Six mois. C’est le temps qu’il reste à Virgin Megastore pour séduire un repreneur. Un pari difficile pour l’enseigne qui pâtit aujourd’hui de ses erreurs stratégiques, sur un marché des biens culturels morose.
Ca passe ou ça casse. Le tribunal de commerce de Paris a tranché : Virgin Megastore va être placé en redressement judiciaire, conformément à la demande de la direction de Virgin Megastore, qui avait déposé un dossier de cessation de paiement le 9 janvier dernier. Un soulagement pour les salariés, qui échappent à la liquidation judiciaire, mais de courte durée. Car c’est durant cette période d’observation, pouvant aller jusqu’à six mois, que tout va se jouer pour le distributeur de biens culturels qui compte 27 magasins dans toute la France. L’opération de la dernière chance ? "L’activité de Virgin va se poursuivre normalement avec un effet que toutes les dettes antérieures vont être gelées. Ils n’auront donc plus qu’à payer les nouvelles, telles que les salaires ou les fournisseurs", explique Frédéric Fournier, avocat associé au cabinet Redlink.
Nouveau souffle
Asphyxié par 22M€ de dettes (voir même 50M€, selon les syndicats), le groupe, détenu à 74% par Butler Capital Partners (BCP) et à 20% par Lagardère, a accumulé les impayés auprès de ses fournisseurs, du fisc et de ses salariés. Le redressement judiciaire pourrait donc, selon l’avocat, "apporter un nouveau souffle à l’entreprise, lui permettant d’investir à nouveau, de se restructurer, de mettre en place un plan social, des cessions de locaux et, pourquoi pas, de développer d’autres activités qui viendraient compléter la vente physique". A condition, toutefois, qu’un repreneur aux reins solides réinjecte de l’argent dans le groupe. "Le problème tient, finalement, moins de l’apurement du passif de Virgin que de la reprise de son activité, sur un marché des biens culturels actuellement en berne", note Frédéric Fournier. Selon les premier bilan livré par le cabinet GFK, à fin septembre, l’ensemble des marchés subissent, en effet, une forte baisse, à -3% pour le livre, -12% pour les loisirs interactifs, – 9% pour la vidéo, et plus de -15% pour la musique. Dans ce contexte, c’est le commerce physique des produits culturels qui souffre le plus. Victime de la concurrence des pure-players et du développement des plateformes de téléchargement, il ne cesse de perdre du terrain face à Internet." Le dématérialisé représentait 10% du chiffre d’affaires des biens culturels en 2011", précise le cabinet GFK qui table sur une croissance de 12% en 2012.
Virage raté du web
Un passage au e-commerce que Virgin n’a pas su prendre, à l’inverse de son concurrent historique, la Fnac. "La Fnac a pris très tôt le virage de l’internet. Ce qui explique pourquoi, aujourd’hui, le chiffre d’affaires de Virgin, estimé à 286M€ en 2011, pour l’ensemble de l’enseigne, reste inférieur à celui réalisé par la Fnac (350M€) sur son seul canal web", compare Cyril Besse, senior manager chez CGI Business Consulting. Précurseur, Virgin avait pourtant misé très tôt sur le téléchargement sans déployer une activité e-commerce à laquelle l’ancien PDG de Virgin Megastore, Richard Branson, ne croyait pas. C’était sans compter le raz-de-marée provoqué par l’arrivée d’Apple et de Itunes sur les plateformes Internet. Le distributeur dont la simple marque serait estimée à 20M€ parviendra-t-il à faire oublier ces erreurs ? "La Fnac ne trouve déjà pas d’acquéreur, alors il est difficile de croire que Virgin, qui va financièrement encore plus mal, le pourra", concède Cyril Besse, pessimiste. Si cet acheteur existe (le nom du réseau Cultura circule), il devra, toutefois, se manifester rapidement car le constructeur Volkswagen se serait déjà porté candidat pour reprendre les locaux, à la place du mythique magasin rouge de l’avenue des Champs-Elysées.
Par Cécile Buffard