Pierre Moscovici l’a annoncé à la suite de sa réunion avec les acteurs de la filière : les prix des carburants à la pompe vont baisser jusqu’à 6 centimes d’euro par litre (et non pas de 6 centimes par litre) pendant trois mois. Le ministre de l’Economie et des Finances a indiqué que la décision est applicable "dans les 24 heures". Et qu’à l’issue de cette période de 3 mois, une solution pérenne devra être trouvée. "C’est un effort substantiel" et "concrètement c’est un euro et demi de moins" pour un plein de 25 litres, s’est-il félicité. L’effort sera partagé à parts égales (3 centimes) par l’Etat et les pétroliers. Le ministre a également indiqué que cette décision représentait, pour l’Etat, "un effort d’environ 300 millions d’euros" consenti sur la baisse des taxes, qui devra être compensé par un redéploiement budgétaire. Récapitulons : maximum 6 centimes par litre pour une facture de 300 millions financée par de nouveaux impôts dans un contexte où le pouvoir d’achat est en berne et la croissance à l’arrêt. Comment donner un peu ici pour prendre plus ailleurs ? Des scoubidous après les carambars
Jusqu’à…
On l’a bien compris, les prix des carburants vont baisser jusqu’à 6 centimes d’euros et non pas de 6 centimes d’euros. Cette baisse sera-t-elle la même pour tous les carburants ? Jusqu’où iront les différents acteurs ? Les distributeurs indiquent qu’ils ne gagnent qu’un centime par litre et ils seraient prêts à concéder 2 à 3 centimes ?
Total a d’ores et déjà indiqué que, pour sa part, il ne concèderait que 2 centimes par litre et 3 centimes sur les autoroutes. Et dès lundi, quelques enseignes avaient devancé les mesures envisagées par le gouvernement. Michel-Edouard Leclerc avait ouvert la voie en annonçant qu’il s’engagerait à vendre le carburant à prix coûtant jusqu’à la fin du mois de septembre (à noter : Leclerc vend déjà son essence à prix coûtant le week-end sur certains points de distribution, le considérant comme un produit d’appel pour ces points de vente). Un peu plus tard, Système U lui emboîtait le pas. Serge Papin, PDG de l’enseigne, annonçaient que les 750 stations-service des magasins U vendraient eux, aussi, leur carburant à prix coûtant dès le mois de septembre, pour une durée limitée à un mois.
Dans le même temps, l’Union des importateurs indépendants pétroliers (UIP) qui représente les enseignes Auchan, Carrefour, Casino et Cora avaient jugé ces déclarations prématurées, arguant que les stations-service ne réalisent que 1 centime de marge par litre de carburant.
Bref, on l’aura compris, ce sera à chacun de dire jusqu’où il pourra aller. Rappelons que ce dispositif a été préféré par le gouvernement au blocage des prix qui avait été promis par François Hollande avant son élection, trop compliqué à mettre en oeuvre. Celui-ci prévoyait un blocage de 3 mois, le temps de remettre à plat la fiscalité sur les carburants afin d’amortir les variations du cours du brut. Et Isaac ou non, le cours du baril de brut continue de grimper.
Opération promotion
En attendant, Leclerc et Système U espèrent bien tirer leur épingle du jeu. Certes, en vendant à prix coûtant, les deux enseignes vont consentir un effort financier : de l’ordre de 20 millions d’euros pour Leclerc (550 stations-service) et de 10 millions d’euros pour Système U. Un effort qu’ils comptent bien compenser au travers de cette opération de promotion d’un mois qui devrait drainer un maximum de consommateurs non seulement dans leurs stations-service mais, surtout, dans leurs magasins. De quoi conforter l’image prix et l’image défense du consommateur de ces enseignes. Et de quoi mettre des bâtons dans les roues à un concurrent comme Carrefour, qui "coincé" par l’UIP, aura du mal à défendre sa récente incursion du côté de la Garantie des Prix les plus bas. Même si le remboursement de deux fois la différence de prix relève du parcours du combattant – du coup, l’enseigne, ne prenait pas vraiment de risque financier avec cette promesse -, il est fort probable que, cette fois-ci, les consommateurs y regardent de plus près. Et s’aperçoivent que ladite Garantie ne s’applique pas lorsque les concurrents pratiquent des promotions exceptionnelles…