Confédération du commerce interentreprise (CGI). En attendant, la vie des entreprises continue. Les négociations commerciales entre distributeurs et industriels vont commencer. Qui prendra en charge tout ou partie de cette écotaxe dont on ne sait, finalement, quand – et si- elle entrera en vigueur un jour.
Rappelons que le principe de majoration forfaitaire, a été négocié à l’arrachée par les transporteurs pour répercuter la charge de la taxe sur leurs clients donneurs d’ordre. De quoi soulever une bronca du côté des chargeurs qui les accusent d’enrichissement sans cause. Ambiance. L’affaire est encore plus radicale pour les entreprises de transport en compte propre, c’est-à-dire celles qui disposent de leur propre flotte de camions. Pourtant soumises aux mêmes contraintes que les transporteurs pour l’acquittement de l’écotaxe, elles ne bénéficient pas légalement de ce mécanisme de répercussion forfaitaire sur leurs clients. Au final, les tensions entre acteurs économiques sont ravivées. La pression sur les prix s’accentue. Et personne n’y gagnera rien, y compris l’écologie. Censé favoriser favoriser le report modal de la route vers le fer ou le fluvial pour ne pas polluer et encombrer les routes françaises, l’écotaxe taxera pourtant au même niveau les entreprises qui ont mis en place des transports multimodaux que celles qui utilisent uniquement le transport routier. Et les chargeurs ne seront pas incités à utiliser des transporteurs vertueux disposant de camions propres, puisque la taxe s’appliquera de la même façon que son prestataire soit équipé d’une Classe Euro 6 ou d’une poubelle. Quant aux camions étrangers traversant la France sur l’autoroute pour livrer à Marseille, ils ne paieront pas un centime d’écotaxe.
De leur côté, les petits transporteurs, aux marges quasi dans le rouge, verront probablement le dispositif protecteur qu’ils ont réclamé se retourner contre eux par le biais de négociations meurtrières sur les prix. Les petits chargeurs, déjà fragilisés, auront du mal à supporter seuls le poids de cette écotaxe qui atteindra entre 4% et 6% du budget transport, parfois plus. Quant aux grossistes-distributeurs agissant en transport pour compte propre, l’écotaxe pourrait peser entre 10% et 20% de leur résultat net ! Une aide précieuse pour la compétitivité des entreprises dans un contexte économique récessif…
Articles liés
Aucun article lié