Elle est rentrée dans les mœurs. La livraison s’est ancrée dans les habitudes des consommateurs et fait désormais partie intégrante du parcours d’achat. Depuis qu’Internet a volé la vedette aux vépécistes, le service s’est démocratisé dans tous les circuits de distribution. Pis, ne pas le proposer relève presque de l’hérésie. “Les modalités de livraison sont le deuxième facteur d’achat derrière le prix”, commente Fabien Esnoult, CEO de SprintProject, start-up spécialisée dans la veille mutualisée pour les acteurs de la logistique. Associée à GS1, cette dernière a commandé au cabinet d’études Opinionway un baromètre destiné à comprendre et analyser les habitudes et les attentes des Français en matière de livraison(1), mais également à détecter l’émergence de nouveaux besoins et tendances. Les résultats de cette enquête ont été délivrés en mars dernier, dressant un constat sans appel: avant d’acheter sur Internet, on regarde d’abord quand le produit va être livré. “Cette attente était beaucoup moins présente il y a encore cinq ans. Les pure players comme Amazon ont mis la pression aux enseignes dont le e-commerce n’est pas le métier premier en les obligeant à accélérer leurs délais”, affirme le directeur. C’est donc dans une véritable course contre la montre que se sont lancés les distributeurs français, il faut le dire, un peu dépassés par le rythme effréné que leur imposent leurs concurrents du web.
Un client de moins en moins tolérant Et les consommateurs ne leur rendent pas la vie facile. Toujours plus exigeants, ils ne tolèrent ni les retards, ni les erreurs d’envois et un seul raté peut définitivement disqualifier un acteur sur l’échiquier du commerce. “C’est compliqué parce que les gens commandent de plus en plus sur Internet, ce qui, mécaniquement, augmente les risques d’erreurs sur l’année”, admet Fabien Esnoult. Rapide, sans frais et sans faille, la livraison est devenue un élément essentiel du mix marketing où le mode d’acheminement du produit compte autant que le produit lui-même. Un changement de modèle pour les distributeurs qui, jusque-là, n’intégraient pas la logistique finale dans leur offre. Tout un écosystème est à reconstruire. “Les acteurs de la supply chain doivent élargir leur périmètre en associant fabricants, distributeurs et livreurs afin de créer conjointement de la valeur”, indique François Deprey, président exécutif de GS1. De fait, si les compétences logistiques des enseignes physiques se sont renforcées, les acteurs restent très dépendants des réseaux de sous-traitants sur la partie livraison et ils sont rarement les opérateurs de leurs transports. “Ils ont à faire à une myriade de transporteurs et une cascade d’opérateurs différents tout au long du processus de livraison, chacun disposant d’un système d’information propre”, mentionne le président. Difficile à piloter et donc à maîtriser, cette activité est une source de coûts importante. Elle est pourtant déterminante dans la satisfaction client. “On se bat depuis des années pour que les métiers du transport et de la logistique soient valorisés. C’est compliqué parce que les consommateurs achètent comme si ce maillon-là de la chaîne n’avait pas de valeur”, continue le président. L’offensive massive d’Amazon avec son offre Prime contribue un peu plus à la dévalorisation des métiers du dernier kilomètre.
Oui, mais à quel prix? Et pour cause, en imposant le J+1 comme norme de livraison, le géant américain a créé un besoin sur un marché que lui seul est capable de dominer. “Le J+1 coûte si cher que tous les acteurs tendent à l’éviter”, concède Franck Journo, directeur général de Néo26 avant d’ajouter: ”Amazon va plus loin en proposant du H+1, moyennant un abonnement de 50?euros par an. Cet investissement tarifaire vise à inciter les abonnés à dépenser plus sur le site et à créer un sentiment d’addiction”. Nespresso, dans un sens, joue également la carte du club avec