Pas de grandes surprises pour l’édition 2011 du classement annuel des 50 champions mondiaux des produits de grande consommation. Malgré une rentabilité qui s’effrite, les acteurs du secteur voient leurs performances progresser de façon constante depuis dix ans. Mais la récession économique les conduit, en revanche, à aller chercher plus de croissance. Ailleurs et autrement.
Valeurs sûres. Depuis dix ans, le top 5 des fabricants mondiaux de produits de grande consommation (PGC) reste invariablement le même : Nestlé, Procter & Gamble, PepsiCo, Unilever et Kraft Foods se placent toujours en tête du classement annuel des 50 champions mondiaux des PGC, publié par OC&C Strategy Consultants. L’année 2011 a, bien sûr, été marquée par quelques jeux de chaises musicales : PepsciCo, grâce à une croissance en hausse de 15%, double ainsi Unilever tandis que les quatre acteurs français présents dans ce classement (L’Oréal, Danone, Pernod Ricard et LVMH) ont tous régressé (de 1 à 8 places). Mais, globalement, les performances des 50 groupes mondiaux continuent de progresser, à +8,7% en 2011. Des résultats qui s’expliquent, selon Jean-Daniel Pick, co-auteur de l’étude et associé d’OC&C, par une croissance organique élevée, essentiellement tirée par la hausse des cours des matières premières : "Ces groupes ont réalisé, en moyenne, 6% de croissance organique en 2011, soit 60% de plus qu’en 2010", calcule ce dernier.
Une croissance élevée…
Si les volumes n’ont pas fléchi par rapport à 2010, la valeur et le prix moyen des produits ont, eux, fortement augmenté. Et c’est le secteur alimentaire et boissons – en progression de 12,9% – qui en a le plus profité. Danone, en opérant un recentrage stratégique a, notamment, vu sa croissance organique grimper de 7,5% depuis 2004. Sur ce critère de performance, le groupe se positionne aujourd’hui en seconde position mondiale, porté par une stratégie de conquête sur son cœur de métier (produits laitiers et eaux) à travers des acquisitions telles qu’Unimilk en Russie, tout en continuant à se positionner sur des segments à forte croissance (nutrition infantile ou santé). Idem pour Pernod-Ricard qui a mis, depuis 2010, l’accent sur le développement de ses marques locales pour séduire les masses, parallèlement à ses gammes premium.
… mais moins de rentabilité
Bien qu’ils affichent un fort taux de croissance en 2011, les acteurs du secteur doivent, néanmoins, faire face à un nouvel effritement de leur marge opérationnelle, à 15,8% du chiffre d’affaires global, soit -0,2 point que l’an passé. "Les industriels n’ont pas été en mesure de répercuter suffisamment la hausse des coûts des matières premières, depuis le premier choc inflationniste de 2008", analyse Jean-Daniel Pick pour qui "le bras de fer demeure en faveur des distributeurs". Les 50 entreprises du classement accusent, en effet, un recul de leur marge brute de 1,4%. Une baisse qui n’a été que partiellement compensée par l’amortissement des autres coûts et des politiques de réduction des dépenses, notamment en R&D et marketing. Et qui obligent les industriels à relever, plus que jamais, un nouveau défi : celui de la croissance sur des marchés potentiels ou acquis.
Cessions forcées
Côté fusions-acquisitions, pourtant, l’année n’aura pourtant pas été plus florissante. "Elles ont rejoint le plus bas niveau de la décennie", souligne même Frédéric Fessart, associé à OC&C. Les 19 opérations qui ont eu lieu en 2011, pour un montant global de 25 Mds$ (19,9 Mds€), se sont, de fait, concentrées, à 75% en valeur, dans le secteur de la bière et des spiritueux. Le rachat des bières Foster’s par SAB Miller, pour 12 Mds$ (9,5 Mds€) représente, d’ailleurs, la moitié de la valeur totale des acquisitions du top 50. Fait notable : "les transactions les plus importantes ont été contraintes", ajoute Frédéric Fessart, évoquant, à ce titre, la cession forcée de Sanex par Unilever, à la demande de l’Autorité de la Concurrence, à son concurrent Colgate-Palmolive, au printemps 2011. D’autres cessions sont également le fruit de ruptures de contrats avec leurs partenaires locaux.
Nouvelles frontières
Reste alors, à ces entreprises, à trouver d’autres stratégies de développement, peut être moins axées sur des marques mondiales et hégémoniques, mais davantage sur des marchés spécifiques, notamment dans les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud)."Le marché des BRICS, tout particulièrement le marché chinois, n’est pas d’accès facile pour les Occidentaux, raconte Jean-Daniel Pick. Ils doivent se réinventer pour exister dans ces pays". Et pour cause : leurs parts de marché restent faibles dans les BRICS (26%) et surtout en Chine (17%). Si les segments hygiène-beauté et boissons non alcoolisées arrivent à tirer leur épingle du jeu, l’alimentaire est, en revanche, à la traîne. Les multinationales subissent, de plus, la rude concurrence des tigres locaux, comme Wahaha ou Grupo Bimbo qui affichent une croissance de 14,8% en 2011 et remettent en question le modèle économique et le mode de gouvernance de ces grands acteurs mondiaux pour les faire évoluer vers un management et des partenariats locaux, à l’image de l’alliance entre SEB et le chinois Suppor. Autre territoire à explorer : l’Afrique subsaharienne, jusque-là faiblement exploitée et peu occupée par des concurrents locaux, qui attire de plus en plus les Occidentaux. Une promesse de développement pour ces acteurs, confrontés au ralentissement de la consommation, en 2012. En dessinant de nouvelles frontières, sur l’échiquier mondial, ils espèrent ainsi trouver, dans un contexte international marqué par la récession économique et la prudence, de nouveaux relais de croissance. Quitte à bousculer leurs habitudes…